Le G5 Sahel, selon son Secrétaire Exécutif, exige un civil pour diriger la transition au Mali. Pour Maman Sidikou, le coup d’Etat est « d’abord un échec des Maliens ».
L’Union européenne a suspendu temporairement ses missions de formation de l’armée et de la police au Mali. L’annonce a été faite ce mercredi après le coup d’Etat militaire qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, a déclaré le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
La plupart des militaires de la force spéciale malienne ont été formés par des partenaires du pays. Ce qui soulève à nouveau des interrogations liées à la formation de ces soldats qui peinent pourtant à venir à bout des terroristes qui sévissent au Mali et dans le Sahel.
À cette question, le Secrétaire Exécutif du G5 Sahel, Maman Sidikou répond : « Il faut interroger ce qui se passe en interne, plutôt que de parler des formations données par nos partenaires ».
Dans une interview exclusive accordée à la DW, Sidikou rappelle que l’interruption d’un processus constitutionnel ne peut pas être considérée comme normale. Il avoue aussi avoir été surpris, car il estime que « le temps des coups d’Etat est révolu ».
Extrait de l’entretien avec Maman Sidikou
DW : Comment réagissez-vous au putsch militaire qui a renversé le Président, Ibrahim Boubacar Keïta ?
Maman Sidikou : Au niveau du G5 Sahel, nous agissons dans une optique d’accompagnement des efforts de la Cédéao, en étroite collaboration avec les autres partenaires: l’Union africaine, les Nations unies. Nous sommes en mission ici, instruits par le président du G5 Sahel, le président Ghazouani, de Mauritanie, et en effet face à une situation très préoccupante pour la région.
DW : Quelle a été votre marge de manœuvre depuis le renversement du régime d’IBK?
Maman Sidikou : Nous avons continué à travailler normalement, et il n’y a pas d’interruption dans les opérations, par exemple. Il n’y a pas d’interruption dans les contacts au ministère des Affaires étrangères du Mali et dans la concertation permanente entre nos cinq chefs d’Etat et avec la Cédéao. Notre force conjointe qui est sur place continue à travailler avec l’armée malienne pour organiser nos opérations.
DW : Nous savons que ce sont les hauts gradés de l’armée malienne qui ont mené ce putsch, dont certains ont été formés en France, d’autres en Russie ou encore par le programme américain Flintlock. Est-ce que vous avez été surpris par leur mode opératoire ?
Maman Sidikou : Toute interruption d’un processus constitutionnel, surprend, étonne et n’est pas normale. C’est tout ce que je peux dire là-dessus. Mais surpris ? Oui, parce que bon, pour nous, le temps des coups d’Etat est révolu.
Nos jeunes amis du Conseil national du salut du peuple disent que ce n’est pas un coup d’Etat. Ceux qui étaient dans la rue aussi disent que c’est l’aboutissement de tout ce qu’il y avait comme tension avant.
DW : Mais est-ce que ce n’est pas un aveu d’échec de la communauté internationale ?
Maman Sidikou : Disons que c’est d’abord un échec de la communauté malienne, des Maliens eux-mêmes.
DW : La plupart des militaires (maliens), en tout cas des forces spéciales, sont formés par la communauté internationale à travers divers programmes…
Maman Sidikou : Il y a des questions à se poser à ce niveau-là, mais nos armées, d’une façon générale ont des formations dans divers pays. On ne leur apprend pas à faire des coups d’État au cours de ses formations-là. Donc il faut interroger ce qui se passe en interne, plutôt que de parler des formations données par nos partenaires.
DW : Lors des différents rassemblements du M5, nous avons vu sur les pancartes que les manifestants sont hostiles à la présence des forces étrangères sur le sol malien. Selon eux, elles auraient échoué à garantir la sécurité aux populations civiles. Comment vous, en tant que G5 Sahel, vous percevez tout cela ?
Maman Sidikou : Je pense qu’il faut comprendre que la lutte contre le terrorisme requiert des interventions de tout le monde. Le G5 Sahel est dans son droit d’être ici. C’est le Mali qui a construit la force conjointe avec les autres et qui est là pour lutter contre un phénomène qui menace la paix dans l’espace [le Mali et la sous-région] et la paix dans le monde.
DW : Est-ce que quelque part il n’y a pas une pléiade de partenaires au chevet du Mali ?
Maman Sidikou : Que les Maliens règlent leurs problèmes. Et alors on n’aura plus besoin d’une pléiade de gens d’ailleurs…
DW : Au sein de la population on parle de plus en plus de négociations avec les groupes terroristes. Est-ce également une piste pour vous ?
Maman Sidikou : Je préfère ne pas commenter.
DW : Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui pour prendre véritablement vos marques en tant que G5 Sahel ?
Maman Sidikou : Nous travaillons depuis quelque temps avec tous nos partenaires, ce que nous appelons la montée en puissance de la force conjointe. N’oubliez pas d’abord que la force conjointe a été mise en place par nos cinq États avec nos propres moyens – les gens ne le disent pas assez. La lutte
contre le terrorisme c’est entre 17 % et 30% du budget de chacun des pays.
DW : Est-ce que vous avez les moyens de votre politique ?
Maman Sidikou : Les armées des cinq pays, ce sont nos partenaires. J’ai cité Barkhane,les Américains, les Allemands et d’autres.
DW : Mais vous peinez à mobiliser des fonds…
Maman Sidikou : Il y a eu une réunion en février 2018 à Bruxelles où de grandes annonces ont été faite, vous vous souvenez? Nos chefs d’État ont été clairs dans leur communication pour dire que ça ne vient pas assez vite. Mais depuis, ça a avancé quand même.
DW : Quel type de collaboration vous nouez avec l’Allemagne ?
Maman Sidikou :L’Allemagne est un partenaire de choix pour nous, non seulement en ce qui concerne la dimension sécuritaire, mais aussi, on n’en parle pas suffisamment: dans la formation des polices. La composante police de la force conjointe va aussi monter en puissance. Et puis, dans les différentes formations qu’il y a au niveau de l’Union européenne, c’est un membre important de l’Union européenne.
Deuxièmement, le volet que tout le monde semble oublier, c’est le volet développement. La dimension militaire passera. Mais les problèmes que nous avons parfois dans nos pays, c’est parce que, justement, nos populations n’ont pas l’essentiel en ce qui concerne les services de base. Que ce soit l’éducation de leurs enfants – qui n’est pas négociable. Que ce soit l’eau, que ce soit leur participation effective aux programmes de développement etc.
Je pense que sur ce plan, l’Allemagne soutient beaucoup. Vous savez que c’est l’Allemagne à travers le BMZ, le ministère de la Coopération, qui pilote avec l’Espagne aujourd’hui ce que nous appelons « l’Alliance Sahel », avec laquelle nous sommes en train de développer un certain nombre de projets sur le terrain.
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