« Notre pays a initié la dynamique de la renaissance culturelle qui a pour objectif ultime le changement de mentalité permettant d’accélérer notre développement économique et social dans les années à venir », dixit Bazoum Mohamed
Ce Lundi 9 Avril 2018, une conférence sous le thème : « Contribution de l’Islam à la modernisation sociale : cas des reformes sociales de l’Emirat de Kano » a été animée par Son Altesse Emir de Kano Sanussi Lamido au palais des Congrès en présence du chef de l’Etat Issoufou Mahamadou. A cette occasion Bazoum Mohamed,Ministre de l’intérieur, de la Sécurité publique, de la Décentralisation et des affaires coutumières et Religieuses a prononcé l’allocution ci-dessous.
Son Altesse Sanussi Lamido, Emir de Kano
- Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement ;
- Mesdames et Messieurs les députés ;
- Honorables Chefs Traditionnels et leaders religieux du Niger ;
- Messieurs les Responsables des associations islamiques ;
- Honorables invités ;
- Chers participants ;
- Mesdames et Messieurs, en vos titres, grades et qualités
C’est avec un réel plaisir que je prends la parole en ce mémorable instant pour vous présenter au nom du Gouvernement nigérien et en mon nom personnel, mes chaleureuses salutations pour votre présence à la présente Conférence publique consacrée à la contribution de l’Islam à la modernisation sociale à travers les reformes sociales entreprises dans l’Emirat de Kano.
Cette conférence, comme vous le savez, sera animée par son Altesse Sanussi Lamido, l’Emir de Kano, un éminent leader religieux bien connu et respecté par la Oummah islamique de la sous-région et du monde entier.
Votre Altesse, merci d’avoir bien voulu accepter d’animer cette conférence pour partager avec nous votre riche expérience en matière de réformes sociales dans votre émirat basées sur des références religieuses.
Mesdames et Messieurs
L’Emirat de Kano fait partie d’un groupe d’Etats pré coloniaux à cheval sur les territoires actuels du Nigeria et du Niger peuplés par les mêmes groupes ethniques, partageant les mêmes fonds culturels et religieux, parmi lesquels la religion commune musulmane.
C’est ainsi que de Zinder à Maradi, les populations nigériennes vivant sur cet espace vibrent, à quelques exceptions près, au même rythme culturel et religieux que leurs homologues de Daoura, Kano ou Katsina au Nigéria. Elles parlent les mêmes langues, pratiquent pour l’essentiel la religion musulmane, utilisent les mêmes normes et pratiques sociales, pour converger vers des comportements similaires dans leur vie de tous les jours.
Ces similitudes culturelles et religieuses entre les populations de l’Emirat de Kano et des régions de Zinder et Maradi ont ainsi amené le Gouvernement nigérien à s’inspirer des initiatives prises par l’Etat de Kano dans le cadre des reformes sociales en vue de tirer des leçons utiles pour accélérer la dynamique de renaissance culturelle entreprise au Niger dans le cadre du Programme de Renaissance.
Mesdames et Messieurs
Les populations nigériennes ont eu les premiers contacts avec l’islam dès le 7ème siècle mais le processus d’islamisation de l’espace nigérien s’accélère bien plus tard, vers le IXème siècle, à partir du Maghreb d’abord, puis de Tombouctou et Gao, dans la boucle du Niger à l’ouest, du Kanem-Bornou dans le bassin du Lac Tchad à l’est, et de l’empire de Sokoto et les royaumes Haoussa au sud dont l’Emirat de Kano.
Les trois dernières décennies ont incontestablement été celles au cours desquelles s’est le plus renforcée la pratique de l’islam avec le développement des moyens de télécommunication (radio, télévision, nouvelles technologies de la communication). Ce renforcement s’exprime à travers de nouvelles habitudes vestimentaires, chez les jeunes filles et les femmes notamment, l’accroissement du nombre des mosquées ainsi que du niveau de leur fréquentation, la forte affluence à l’occasion des prêches publics et l’accroissement des émissions religieuses sur les médias audiovisuels.
Mesdames et Messieurs,
Cet essor de la religion musulmane dans notre pays est aussi malheureusement accompagné par le développement de mœurs et pratiques sociales sous le couvert de la religion, engendrant de graves conséquences sur le développement économique et social de nos pays.
C’est ainsi que nous assistons à l’explosion de mariages des enfants, à la prolifération de foyers polygames ne disposant pas toujours de moyens suffisants de subsistance, à des naissances très rapprochées conduisant à des familles nombreuses à situation très précaire, à l’émergence de nombreux ménages sans soutien aux femmes et enfants, au trafic illicite de femmes et enfants dans le cadre des migrations irrégulières, etc.
