Le président de la Cour des comptes, Pr Oumarou Narey remettant au chef de l'Etat le rapport de son institution

Gestion des partis politiques : La Cour des comptes tire la sonnette d’alarme !

 

Il y a plus de 140 partis politiques légalement reconnus au Niger. D’autres sonnent encore à la porte. Il y a bien sûr lieu de réguler ce monde où l’éthique semble être la chose la moins partagée. Combien de partis sont aujourd’hui représentés au parlement et dans les conseils locaux ? Combien tiennent-ils régulièrement leurs instances statutaires ? Combien se présentent-ils aux élections alors que la vocation d’un parti politique est de conquérir et exercer le pouvoir ? Combien de partis sont financés à travers le paiement régulier des cotisations des militants ? A toutes ces questions, on répondra que très peu de partis politiques répondent aux exigences légales.

Les partis sont financés par leurs chefs souvent avec l’apport de quelques bailleurs de fonds qui ne manquent pas de dicter leurs lois aux militants, de décider de ceux qui seront nommés ministres, députés, cadres de commandement etc. Les chefs et les bailleurs de fonds font la promotion, de qui ils veulent, excluent qui ils veulent. Ces partis n’en sont pas moins que des Sociétés à responsabilité limité (SARL). C’est pourquoi ils ont tendance à pousser comme des champignons. Pour une petite incompréhension, certains ont tendance à vouloir casser la baraque pour créer leur propre parti politique. C’est pourquoi, à notre humble avis, il faut inverser cette tendance en régulant ce domaine au nom de l’intérêt général.

Le constat de la Cour des comptes

La Cour des comptes a révélé des bizarreries très graves dans la gestion des partis politiques. Entre autres anomalies, l’on retient le fait que certains partis politiques n’ont même pas de compte bancaire, sans siège, pas de tenue de comptabilité, non-respect des conditions légales d’utilisation de la subvention octroyée par l’Etat. C’est ainsi que même au niveau des 13 partis politique qui ont présenté leurs comptes en 2013, on en trouve qui ne tiennent pas de journaux comptables, qui n’ont pas de pièces comptables, qui ne disposent pas de plan de compte, qui ne disposent pas d’un système d’enregistrement des opérations sur ordinateur etc.

Pour remédier à ces différentes anomalies, la Cour a formulé des recommandations à l’endroit des ministères de l’intérieur et Finances et des partis politiques eux-mêmes. L’Etat doit ‘’veiller au respect de la règlementation relative aux critères d’attribution de la subvention aux partiques afin d’éviter des paiements indus susceptibles de constituer des fautes pénales ou de gestion ; contrôler l’effectivité de l’existence d’un siège pour chaque parti politique et contrôler l’effectivité de l’existence d’un compte bancaire ouvert au nom de chaque parti politique’’.

A l’endroit des partis politiques, la Cour recommande de ‘’mettre en place une organisation et un système comptables ; faire certifier les comptes et respecter les postes de répartition de la subvention de l’Etat’’.

Selon ce rapport 2014 de la Cour des comptes, dans la kyrielle des partis politiques 13 seulement sont en règle. Et ce rapport accable des grandes formations politiques et non des moindres. Celles-ci doivent se reprendre au risque de subir la rigueur de la loi. Lorsqu’on se donne pour mission de diriger le pays au sommet, il importe de savoir prêcher la vertu par l’exemple.

Il y a beaucoup de partis qui n’ont pas la tradition d’aller aux élections qui siègent au CNDP et qui décident, suivant leurs intérêts, de l’avenir du pays. Il faut que le mode de fonctionnement du CNDP soit revu en faisant surtout place aux partis, dans le sens noble du terme. Pour le reste, le Ministère de l’Intérieur, qui assure la tutelle des partis politiques, doit faire application de la loi dans toute sa rigueur. La bonne gouvernance prend pied à partir de là.

Faut-il dissoudre les partis politiques hors-la-loi ?

De ce qui précède, il semble que l’orthodoxie dans la gestion financière n’est pas la première qualité de certains partis politiques et leurs leaders. Il revient à dire que dans leur écrasante majorité, nul ne peut compter sur eux pour la bonne gestion des biens mis à leur disposition pendant que le pouvoir d’Etat est hors de leur portée. D’ailleurs, oublieux qu’ils sont de la charte des partis politiques, la simple formation qu’ils doivent régulièrement accorder à leurs militants est reléguée aux calendes grecques.

Pourtant, un bon arbre se reconnait par ses fruits, dit-on. Ici, il saute à l’œil que les mauvais arbres sont les plus nombreux. De mauvais arbres qui ont pour activités principales la fabrication de fausses rumeurs, la création de mensonge, la réflexion sur des complots à ourdir pour terrasser l’adversaire politique, le nomadisme d’une formation politique à une autre, le changement de camps, etc.

Ce qui laisse transparaître qu’il n’y a pas d’idéal patriotique ni de civisme pour la majorité écrasante de nos hommes politiques. La poussière qu’ils soulèvent pendant leurs déclarations, meetings, manifestations de rues, points de presse et communiqués, s’estompe au nom d’un poste politique à eux proposé ou d’une valise remplie de CFA.

Les luttes démocratiques n’ont visiblement de démocratiques que de nom. Il n’y a que des intérêts particuliers qui priment au dépend de l’intérêt général. C’est ce à quoi nous assistons au Niger.

Nous ne sommes pas loin de croire que nos partis politiques n’ont de but que le pouvoir lui-même, sa conservation et les honneurs qui vont avec une fois qu’il leur est acquis. Assurer le bien public, ils n’en ont cure. Les actes posés par les uns et les autres peuvent en témoigner.

Combien de promesses font-ils au peuple qu’ils ne tiennent pas ? Combien d’hommes politiques retournent régulièrement aux côtés des populations qui les ont élus afin de les écouter et essayer d’apporter au moins un semblant de solutions à leurs soucis du quotidien ?

Cela pour dire que nombreux sont nos hommes politiques qui ne retournent auprès de nos populations qu’à l’approche des élections. Une fois les élections terminées, tout le monde retourne à la case de départ, les problèmes connus restent et demeurent, alors, entiers sans que les solutions qu’ils ont tant chanté leur apporter ne pointent à l’horizon.

D’où, une absence criarde de morale dans l’action politique chez certains opérateurs politiques nigériens. Le peuple n’a d’autres ressources que de prendre son mal en patience.

Doit-on, de ce point de vue, seulement reconnaître à nos formations politiques que des manifestations de rues, des déclarations intempestives et des présentations de programmes pompeux ? Il est vrai que leurs actions donnent vie à la démocratie du pays, permettent à la liberté d’expression de fleurir, à la justice de sévir en toute indépendance et aux droits de l’homme d’être respectés, mais à quel prix ?

Il est regrettable de constater que la majorité des partis politiques ne soit pas capable de bien gérer des ressources qui lui sont confiées. De là à faire le lien avec les détournements de deniers publics qui gangrènent la Cité, il n’y a qu’un pas.

Ceux qui n’ont pas été capables de faire preuve d’orthodoxie dans la gestion d’un parti politique, ne peuvent faire preuve de bonne gouvernance dans le cadre de la gestion de la Cité, c’est clair. Le pouvoir acquis, les multiples idéaux auxquels aspirent le peuple ne peuvent de leur part qu’être rejetés à la poubelle.

Il faut suspendre, voire dissoudre les partis politiques défaillants, estampiller d’une mauvaise moralité leurs leaders, ne pas leur permettre l’accès à la gestion de la République, bref, il faut faire respecter la loi à tout prix.

Tiemago Bizo et Bassirou Baki Edir

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