Le Niger est sous l’empire de la liberté de la presse. Le rapport annuel que Reporters Sans Frontières (RSF) a publié sur l’état de la liberté de la presse dans le monde au titre de l’année 2020 prouve, à nouveau, que la presse est libre au Niger. Cette année, le Niger a gagné 9 points par rapport au classement 2019. Il occupe la 57è place dans le monde sur 180 pays. RSF note qu’aucun journaliste, aucun journaliste citoyen, aucun collaborateur n’ont été tués au Niger.
Les étrangers qui viennent au Niger sont particulièrement émerveillés par le ton totalement libre de nos journalistes. Certains en abusent même de façon irrévérencieuse. Par moments, gouvernants et simples citoyens sont attaqués y compris dans leur vie privée si ce ne sont pas des informations mensongères qui sont véhiculées sans que cela donne lieu à quelques représailles que ce soit. Nous avons la chance de vivre dans un régime démocratique, avec des législations spéciales particulièrement ouvertes en faveur de la presse. L’ordonnance portant régime de la liberté de la presse tout comme la charte d’accès à l’information publique et aux documents administratifs et la Déclaration de la Montagne de la Table signée par le président Issoufou Mahamadou, le premier chef d’Etat en exercice à l’avoir fait, sont autant d’instruments qui permettent de renforcer et de consolider la liberté de la presse au Niger.
Le défi pour les journalistes, c’est la professionnalisation du secteur. Au Niger, cela passe d’abord par la signature d’une convention collective professionnelle pour garantir un minimum de droits aux journalistes et travailleurs des médias. Cette convention doit lier employeurs et employés. Car, il faut se le dire, il ne peut y avoir de liberté de la presse, comme le disait la Fédération Internationale des Journalistes, tant que les journalistes vivent des conditions de pauvreté. C’est dire que les violations de la liberté de la presse ne sont pas l’apanage des seuls gouvernants. En maintenant les journalistes dans la précarité matérielle, les patrons de presse ont également une part de responsabilités dans la dégradation des conditions d’une presse libre au Niger.
Le journalisme est un métier assez noble. Au niveau national comme mondial des efforts sont faits pour protéger et encourager la saine pratique journalistique. A preuve : le monde entier s’indigne dès qu’un journaliste est inquiété à tort ou à raison. C’est un gage de reconnaissance du rôle du journaliste dans la société. Encore faut-il que le journaliste bannisse certaines mauvaises pratiques aux antipodes de l’éthique et la déontologie de son métier. Les faits sont sacrés, les commentaires sont libres. Si seulement chacun d’entre nous considère ce principe comme un impératif catégorique, le droit du public à la saine information sera garanti.
On comprend dès lors pourquoi RSF a tiré, cette année, la sonnette d’alarme sur les menaces qui pèseront lourdement sur la liberté de la presse dans le monde dans les 10 prochaines années. Au titre de ces menaces, RSF note la crise économique qui a pour conséquence l’appauvrissement du journalisme de qualité.
Ces menaces liées aux crises géopolitique, technologique, démocratique, de confiance et économique relevées par RSF doivent être des pistes de réflexion pour les patrons de presse et les journalistes au Niger en vue d’identifier les solutions tendant à consolider l’écosystème médiatique. De plus en plus, les usagers ne font pas trop confiance aux médias en raison des fake news encouragées par l’avènement des réseaux sociaux. Les médias n’ont plus le monopole de l’information. Du coup, leurs chiffres d’affaires s’effondrent. Tout ceci menace le droit du public à une information de qualité, crédible, fiable et pluraliste. Du coup, c’est la profession de journaliste qui est menacée. Il y a alors toute une réflexion prospective à faire dès maintenant.
Tiémogo Bizo