Tribune : POUR UNE SOCIÉTÉ CIVILE FORTE ET CRÉDIBLE AU NIGER

La société civile est un élément essentiel en démocratie. ‘’ Mise en avant par les grandes organisations internationales, comme l’ONU, la « société civile » désigne l’ensemble des associations à caractère non gouvernemental et à but non lucratif. Il s’agit donc de l’auto-organisation de la société, en dehors de tout cadre institutionnel (au sens politique du terme), administratif ou commercial. La société civile sous cet angle est moins un donné qu’un domaine de la société à renforcer ou à construire’’. De plus en plus, l’opinion publique est très critique sur la société civile nigérienne qui perd en crédibilité tant ses acteurs trainent certaines tares inacceptables. Dans cette tribune libre, Hama Amadou un nigérien résident à Ouagadougou, acteur de la société civile analyse l’actualité nationale.

Depuis quelques mois, le Niger vit au rythme des marches pacifiques organisées par certains acteurs de la société civile officiellement opposés à la loi des finances 2018, une loi déjà votée par l’Assemblée Nationale et mise en application. Une nouvelle étape a été franchie dans ce festival de marches pacifiques avec l’interdiction,  par arrêté N°020/PDS/VN/SG du 23 Mars 2018 du Président de la délégation spéciale de Niamey, de la marche suivi de sit-in de la société civile prévue pour se dérouler le dimanche 25 Mars 2018. Face à cette interdiction, les organisateurs ont décidé de maintenir leur mot d’ordre, ouvrant la voie sans nul doute à des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.

Mais pourquoi un tel choix alors que la loi a prévu des voies de recours en pareille situation ? C’est la question que beaucoup de nigériens certainement se posent.

En démocratie, il est tout à fait normal et salutaire que des OSC responsables fassent leur travail de veille citoyenne et dénoncent par des moyens légaux toute mesure qu’elles jugent porteuse de contraintes pour les populations. C’est leur vocation. Mais c’est aussi leur vocation, la plus noble d’ailleurs, de respecter et de veiller au respect des lois de la République.  C’est pourquoi, l’élégance démocratique aurait bien voulu que les initiateurs de la manifestation du 25 Mars 2018 assignent la décision de la délégation spéciale de Niamey devant le tribunal, seul habilité du point de vue de la loi, à trancher. Cette maturité d’esprit, les acteurs de la société civile des autres régions du Niger, l’ont bien démontré en se précipitant devant le juge pour invalider les arrêtés de leurs autorités administratives respectives. Ils ont par-là, fait montre d’un comportement démocratique à saluer et à encourager mais surtout, ils ont honoré la justice Nigérienne.

Par contre, les initiateurs de la marche pacifique de Niamey, eux, ont choisi d’ignorer la justice nigérienne face à l’interdiction qui leur a été notifiée. Une interdiction motivée par des raisons évidentes de sécurité. Pourquoi alors ont-ils usurpé le pouvoir, réservé au seul juge, de qualifier la décision de la délégation spéciale de Niamey d’« ordre manifestement illégale » ? Pour rappel, la loi n°2002-05 du 08 février 2005 qui détermine l’ordre manifestement illégal, précise en son article 2 ceci : « est manifestement illégal, tout ordre donné ou intimé en violation flagrante des lois et règlements en vigueur. Est également considérée comme manifestement illégal, toute instruction écrite ou verbale donnée ou intimée à une personne par une autre personne pour transgresser une interdiction légale ou pour s’abstenir de se conformer à une obligation légale ». Au regard du contenu de cet article 2, on n’a pas besoin d’être juriste pour comprendre qu’en appelant à manifester, malgré l’interdiction clairement notifiée et surtout en choisissant de ne pas assigner cette interdiction devant le juge, les acteurs de la société civile de Niamey ont donné une instruction à transgresser une interdiction qui reste légale, jusqu’à décision contraire du juge qui malheureusement n’a pas été saisi. L’appel à maintenir la manifestation qui est ni plus ni moins une transgression d’une interdiction légale devient alors un ordre manifestement illégal, selon les dispositions de l’article 2 ci-dessus.

