Feu Issa Modi Idé Oumarou

Hommage à Issa Modi Idé Oumarou

Nous saluons avec beaucoup d’émotion la mémoire d’un fils, d’un père, d’un époux, d’un frère et d’un ami : Issa Modi Idé Oumarou, qui nous a quitté trop tôt le lundi 29 juillet 2019.

Issa Modi Idé Oumarou est né le 8 mai 1963 à Niamey. Il fit de brillantes études au Niger et à l’extérieur. En 1982, il obtint son baccalauréat au lycée français de New York. Cette année-là, le Niger était à l’honneur sur la scène diplomatique mondiale et son père représentait avec brillance et dignité le Niger au Conseil de sécurité de l’ONU.

Brillance et dignité. Ce sont des qualités exceptionnelles héritées de son père. Elles se reflètent dans la suite du parcours académique et intellectuel. Ingénieur civil, passé par de prestigieuses institutions telle que l’école polytechnique de Montréal (1983-1987) et l’université McGill (1987-1989), Issa est également titulaire d’un MBA de l’IE Business School (2015) et a également suivi des formations de perfectionnement de haut niveau à la Harvard Kennedy School et à l’Université de Berkeley. Brillance et dignité.

Son activité professionnelle l’aura mené dans une cinquantaine de pays dans le monde. Esprit talentueux, il ne s’est pas limité au génie civil. Au cours de ses trente années d’expériences, il a mis son expertise au service du développement des transports, de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, du développement urbain et de l’énergie dans une cinquantaine de pays dans le monde allant de l’Afrique à l’Asie, en passant par le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord.

Après ses études, Issa a été ingénieur de site auprès de la compagnie WALSH&BRAIS/SABRICE au Canada avant de rejoindre l’entreprise SGEN au Nigéria (1990-1993) et ensuite de rentrer au pays en intégrant la société NIGETIP en 1993 où il restera 6 ans avant de rejoindre la Banque Islamique de Développement.

Arrivé à la Banque Islamique de Développement en 1999, il y a gravi tous les échelons pour en devenir le chef de la division en charge de la passation des marchés et services. Il a eu l’opportunité et le privilège de conduire plusieurs dialogues avec les pays, identifié, préparé et évalué des projets et dirigé leur mise en œuvre avec succès.

Rien qu’au Niger, sa contribution aux projets de développement est importante. En tant que chef de projets chez NIGETIP, il a joué un rôle déterminant dans la construction de la route Musée – rondpoint Palais des Congrès, la construction et la réhabilitation de 400 km de pistes rurales dans la région de Tahoua, la construction du marché central de Gaya et le terminal de bus de Maradi, la réhabilitation de l’Hôpital national de Niamey ou encore le programme d’urgence pour la région d’Agadez. En dépit de sa carrière internationale, Issa a toujours eu le Niger chevillé au corps. Il partageait toujours son expérience nationale avec bonheur et émotions. Brillance et dignité.

Birago Diop nous apprends ces mots : Ceux qui sont morts ne sont jamais partis. Ils sont dans l’ombre qui s’éclaire. Et dans l’ombre qui s’épaissit, Les morts ne sont pas sous la terre Ils sont dans l’arbre qui frémit, Ils sont dans le bois qui gémit, Ils sont dans l’eau qui coule, Ils sont dans la case, ils sont dans la foule. Les morts ne sont pas morts.

Tout comme l’homme supérieur d’Ibn Arabi, il s’est fui lui-même pour obtenir la compagnie de son seigneur. Il restera de lui ce qu’il a donné. Et ce qu’il a donné, en d’autres fleurira. Et ainsi tu continueras de vivre. Il restera de lui ce qu’il a semé, partagé avec toutes et tous sans distinction de grade, de classe. Il restera de lui ce qu’il a partagé avec ceux qui ont croisé son chemin à un moment ou à un autre de sa vie. Et ce qu’il a semé en d’autres germera car celui qui perd sa vie, un jour la trouvera.

Nous célébrons dans la douleur ceux qui laissent une grande mémoire. Nous devons également célébrer par les hommages et la réflexion, de façon sincère, l’image de leur œuvre et de leur vie. Ce qui compte, ce ne sont pas les grandeurs d’établissement dont parlait Blaise Pascal. Ce qui compte, c’est l’humain, c’est la vérité d’un homme, ce qui faisait son exception, ce qui fait, depuis le 29 juillet dernier, l’unanimité.

C’est un esprit de bonté. Issa Idé Oumarou était bon. Il avait la grandeur et la simplicité des grandes âmes. Il était profondément moral. Il combattit l’injustice et le mal social partout où il les rencontra. Par son travail, sa mission, son sacerdoce, Il s’efforça d’œuvrer pour une société, et une humanité meilleure. Issa Idé Oumarou était un réaliste sincère, doublé d’un ardent idéaliste. Refusant la résignation et le cynisme. Il aura consacré sa vie à l’accomplissement de sa mission : la lutte contre la pauvreté et les inégalités.

A Ouma, son épouse et à ses enfants Brahim, Yacine, Anissah et Sofiane. Nous partageons votre douleur. Vous avez toujours ouvert votre porte à tous les amis d’Issa. Vous nous avez toujours accueillis avec bonheur et générosité. Vous avez fait de nous des membres de votre famille. Une grande et belle famille. Vous avez également fait de lui un être exceptionnel. Il a toujours parlé de vous avec une très grande fierté. Nous ne vous remercierons jamais assez de l’avoir partagé avec le reste du monde.

Nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves et notre petite vie est entourée de sommeil disait William Shakespeare. Ton étoffe était celle de la Ummah et du développement des pays. Tu es parti les armes à la main, le sourire aux lèvres. Ce sourire éternel qui faisait de toi le Chief Smiling Officer pour reprendre la définition d’un des collègues qui a fait ton hommage. Tu dors désormais du sommeil du juste. Nous aurions voulu te garder plus longtemps parmi nous.

Pour qualifier tes qualités humaines et professionnelles ô combien exceptionnelles, tes amis, tes collègues utilisent les termes suivants : un homme aux paroles irréductibles (sic), une belle plume, un grand prince, un ingénieur atypique qui écrivait très bien, un frère, un oncle, un être exceptionnel, une lumière humaine. C’est dire qu’il n’y a pas (et qu’il n’y aura pas) assez de mots pour te décrire complètement.

Nous saluons la grâce d’un grand Nigérien, son intelligence, sa force de caractère et sa droiture. Les leçons à la fois de grandeur et d’humilité, ainsi que de résilience et d’énergie qu’il nous a données continuerons de résonner dans tous les esprits et les cœurs qu’il a rencontrés aussi bien ici au Niger, à la Banque Islamique de développement que dans le reste du monde.

Nous le pleurons pas de nous avoir quitté si vite. Ne nous lamentons pas de l’avoir perdu. Celles et ceux qui le pleurent aujourd’hui doivent l’envier. Il a honoré sa famille, sa communauté, son pays, sa patrie et le monde par une intelligence humaine, sociale et intellectuelle. Envions-le car sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand. Issa fut un moment de la conscience humaine.

Issa Modi Idé Oumarou. Nous te disons au revoir. Nous prions Dieu de t’accueillir parmi les siens. Ceux là qu’Il a guidé dans le droit chemin. Le chemin de ceux qu’Il a comblés de ses faveurs. Tu es parti le sourire aux lèvres. C’est avec le même sourire que tu seras reçu au Paradis.

C’était Issa Modi Idé Oumarou.

Adieu. Repose en paix.

Abdoul Salam Bello

Chercheur au Centre africain de l’Atlantic Council (Washington)