Amadou Boubacar Cissé est un ingénieur en ponts et chaussées en plus d’être un fervent adepte des banques et de la politique. Il a gagné en célébrité pour avoir habitué les nigériens à ses frasques rocambolesques. L’on se rappelle qu’à l’approche des élections présidentielles et législatives de 2016 au Niger, il prétendait dans les colonnes du journal Jeune Afrique qu’il est le principal challenger du Président Issoufou Mahamadou tout en soulignant « qu’il n’y a pas de raison que la victoire nous échappe ! »
Il n’y a pas de raison que la victoire leur échappe à l’issue desdites élections, eux, les partis politiques unis dans la Coalition pour l’Alternance en 2016 (COPA-2016). Ses prétentions n’eurent aucun effet car, Issoufou Mahamadou dont il redoutait et combattait viscéralement la réélection, l’emporta au second tour avec 92,73% des suffrages alors que lui-même fut éliminé dès le premier tour avec un score digne d’un inconnu néophyte en politique.
En effet, Amadou Boubacar Cissé n’a récolté que 1,48% et est arrivé 9ième sur les 15 candidats au poste de Président de la République au premier tour des élections de l’année 2016. Son élimination ne faisant l’ombre d’aucun doute, il s’est emporté pour déclarer, avec un ton menaçant avant même la proclamation des résultats, qu’il est hors de question que le Président Issoufou passe au 1er tour, sinon c’est la rue qui va les départager. A l’entendre, d’aucuns diront qu’il est d’une grande popularité et peut être le plus représentatif des opposants de l’époque. Peut-être, s’est-il emballé au nom de la bonne vieille croyance que la Capitale Niamey est le fief de l’Opposition Politique ? De toutes les façons, la COPA-2016 ayant échoué, Amadou Boubacar Cissé a très tôt plié armes et bagages pour s’établir à Bangui comme Conseiller pour la Finance du Président Centrafricain, Faustin-Archange Touadera.
De toutes les façons, au Niger, il n’a presque pas d’amis en politique. Le sachant très bien, il s’allie avec qui va garantir ses intérêts. A noter qu’il a été un membre influent du Mouvement National de la Société de Développement (MNSD Nassara), et a souvent occupé des postes politiques prestigieux. Au départ de la cohabitation née des élections de 1996 que Mahamane Ousmane perdit alors qu’il présidait aux destinées du pays, Amadou Boubacar Cissé fut nommé Premier Ministre au détriment de Hama Amadou.’’ Des combines et des machinations’’ furent mises en place par ce dernier pour très vite le faire quitter ses fonctions à son profit. Voyant qu’il est mal aimé par ses pairs du MNSD Nassara, il créa l’Union Démocratique Républicaine (UDR Tabatt).
Très virulent quand ses intérêts son menacés, il est souvent ballotté entre le pouvoir et l’opposition. Inimitiés, mésalliances et combines politiques ont été et sont encore les maîtres maux qui émaillent la carrière politique de cet homme pourtant connu comme étant un brillant expert financier.
Vraisemblablement, les grosses vagues qui se sont emparées de l’Opposition Politique au Niger tendent à vouloir l’engloutir. Mais c’est sans compter avec la véhémence et la persévérance de l’homme toujours aux aguets et prêt à répliquer face à tout ce qui peut menacer ses intérêts. Les luttes politiques exacerbées par une impatience notoire à vouloir prendre le pouvoir des mains du régime actuel ont fait naître des fronts de plus en plus disparates au sein de l’Opposition Politique nigérienne.
Evidemment, Amadou Boubacar Cissé a vu là une chance à saisir pour revenir sur la scène publique après ce qui semblerait être ses années d’hibernation politique. C’est ainsi qu’il postula au poste de Président du tout nouveau Front Démocratique et Républicain (FDR) face à Mahamane Ousmane, ancien Président de la République. Les circonstances lui étant favorables, les inimitiés et le manque de confiance au sein de l’Opposition aidant, il fut porté à la tête du FDR. Pour se faire investir, il se rendit un jour au siège du Mouvement Démocratique Nigérien pour une Fédération Africaine (Moden FA Lumana Africa), mais fut chassé des locaux de cette formation politique dont le leader est… Hama Amadou ! Tout un programme pour peu qu’on sache la très grande inimitié que se voueraient les deux hommes !