Les nigériens se demandent sans doute pourquoi ces acteurs de la société civile, produits de la conférence nationale et dotés d’une grande expérience en matière de protestations et d’organisation des marches ont choisi cette fois ci la voie de la banalisation de la justice et de la confrontation, seulement à Niamey, dans un contexte sécuritaire à risque. Les nigériens ont certes raisons de se poser toutes ces questions. Mais en regardant de près le fonctionnement de nos structures de la société civile ces dernières années, on se rend aisément compte du niveau d’amalgame et d’instrumentalisation politique dont elles font l’objet. Certains acteurs de la société civile qui ont tout simple abandonné leur robe de veille citoyenne, associés à ceux qui ne l’ont jamais porté, tous sont descendus dans l’arène politique pour se livrer à un mercenariat politique facturé et payé. Certains hommes politiques considérant Niamey comme leur propriété privée, avides d’arguments politiques et n’hésitant pas à recourir même aux moyens les plus honteux pour se soustraire à la justice, se payent les services de quelques acteurs de la société civile de très bas niveau spécialisés dans l’organisation des troubles et des violences, en témoigne leur récente petite histoire truffée de violence et de musculation.

De leur refuge lointain, ces acteurs politiques, ne croyant plus à la volonté de Dieu, comptent uniquement sur une déstabilisation d’un régime démocratiquement élu pour accéder au pouvoir afin de se livrer à un règlement de compte sans précédent et aux préjudices incalculables à l’émergence en cours dans notre pays et à l’avenir d’une jeunesse ambitieuse.  Sinon comment comprendre que des slogans du genre « réviser ou dégager » soient de plus en plus entendus dans des manifestations dites de la société civile ? Des slogans purement politiques et qui appellent ouvertement au départ d’un régime démocratiquement élu ou à une déstabilisation alors que le mandant en cours est constitutionnellement légal. Des slogans qui témoignent du degré élevé de concubinage entre ces hommes politiques et certains acteurs de la société civile et qui montrent jusqu’où ces derniers sont déterminés à aller dans leur mission de mercenariat politique. Cela, à mon avis n’honore pas la société civile nigérienne qui doit, pour retrouver sa crédibilité, travailler à extirper de ses rangs ces acteurs de la société civile de bas niveau en matière d’engagement citoyen sain.

Quant à ces hommes politiques incapables de faire face à la justice de leur pays, ils doivent simplement comprendre que les troubles et les violences ne constituent pas une voie honorable d’accession au pouvoir. Ils doivent aussi dès à présent se rendre à l’évidence que, conformément au principe selon lequel les hommes passent la nation reste, leur page est en train d’être tournée. Le président Ali Chaibou l’a dit à l’ouverture de la conférence nationale « rien, ni personne n’est au-dessus du Niger et de son peuple. Les hommes passent avec leurs qualités et leurs défauts, le Niger demeure. C’est en fonction de ses intérêts, de ses seuls intérêts que nous devons tous agir ». Le Niger, désormais tourné vers la modernisation et l’émergence, en témoigne les infrastructures modernes qui poussent dans le pays, a besoin de plus de stabilité et d’accalmie politique pour maintenir son rang de leader qu’il occupe actuellement dans la sous-région. Le Niger a aussi besoin d’une nouvelle classe politique qui tournera définitivement la page de certains acteurs politiques qui, à la moindre inquiétude,  choisissent la fuite. C’est à cela aussi que le président Mahamadou Issoufou doit s’atteler. Le régime actuel doit offrir à la jeunesse un pays prospère et moderne. Le Niger est déjà sur les rails de la modernité et de la prospérité avec toutes ces réalisations en si peu de temps mais cela ne suffit pas. Il faut, pour pérenniser les acquis engrangés et maintenir le Niger dans la durabilité en matière de développement et de leadership régional, travailler à l’émergence d’une élite politique jeune et responsable. J’espère que le Président Mahamadou Issoufou fera ce cadeau à la jeunesse nigérienne et l’histoire lui en sera éternellement reconnaissante pour avoir libéré le Niger du joug de l’inertie et l’avoir placé sur la voie de la modernité et de l’émergence.

Hama Amadou, acteur de la société depuis Ouaga