La conséquence la plus effrayante de tous ces facteurs est un accroissement vertigineux de la population avec un taux de croit démographique de 3,9%, avec de nombreux enfants non éduqués alimentant le flot des enfants de rue livrés à des groupes criminels et à toutes sortes de groupes aux desseins douteux.
S’est aussi développé de façon exponentielle dans notre pays la mendicité, pratiquée de plus en plus par des familles entières, des groupes d’enfants de rue en lieu et place des talibés dans le temps, d’hommes et de femmes adultes non toujours handicapés, etc.
A cela vient s’ajouter enfin la dégradation des mœurs au niveau de nos communautés se manifestant sous diverses formes dont la plus dangereuse est la prostitution des femmes mais surtout de jeunes filles.
Son Altesse l’Emir de Kano
Le sombre tableau de délitement du tissu social nigérien que je viens de brosser peut être, à peu de chose près, celui des communautés de l’Etat de Kano confrontées aux mêmes maux face auxquels vous n’êtes pas resté sans réagir.
En effet, vous avez initié des réformes sociales hardies montrant clairement qu’il existe des références religieuses aussi bien dans le Saint Coran que dans les Hadiths susceptibles de combattre ces maux et faire avancer les mentalités dans plusieurs domaines.
C’est ainsi qu’avec l’appui de nombreux oulémas et intellectuels religieux de votre pays, vous avez entrepris une sorte de réglementation dans de nombreux domaines sociaux tels que le mariage, le divorce, l’éducation des enfants, la prise en charge des membres du ménage, l’héritage, les droits de la femme, etc. Ces réformes sont fait l’objet de larges débats démocratiques dans votre Emirat qui ont abouti à leur large acceptation par les communautés.
Nous vous remercions une fois de plus, Votre Altesse, de bien vouloir partager votre expérience audacieuse avec vos frères nigériens qui vivent les mêmes maux que vous, en vue de nous permettre d’alimenter la mise en œuvre de notre programme de renaissance culturelle.
Mesdames et messieurs,
Notre pays a initié la dynamique de la renaissance culturelle qui a pour objectif ultime le changement de mentalité permettant d’accélérer notre développement économique et social dans les années à venir. Ce changement de mentalité doit permettre d’aboutir à une modernisation sociale porteuse de valeurs positives servant de moteur au développement de nos sociétés.
Afin de moderniser notre société, nous devons faire face aux mêmes préoccupations qui ont fait l’objet de réformes sociales dans l’Etat de Kano. Il s’agit entre autres :
- de la dislocation de la cellule familiale ;
- des mariages précoces et forcés ;
- de la question démographique ;
- de la discrimination de la femme ;
- de la faible scolarisation de la jeune fille ;
- de la mendicité ;
- des trafics illicites de femmes et d’enfants dans le cadre des migrations irrégulières, etc.
Mesdames, Messieurs,
La Conférence qui sera animée tout à l’heure par notre prestigieux hôte nous permettra de nous inspirer de l’expérience de l’Etat de Kano dans le cadre de la modernisation de la vie sociale de notre programme de Renaissance.
A ce titre, elle représente une occasion pour partager avec nos oulémas, leaders religieux, chefs traditionnels et responsables des associations, le contenu des reformes sociales engagées par l’Emirat de Kano et de connaitre les difficultés rencontrées dans leur formulation et leur mise en œuvre.
Mieux, cette conférence nous permettra aussi d’identifier non seulement des idées précises de réformes sociales similaires à entreprendre au Niger mais aussi des pistes de mise en œuvre de ces réformes et des mesures préventives à prendre pour réduire les risques d’échec.
C’est pourquoi, j’exhorte tous les participants à cette conférence à prêter une oreille attentive à la présentation qui sera faite par le Conférencier afin de saisir la substance des différents thèmes qui seront traités. Cela vous permettra de mieux contribuer non seulement à l’adaptation de ces solutions aux conditions spécifiques de notre pays mais aussi à la génération de nouvelles idées de réformes sociales au Niger.
Mesdames et Messieurs, c’est avec la conviction que les résultats de cette conférence seront à la hauteur de nos espérances, que je déclare ouverte la Conférence Publique sur le thème « Contribution de l’Islam à la modernisation sociale : cas des reformes sociales de l’Emirat de Kano », animée par Son Altesse Sanussi Lamido, l’Emir de Kano.
Je vous remercie.