L’autre front, le FRDDR (Front Républicain pour la Défense de la Démocratie et la République), auquel appartient le Moden FA Lumana Africa, ne reconnait pas, en réalité, l’élection d’Amadou Boubacar Cissé à la tête du FDR et le lui fit savoir.
Incontestablement, pour le FRDDR et ses dirigeants, c’est Mahamane Ousmane qui en est le Président. Et, Amadou Boubacar Cissé se sentant très offensé, traita Falké Bacharou, Président par intérim du FRDDR et Soumana Sanda membre influent et charismatique du Moden FA Lumana Africa, comme étant « des garçons de course ». Dans cette perspective, il a claironné contre tous les apparatchiks du FRDDR à qui Falké Bacharou et Soumana Sanda servent de porte-voix comme « des leaders qui… sont dans un complot bien organisé. Et nous n’accepterons pas ce complot. Parce que c’est un complot qui est contre le peuple du Niger. L’heure est terminée où un certain nombre de leaders pensent avoir définitivement domestiqué leurs militants pour en faire du bétail électoral pour leurs propres conforts et ceux de leurs proches. La politique c’est l’intérêt général, ce n’est pas l’intérêt privé de quelques individus qui pensent parce qu’ils ont à un moment donné de l’histoire eu des responsabilités au niveau national, pour toujours ils doivent être au sommet de l’Etat. Eh bien, non, le peuple nigérien a sa parole à donner, et notre organisation aujourd’hui fera en sorte que le peuple nigérien comprenne ce qui se passe définitivement et aussi se range vers les gens qui défendent son intérêt… Nous avons vu que de la Conférence Nationale à maintenant, ce sont ces comportements qui ont amené le Niger à être le dernier de la classe sur l’ensemble du peuple de la planète. Il faut que les nigériens comprennent qu’il faut un leadership diffèrent ». Sic et nunc ! Ici, Amadou Boubacar Cissé n’a vraiment pas mâché ses mots contre ses pairs de l’Opposition tout comme vient de lui emboîter le pas un certain Hambaly Dodo Oumarou, Président du FPNAD (Front des Partis Politiques Non Affiliés pour l’Alternance Démocratique au Niger). En effet, dans une correspondance datée du 18 Octobre 2018, celui-ci s’en est pris au Président par intérim du FRDDR et l’accuse en ces termes : « vous avez une grande part de responsabilité dans le dysfonctionnement du dispositif qui régit l’opposition politique au Niger.
Depuis l’AFC dans les années 90 au FDR aujourd’hui en passant par la COPA-2016, le FRDDR, partout où vous placez vos pieds, Satan agit pour rendre du mal aux humains. En atteste la joie que vous éprouvez de l’indisponibilité du Président du FRDDR Amadou Djibo Ali dit Max (respect et considération). Votre rêve de remplacer le Chef de File de l’opposition et de monnayer les militants de l’opposition est certes brisé, mais rappelez-vous que c’est Dieu, le tout Puissant qui détermine la vie de l’homme et d’un peuple et non vos multiples déplacements aux domiciles et bureaux de certains gouvernants. Nous avons bien voulu voir son Excellence Mahamane Ousmane diriger le FDR, mais votre sournoiserie lui a porté malchance comme à la CDS, à Hankouri et présentement au RDR –Tchanji ».
A fouiner dans les catacombes de l’opposition politique nigérienne, ce qui précède n’est que la partie immergée de l’iceberg, tant elle est minée par des dissensions irréconciliables. Face à cet état de fait, quel sera, alors, le sort de tous ses militants qui croient encore en elle ? Doit-on assister à des adhésions en masses des militants de l’opposition au parti au pouvoir où, visiblement, règne la concorde ? Sont considérablement nombreux, ceux qui ont montré le chemin en prenant leur courage à deux mains pour le rejoindre.
Bassirou Baki Edir