Mohamed Bazoum, candidat du PNDS Tarayya

Eligibilité et nationalité d’origine : Regard « droit » sur une controverse préélectorale

Cet article de Dr Adamou Issoufou, juriste et enseignant chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar  permet de clarifier une polémique inutilement entretenue au sujet de l’éligibilité du Candidat Bazoum Mohamed. En effet, au regard des pièces qu’il a produites devant la Cour constitutionnelle, l’on constate qu’il est né au Niger (cf. extrait du registre de jugements supplétifs d’acte de naissance n° 304 du 05 juillet 1985) d’une mère née aussi au Niger (cf. extrait du registre de jugements supplétifs d’acte de naissance n°117/JPG du 27 mars 1978). En outre, les mêmes pièces indiquent que l’intéressé est un enfant légitime né d’une mère nigérienne. En conséquence, l’on peut soutenir sans ambages que Monsieur Bazoum Mohamed est nigérien d’origine tant au regard du lien de sol que de celui de sang.

Selon l’écrivain et humoriste américain, « Pourquoi dépenser de l’argent pour faire établir votre arbre généalogique ? Faites de la politique et vos adversaires s’en chargeront ». Jamais une assertion n’a été aussi actuelle au regard des supputations portant sur la nationalité d’origine d’un des candidats à l’élection présidentielle tant les enjeux sont cruciaux pour les uns comme pour les autres.

Pourtant, dans un article assez ancien, le Professeur Pierre François Gonidec (La nationalité dans les Etats de la communauté et dans les Etats marginaux, Annuaire français de droit international, volume 7, 1961. pp. 814-835) rappelait avec pertinence que tous les Codes de nationalité consacrent une série d’articles à la nationalité d’origine, c’est-à-dire, à la nationalité conférée à un individu au moment de sa naissance. Le problème est de savoir quel est le critère adopté pour déterminer cette nationalité d’origine. Les techniques sont en nombre limité : ou bien le législateur tient compte de la filiation (lien du sang) ou bien il se base sur le lieu de naissance (lien du sol) ou bien encore il combine ces deux critères.

Au Niger, le législateur s’est toujours inscrit dans cette dernière logique. L’on retrouve à la fois les critères tirés du lieu de naissance et ceux en rapport avec le lien du sang.

Ainsi, de la loi n°61-26 du 12 juillet 1961 déterminant la nationalité nigérienne à la loi n°2014-60 du 05 novembre 2014 portant modification de l’ordonnance n° 94-33 du 23 août 1984 portant Code de la nationalité nigérienne, modifiée par l’ordonnance n° 88-13 du 18 février 1988 et l’ordonnance n°99-17 du 04 juin 1999, il est invariablement prévu qu’ « Est nigérien tout individu né au Niger d’un ascendant direct au premier degré qui y est lui-même né ». Cette disposition que l’on retrouve dans tous les textes visés pose ce que l’on appelle « la règle de la double naissance ». En conséquence, pour prétendre à la nationalité nigérienne d’origine, il faut que l’individu et l’un de ses ascendants directs au premier degré, c’est-à-dire, son père ou sa mère soient nés au Niger.

La preuve du respect de ces deux conditions étant difficile au regard de l’état rudimentaire de l’état civil de l’époque, le législateur nigérien a eu recours à la présomption légale. Ainsi, «  Est censé remplir ces deux conditions celui qui a sa résidence habituelle sur le territoire de la République » (article 7 alinéa 2 de la loi de 1961). En d’autres termes, la loi considère qu’est né au Niger d’un ascendant direct au premier degré (père ou mère) qui y est lui-même né, tout individu qui a résidence habituelle sur le territoire de la République. La seule exception concerne les enfants nés au Niger des agents diplomatiques ou consulaires de nationalité étrangère.

Cette disposition qui était restée en vigueur jusqu’à son abrogation par l’ordonnance n° 99-17 du 4 juin 1999 vise à régulariser la situation de tous ceux qui résidaient habituellement au Niger. La preuve contraire ne peut être rapportée que par l’individu lui-même ou par le Président de la République.

S’agissant du lien exclusif de sang, l’article 10 de la loi n°61-26 du 12 juillet 1961 déterminant la nationalité nigérienne dispose qu’ «  Est nigérien :

  • L’enfant légitime né d’un père nigérien ;
  • L’enfant légitime né d’une mère nigérienne et d’un père sans nationalité ou de nationalité inconnue… ». L’article 11 de la même loi ajoute qu’est nigérien, « l’enfant légitime né d’une mère nigérienne et d’un père de nationalité étrangère ». Après sa réécriture en 1999 (Loi n°99-17 du 4 juin 1999), cette disposition devient : Est nigérien : « L’enfant légitime né d’un père nigérien ou d’une mère nigérienne ».

Voulant tirer les conséquences de ces deux cas de figure, le législateur précise, pour que nul n’en ignore que « l’enfant qui est ou devient nigérien en vertu des dispositions du présent titre est réputé avoir été nigérien dès sa naissance même si l’existence des conditions requises par la loi pour l’attribution de la nationalité nigérienne n’est établie que postérieurement à sa naissance » (article 6 de l’Ordonnance n° 84-33 du 23 août 1984).

         En somme, on détient la nationalité nigérienne d’origine en raison soit des liens combinés du sol et du sang soit en raison du seul lien du sang.

Dans le premier, il suffit d’apporter la preuve que l’individu et son père ou sa mère sont nés au Niger,  sans occulter la présomption légale posée à l’article 7 alinéa 2 et qui a prévalu jusqu’à son abrogation en 1999.

Dans le second cas, la nationalité d’origine est acquise dès lors qu’il est établi que le père ou la mère de l’enfant légitime a la nationalité nigérienne et ce, quel que soit le lieu de naissance du candidat à cette nationalité. Sur ce dernier point, il faut remarquer que le législateur nigérien a toujours entendu placer le père et la mère sur un pied d’égalité au sujet de la transmission de la nationalité à leur enfant légitime. La place ainsi faite à la mère s’explique par l’existence de coutumes qui établissent la filiation matrilinéaire. En outre, même lorsque la coutume consacre la filiation patrilinéaire, la mère tient une place importante dans la vie de l’enfant.

Au regard de ce qui précède, l’on peut tirer la conclusion suivante : Tout enfant né au Niger d’un père ou d’une mère nés aussi au Niger est nigérien d’origine. Outre la présomption légale posée à l’article 7 alinéa 2 de la loi de 1961, ce sont l’extrait d’acte de naissance de l’un des parents et celui de l’enfant, candidat à la nationalité nigérienne d’origine qui font foi. Il en est de même de tout enfant légitime né d’un père nigérien ou d’une mère nigérienne. Dans ce dernier cas, il suffit d’établir un lien de filiation légitime entre l’enfant et son père ou sa mère pour que celui-ci ait la nationalité nigérienne d’origine. 

En tout état de cause, il appartient à toute personne lui contestant cet état de prouver le contraire devant le juge compétent qu’il convient de saisir suivant la procédure prévue à cet effet.

Adamou ISSOUFOU

Docteur en droit public

FSJP/UCAD