La loi de finances 2018 à l’épreuve des faits

 

 La loi de finances 2018 ne finit pas de faire couler beaucoup d’encre et de salives. Une loi de finances traitée de scélérate et d’antisociale par l’opposition politique et une frange de la société civile. D’où cette lutte âpre qui a été engagée contre elle depuis le 29 Octobre 2017 suite à un appel lancé par l’opposition politique. Depuis cette date, toutes les deux semaines des marches suivies de meetings se sont succédées jusqu’au 25 Mars dernier où 23 manifestants furent cueillis et mis sous mandat de dépôt dont 22  incarcérés dans diverses prisons nigériennes. Notre constat sur le terrain nous permet de dire que les produits de première nécessité n’ont pas connu d’augmentation de prix. Coté transport,  il y a des augmentations mais pas aussi alarmantes qu’on voudrait le faire croire.

Marches et meetings entrecoupés de  sit-in, de villes mortes et de déclarations véhémentes. La dernière action de la société civile et de l’opposition politique contre la loi de finances 2018, fut d’appeler à la ville morte dans toutes les villes du Niger le 02 Avril 2018, date  du deuxième anniversaire de l’investiture du Président de la République Mahamadou Issoufou pour un second mandat de cinq ans à la tête du pays. Ce qui fut un véritable échec de leur part car leur mot d’ordre a été très peu suivi. Cet échec peut se comprendre dans la mesure où la population découvre de plus en plus qu’elle est très peu concernée par cette loi de finances contre qui se sont insurgés acteurs de la société civile et opposants politiques. En effet, il n’y a pas de produit de consommation courante qui a connu de hausse de prix depuis la promulgation de la loi de finance2018.Tout comme nous l’avons vérifié aux Etablissements Baba Ahmed, Ali Mossi, Houdou Younoussa, à la Société Dan Takoussa aussi les prix n’ont pas changé. Ce que nous indique Abdoul Nasser, jeune frère d’un des commerçants et propriétaires de ces grosses boîtes d’alimentation générale : « Tous les produits que nous vendons ici se vendent à leur prix habituel. La loi de finances ne les a pas affectés. » Himadou travaille à la comptabilité de l’un de ces Etablissements d’Import-export. Il ne contredit pas les propos d’Abdoul Nasser : « Allez vous-en ! Ne nous parlez pas de loi de finances ici à moins que vous ne vouliez nous chasser des clients ! Nos produits sont toujours aux même prix ! Il n’y a rien de changé ! » Avec sa barbe florissante, il rajoute : « Nous vendons en gros et en demi-gros des pates alimentaires, de l’huile, du sucre, du lait en poudre, du lait concentrée, du beurre, de la tomate en boîte, divers types de savons, etc. Tous nos produits sont de la consommation courante et leurs prix restent inchangés. » Pourtant, Hassoumi Massaoudou, a bien attiré l’attention de la population que la loi de finance 2018 n’a « aucune mesure » qui affecte les couches populaires surtout celles des campagnes où vivent près de 85% de la population nigérienne. Et le 04 Mars 2018, au cours du meeting organisé à la place de la concertation par la MRN et l’APR pour soutenir l’action gouvernemental, Bazoum Mohamed, Président du PNDS Tareyya, disait : « Cette loi, que contient-elle de si extraordinaire pour qu’elle fasse l’objet d’une campagne aux objectifs si radicaux ? Cette loi des finances a-t-elle provoqué une diminution des salaires des fonctionnaires ou des bourses scolaires ? A-t-elle causé la diminution des indemnités ou des primes des travailleurs ? A-t-elle augmenté le prix du riz ? Du mil ? De l’huile ? Du lait ? Du pain ? Du sucre ? Du maïs ? De quelque denrée alimentaire ? du Carburant ? Non, la loi des finances n’a rien fait de tout cela. »

