Insécurité au Sahel : Recadrage de la diplomatie tchadienne sur les propos du Président Deby

Le 12 avril 2020, le Ministère tchadien des Affaires Etrangères a rendu public un communiqué sur les récents propos tenus par Idriss Deby Itno devant ses soldats qu’il félicitait pour leur victoire face à la secte islamiste Boko Haram. C’était à l’issue de ‘’l’Opération Colère de Boma’’, opération organisée en guise de représailles contre les éléments de cette secte qui ont tué 92 soldats tchadiens lors d’une attaque sur la presqu’île de Boma le 23 mars 2020.

Face au tollé que les propos d’Idriss Deby Itno ont suscité sur les médias et les réseaux sociaux, le Ministère tchadien en charge du portefeuille diplomatique a, alors, jugé utile d’en donner l’explication de texte. En effet, dans son communiqué, tout à fait dominical, le Ministère tchadien des Affaires Etrangères a, d’abord, expliqué que « certains points de la communication faite en arabe, le 08 avril dernier, devant les officiers de l’Armée tchadienne, à l’issue de l’opération militaire « Colère de Boma », ayant totalement nettoyé les éléments terroristes de Boko Haram, dans les îles du Lac-Tchad, sont sortis de leur contexte et interprétés de façon erronée ».

Par là-même, l’on comprend que les autorités tchadiennes ont été attentives à la mauvaise appréciation par l’opinion surtout internationale des propos présidentiels. Et pour cause ! Face aux officiers de son armée, au sortir de la victoire contre Boko Haram, le Président Deby avait clairement souligné que, désormais, « aucun soldat tchadien ne participera à une opération militaire en dehors du Tchad. Nous sommes capables de défendre notre intégrité territoriale ».

Un tel discours, évidemment, ne peut avoir bonne presse surtout dans les pays qui se partagent le Lac Tchad et, au-delà, dans les pays membres du G5 Sahel où l’armée tchadienne participe à des opérations conjointes contre le terrorisme. Ce qui, en outre, pourrait compromettre de manière définitive sa présence très attendue dans la ‘’Zone des Trois Frontières’’, zone où sévissent de nombreux groupes armés terroristes.

Cependant, pour le Ministère tchadien des Affaires Etrangères, il importe de préciser que « les propos de SE Monsieur Idriss Deby Itno, Président de la République, Chef de l’État, relatif à la décision du Tchad de n’envoyer dorénavant aucun soldat au-delà des frontières nationales dans le cadre d’engagement individuel des troupes tchadiennes pour lutter contre le terrorisme dans le bassin du Lac-Tchad, se rapporte au contexte des opérations conduites dans l’espace dudit bassin, théâtre d’opérations réservé à la Force Multinationale Mixte (FMM) de la Commission du Bassin du Lac-Tchad ».

En rappel, le Président tchadien s’est plaint devant ses hommes d’avoir accompli une guerre en solitaire face à Boko Haram en estimant que « nous nous sommes battus seuls, aux confins du Lac-Tchad sans l’apport des pays qui sont censés nous aider. Les soldats tchadiens sont morts pour la cause des pays membres de la CBLT et du Sahel ».

Cette plainte d’Idriss Deby n’est, pourtant, pas justifiée parce que son armée a reçu une franche collaboration de celles des pays du Bassin du Lac Tchad (Niger, Nigéria et Cameroun). En effet, tous ces pays ont prêté leurs territoires et mis à plat leurs réseaux de communication cellulaires pour que ‘’l’Opération Colère de Boma’’ soit une réussite.

Pour une réussite, ladite opération l’a été effectivement, étant donné que l’armée tchadienne a pu neutraliser 1000 terroristes et libérer toutes les îles du Lac Tchad. Et certaines des îles libérées appartiennent au Niger et au Nigéria. C’est pourquoi une mission conduite par le Ministre Délégué à la Présidence de la République, Chargé de la Défense Nationale, de la Sécurité, des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre s’est rendue dans ces pays pour demander à leurs autorités d’envoyer des soldats occuper lesdites îles dans un délai de 15 jours.

Dans son communiqué, le Ministère tchadien des Affaires Etrangères a, en outre, souligné « qu’il n’a jamais été question pour le Tchad de se désengager de la Force Multinationale Mixte (FMM) de la CBLT, ni de la Force Conjointe du G-5 Sahel, moins encore de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) ».

Il a, enfin rassuré l’opinion nationale et internationale sur « la détermination et l’engagement du Tchad dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée sous toutes leurs formes, aussi bien à l’intérieur de son territoire que dans le cadre des forces susmentionnées ».

Vraisemblablement, l’allocution d’Idriss Deby a été faite dans l’atmosphère enjouée du succès de son armée face à Boko Haram. L’allégresse passée, il faut, maintenant, faire face à la réalité d’un Tchad ami de nombreux autres pays qui font face aux mêmes problèmes : ceux du terrorisme dans une partie importante de la bande sahélienne. Et dans le combat contre le terrorisme, l’unité de nos pays est plus qu’une nécessité mais un impératif.

Bassirou Baki Edir