Portrait politique de Hama Amadou sur Vox Africa : quand Hama Amadou raconte sa vie aux autres !

Hama Amadou, ancien Président de l’Assemblée Nationale et plusieurs fois Premier Ministre, a diffusé sur sa page Facebook un portrait, produit par la chaîne de télévision Vox Africa, dans lequel est retracé son parcours politique. Un parcours politique plein de péripéties qui a commencé sous le régime militaire de Seyni Kountché jusqu’à nos jours, soit près d’un demi-siècle. Retour sur une mise en scène digne d’un film hollywoodien.

Dans cette espèce de documentaire (réchauffé) retraçant sa vie politique, l’ancien Premier Ministre s’est, d’abord, exprimé sur ses liens avec l’ancien Président de la république, Mamadou Tandja. « Avec le Président Tandja, souligne-t-il, nous avons fait la politique ensemble pendant près de 20 ans. Nous étions quasiment inséparables ». Des liens, à première vue, étroits, qu’il entretenait avec l’ancien président de la République qui, pourtant, n’ont pas empêché celui-ci à l’envoyer en prison.

Pour Hama Amadou, le fait d’être jeté en prison par Mamadou Tandja reposerait uniquement sur une logique toute simple : « le Président Tandja avait considéré que deux mandats constitutionnels tels que prévus ne lui suffisait pas. Il lui fallait une prolongation hors Constitution. Il était bien conscient que cette approche je ne la partagerais pas. La meilleure solution était de m’envoyer en repos ».

Pour l’ex-Président de l’Assemblée Nationale, le Président Tandja s’est séparé de lui, « parce que j’étais le Président du parti auquel il appartenait et le candidat potentiel pour les élections présidentielles de la fin de son mandat. »

Dans cette mise en scène tout à la gloire de Hama Amadou, le Président Issoufou Mahamadou est présenté comme un de ses plus grands obstacles. Bien qu’ils soient, à première vue, de redoutables adversaires politiques, Hama Amadou et Issoufou Mahamadou ont souvent été rapprochés au gré des soubresauts de l’histoire sociopolitique de notre pays. Par exemple, dans le cadre du deuxième tour des élections de 2011, les deux hommes ont conclu une alliance politique qu’ils ont appelé la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN) et ceci, après avoir bataillé ensemble contre le ‘’Tazartché’’ du Président Tandja.

Malheureusement, très tôt, cette alliance s’est éclatée suite au départ rocambolesque de Hama Amadou à l’opposition. « Une alliance repose d’abord sur une confiance réciproque et sur le respect mutuel. A partir du moment où vous avez l’impression que votre allié n’a comme objectif que de vous éliminer et d’affaiblir significativement votre parti, il serait de très mauvais compte de continuer à vouloir jouer l’allié loyal et soumis. Je pense que Mahamadou Issoufou n’a pas respecté les règles de notre alliance et il avait voulu inféoder mon parti de force au sien afin que je le soutienne aux élections de 2O16 », explique l’ancien Premier Ministre.

D’après lui, ce sont les règles de cette alliance qui ont été bafouées par le Président Issoufou. En effet, « nous avons simplement arrêté le principe que je le soutienne aux élections de 2011 au deuxième tour et pendant 5 ans nous essayons de mettre ensemble nos efforts pour donner au Niger les bases de stabilité politique réelle et les conditions d’un développement économique qui s’amorce. Donc, notre contrat c’est sur 5 ans, pas sur 10 ans. Il est évident qu’au bout des 5 ans, chaque parti retrouve son indépendance et engage ses forces pour éventuellement demander au peuple souverain sa reconnaissance soit au niveau des présidentielles soit au niveau des législatives mais en aucune façon pour être un supplétif à vie d’un autre parti. Donc, je pense que c’est ce principe que M. Issoufou ne comprend pas dans la mesure où, au-delà de ma personne, il veut aujourd’hui l’imposer à tous ses alliés », soulignait-il après son départ de la mouvance présidentielle et pendant qu’il se soit déjà exilé en France.

Entre autres raisons qui expliqueraient son départ de ladite mouvance présidentielle et sa fuite en Europe, l’ancien Chef de file de l’opposition politique souligne : « le Gouvernement aurait fait venir un poison de Libye dont les effets ne seraient intervenus que quelques mois après son ingestion… ».

Quant à savoir comment il avait été mis au courant du complot mortel qui serait en préparation contre lui à cette époque, il s’est expliqué en ces termes : « quelqu’un est venu m’informer et c’était la troisième personne pour me dire : ‘’attention, toute cette affaire ne vise qu’une chose : arriver à vous arrêter même pour une semaine, le temps de pouvoir d’une manière ou d’une autre vous administrer un poison. Ce poison ne fonctionnera que dans un délai de trois mois, comme ça peut-être vous serez sorti de prison mais, vous n’allez pas survivre au-delà de trois mois’’. L’enjeu n’est pas d’ordre judiciaire, l’enjeu est d’ordre politique ».