Quant à Seydou sheriff, simple gérant de boutique à Bassorah, un quartier du Quatrième Arrondissement de Niamey, il souligne : «  on nous a dit que la loi de finances 2018 va affecter le prix du riz, de l’huile et beaucoup de produits que je vends dans ma boutique. Curieusement rien n’a augmenté de prix. Il se trouve que j’ai même certains qui connaissent une baisse comme le savon Lavibel. Un moment je l’achetais à 5250 F Cfa le carton, maintenant il ne me coûte que 4750 F Cfa le carton. » Et d’un air étonné, il ajoute tout en nous brandissant sa facture d’électricité : « j’ai ici ma facture d’électricité. Là aussi mes dépenses ont baissé. Je suis perdu, je n’arrive plus à suivre la société civile et l’opposition. »

De ce qui précède, pourquoi alors la société civile et l’opposition politique sont-elles si obstinées dans leurs combat contre la loi des finances 2018 ? C’est ce que pense avoir compris Bazoum Mohamed : « Elle contient, en effet, quelques mesures fiscales nouvelles, comme toutes les lois de finances. Ces mesures ont, certes, des effets affectant certains contribuables, mais cela est le propre de toutes les lois des finances. Dans tous les pays du monde les lois des finances contiennent des mesures nouvelles qui ont leurs contraintes propres. La loi actuelle n’a provoqué aucun ravage particulier et n’a rien qui la distingue des autres pays de l’UEMOA. »

Certains contribuables ont bel et bien été affectés comme le transport dans les gares modernes. En effet, la hausse est sensible dans lesdites gares « mais ce n’est pas forcément la mer à boire » souligne Innamoud, un des agents d’une gare moderne de la place. Mais, Hamidou N’Gori, enseignant dans un lycée privée de Maradi se plaint : « J’aime venir à Niamey rencontrer mes amis et mes connaissances. J’ai passé plus de 20 ans dans cette ville. De Maradi à Niamey ou de Niamey à Maradi, je prenais le bus et payais par le passé 10000 F Cfa en aller simple. Maintenant, je constate brutalement qu’il me faut 11500 F Cfa pour avoir mon billet sur Maradi ou pour venir à Niamey. C’est cher de voyager en ces temps qui courent »

Même son de cloche pour Malam Mani, enseignant à la retraite à Gaya. Il venait de participer aux cérémonies de baptême de son petit fils à Niamey au quartier Cité Chinoise. « De Gaya, pour venir à Niamey, j’ai toujours pris mon billet à 5000 F Cfa. Aujourd’hui je rentre à Gaya mais j’ai dù payer 5500 F Cfa. Ce n’est vraiment pas donné, pour des gens comme nous, de prendre souvent la route. »

Par contre, pour Innamoud, « cette hausse des prix de transport est liée aux mesures fiscales contenues dans la loi des finances 2018. Sans même ces mesures, les prix peuvent monter. C’est la loi du marché. Les nigériens aiment tout simplement se plaindre sur n’importe quoi. Tout le charivari actuel portant sur la loi des finances rime avec l’état d’esprit des acteurs politiques. Qu’est-ce que voulez, ils sont contre elle, c’est aussi une façon à eux de dire qu’ils sont contre Issoufou, le Président de la République. Ils ne détiennent pas le pouvoir, ils veulent le pouvoir. Exister ou mourir, telle est la question à eux posée. »

Néanmoins, il ne faut point perdre de vue cette mise en garde de Moussa Tchangari -désormais en prison- dans une déclaration faite le 11 Mars 2018 à la Place de la Concertation dans laquelle il lit : « les ténors du régime actuel n’ont plus qu’un seul choix : réviser leur loi des finances ou dégager ! »

Cela ne prouve-t-il pas que Bazoum Mohamed, le Président du PNDS Tarayya, avait bien raison de préciser, le 04 Mars 2018, au cours de la manifestation de soutien à la loi des finances 2018 que toutes les manifestations contre elle ne sont qu’un « projet funeste de l’opposition concocté…au forum du parti Moden LUMANA tenu à Abidjan…visant à organiser l’insurrection sur la base utopique d’une unité d’action avec la société civile et les syndicats » ?

Bassirou Baki

(Le Républicain du 5 Avril 2018)