L’assassinat de deux Nigériens et de six humanitaires français, le dimanche 9 août 2020, à Kouré, localité touristique située à une soixantaine de km à l’est de Niamey, en plus de l’horreur, suscite plusieurs interrogations. Le lieu des crimes, le nombre de victimes ainsi que leurs profils puis leurs nationalités sont significatifs. Les effets, supposés ou escomptés par les assaillants à motos, sont largement atteints : surprise, tristesse et conjectures.
Kouré est un site touristique rescapé, dans ce Niger privé de recettes de visites d’étrangers amoureux de sa diversité culturelle par l’insécurité qui frappe les pays du Sahel depuis des années. Les girafes sauvages, au pelage bigarré, y attirent des Occidentaux basés à Niamey. Des revenus encore modestes pour quelques guides, qui espèrent, progressivement, développer cette attraction. Finis, leurs rêves légitimes. Arraché, le souffle de quatre femmes et quatre hommes ! Huit personnes, des civils, tuées, en quelques minutes. Ce ne sont pas des cibles militaires, en principe, sauf à supposer qu’elles auraient été témoins d’une quelconque scène particulière, de façon fortuite. Le véhicule, frappé du sigle de l’ONG, française, ACTED, calciné, semble indiquer que les assaillants ne recherchaient pas une prise d’otages lucrative ni un butin logistique. Ils voulaient frapper les esprits, au Niger, en France et ailleurs, par un chiffre élevé de victimes mortelles.
Pourquoi assassiner des travailleurs humanitaires, leur guide et leur chauffeur ? Pour pousser l’ONG à fermer ses portes et à quitter le Niger ? Un avertissement fatal à l’ensemble des acteurs humanitaires qui, en dépit du niveau d’insécurité, opèrent toujours au Niger et au Sahel, de manière générale ? Un pied de nez aux Forces de défense et de sécurité nigériennes, qui ont payé le plus lourd tribut à l’insécurité, depuis l’indépendance, vieille de soixante ans ? Une façon de confiner les Occidentaux à Niamey ? Effrayer les Nigériennes et les Nigériens, à l’approche des élections générales ? Un message sanglant à la France, qui va devoir rapatrier six dépouilles ? Une intimidation des habitants de Kouré à qui « on » voudrait interdire l’exploitation des girafes pour « amuser des Blancs » ?
Quelle que soit la question posée ou l’hypothèse retenue, les méninges se grillent à y trouver la moindre réponse ou une quelconque démonstration. Et planent, puis flottent, dans le ciel hivernal donc versatile nigérien, les esprits de huit corps, endormis à jamais…
André Marie POUYA
Journaliste & Consultant