Hama Amadou a, en outre, ajouté dans sa mise en scène, « M. Issoufou Mahamadou a juré depuis 2012 de se débarrasser de moi en 2013 et de faire tout ce qui est possible de faire pour m’empêcher de pouvoir l’affronter aux élections de 2016 ».

L’on se rappelle, la fuite de Hama Amadou en France était liée au dossier de la supposition d’enfants ouvert contre lui et plusieurs autres personnes au Niger.  A ce propos, il s’interroge, « est-ce que dans la loi nigérienne quelque part il est fait obligation à toutes les femmes qui accouchent au Niger ou dans le monde, l’obligation pour elles d’avoir un carnet de suivi de maternité au Niger ? »

D’après lui, sa femme qui est impliquée aussi dans le même dossier « a fait son test de grossesse à Niamey dans une clinique qui a fourni au juge la pièce qui démontrait bien qu’ils ont constaté qu’elle était bel et bien en grossesse… Vous croyez que chaque fois qu’elle devait aller au Nigéria pour le suivi, elle allait en informer le Président de la République, M. Issoufou Mahamadou ? M. Issoufou Mahamadou qui, à chaque fois, par trois fois, lui apportait des subsides… pour aller et revenir. Est-ce qu’une femme, dans l’intention d’aller acheter des bébés, donc, de manière frauduleuse, pourrait se comporter de cette façon ? »

Pendant que cette affaire était encore devant les tribunaux, Hama Amadou revint au Niger en fin 2015 pour battre campagne pour les élections présidentielles de 2016, élections auxquelles il était candidat. A ses dépens, il fut jeté en prison. Les campagnes prirent fin avec la réélection du Président Issoufou Mahamadou au deuxième tour. Hama Amadou obtint le permis de sortir de prison mais c’est pour être évacué en avion médicalisé vers la France.

Il explique, dans son portrait, les raisons de son second départ en exil en France après les élections présidentielles de 2016 : « je suis en exil parce que les conditions politiques qui ont été spécialement organisées pour mon élimination politique sont toujours en vigueur. Je rappelle que c’est de la prison que j’ai dû suivre la campagne électorale de la présidentielle à la quelle j’étais candidat ».

Après tous les recours, l’ancien Premier Ministre de la 5ème République est condamné à un an de prison ferme. Même la CEDEAO l’a, aussi, débouté. Il finit par revenir au pays suite à des circonstances plus que douloureuses. En effet, sa mère s’est éteinte et le devoir l’oblige à se recueillir sur sa tombe. Après le deuil de sa mère, sans opposition aucune, il accepta de se présenter devant le juge pour se faire incarcérer.

A la faveur de la pandémie du Covid-19, Hama Amadou obtint une grâce présidentielle et rejoint sa famille sans tambour ni trompette.

Interrogé sur son avenir politique, il explique à nos confrères de Vox Africa : « peut-être je suis naïf parce que je crois sincèrement à la démocratie et aux règles de la démocratie. Mais, si en face de moi, j’ai des hommes qui ne pensent qu’au pouvoir et à l’intérêt qu’ils ont de garder le pouvoir quels que soient les moyens, il est évident que si je continue à me présenter contre eux, je suis un naïf. Mais, que faire autrement ? Si je pars du principe : puisqu’ils ne respectent pas les règles des élections démocratiques, je vais me retirer, pensez bien qu’en Afrique il n’y aurait plus d’opposants ! Personne ne se présenterait contre qui que ce soit ! »

Va-t-il alors s’éloigner de la politique ou continuer à participer au jeu politique ? A ce propos, Hama Amadou parle déjà de son nouvel adversaire politique : « je pense que, si mon adversaire actuel qui a, quand même, fait presqu’une vingtaine d’années d’opposition…c’est sa façon de faire la politique, dans laquelle il n’y a ni humanité ni respect des principes démocratiques, c’est son personnage, je n’y peux rien ».

Ce portrait est intéressant. Il pose le véritable problème d’objectivité quand il s’agit de raconter sa propre histoire aux autres. Les téléspectateurs ont eu chacun à se faire une idée sur la version des faits d’un homme qui voit la mort partout venant de ses adversaires. Nous comprenons bien le désir de Hama Amadou de se remettre en selle malgré son grand âge et son état de santé critique. Le récit de sa vie par lui-même met bien en évidence l’adage qui dit que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Encore faut-il retenir la leçon de Chinua Achebe lorsqu’il écrit : « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne peuvent que chanter la gloire du chasseur ».

Bassirou Baki Edir