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BILLET : Les tenailles des impôts !

Les médias privés nigériens ont reçu des avis d’imposition de la direction générale des impôts (DGI) qui ont débouché sur des redressements fiscaux. Ce qui a provoqué l’ire de certains responsables de ces médias qui s’interrogent sur l’avenir de la liberté de la presse au Niger.

Certains journaux vont payer au fisc entre 10 et 15 millions FCFA, les radios et télévisions payeront un peu plus. Cette imposition a été faite sur fond de grossiers malentendus. Le premier, c’est de croitre que la presse est un secteur économique rentable où l’on fait des profits ; le deuxième, c’est de ne pas se rendre compte de la spécificité de la presse. C’est parce qu’elle est spécifique qu’elle est régie par une loi spécifique et une imposition fiscale tout aussi spécifique. Les médias ne sont pas soumis au régime réel d’imposition parce qu’ils font essentiellement du service public.

La vérité, c’est que les médias privés n’arrivent pas à équilibrer leurs comptes parce que les publicités sont aléatoires, l’appui de l’Etat à travers le fonds d’aide à la presse soumis à divers désidératas, l’aide indirecte inexistante, les produits qui ne se vendent pas bien  etc.

Il n’y a vraiment pas d’argent dans la presse au Niger. On comprend alors pourquoi les journalistes et autres employés sont payés au lance-pierres, la convention collective professionnelle des employés de la presse renvoyée aux calendes grecques, le secteur incapable d’être un véritable pourvoyeur d’emplois.

Un constat : la DGI n’a pas fait de distinction. Elle a frappé tant ceux qui soutiennent l’action du gouvernement que ceux qui la critiquent. Un gage d’équité ? En effet, tous ont été cloués au pilori avec de gros montants à payer. Si ces organes s’exécutent, on risque de se retrouver bientôt sans paysage médiatique au Niger. Les réseaux sociaux vont alors prendre de l’ampleur dans un contexte où il n’y a aucun encadrement, dame rumeur sera davantage courtisée.  Au finish, c’est la démocratie qui sera paralysée. Un pays sans presse libre parce que victime de rétorsion économique sera un pays sans démocratie, car il n’y a pas de démocratie sans liberté de la presse.

Le gouvernement doit se pencher sérieusement sur cette affaire. Il doit lui trouver des solutions comme ce fut le cas en 1998 sous feu le président Ibrahim Baré Mainassara. A cette époque, on s’en souvient, la DGI a frappé les médias privés. On était au bord de la fermeture des médias, qui n’étaient pas nombreux à l’époque. Le gouvernement avait trouvé la solution via les entreprises publiques qui ont endossé les impositions contre prestations par les médias. C’est ainsi que le dossier a été clos, bien proprement, et la presse a continué à exister.

Cette fois-ci aussi, on est dans un cas similaire. Même s’il ne faut pas faire endosser ces impôts par les entreprises publiques, le gouvernement peut décider d’un « pardon fiscal » au profit des organes de presse. On mettra alors le temps à profit, d’ici le prochain exercice fiscal, pour aider les médias privés à se restructurer surtout dans le nouveau contexte de la télévision numérique terrestre (TNT).

Il faut accompagner les médias avec le fonds d’aide à la presse, et développer le bassin publicitaire pour générer plus de ressources.

Les responsables des médias se doivent aussi de poser les débats de fond : Comment faire de la presse un secteur pourvoyeur d’emplois ? C’est consternant de voir que beaucoup de journalistes ne font plus carrière dans la presse parce qu’elle ne nourrit pas son homme. La presse, c’est comme un centre de transit, le temps de joindre une autre destination…professionnelle.

Autre interrogation : Comment ériger nos organes de presse actuels en entreprises de presse ? Il le faut. Peut-être que cela passera par la mutualisation et les regroupements d’organes de presse. Ce débat doit être fait. En attendant, le gouvernement doit se déterminer entre prendre quelques millions d’impôts et sacrifier l’existence de la presse privée.

Tiemogo Bizo