L’Opposition politique au Niger est plongée dans une grande impasse. Quand on se souvient de ses mots d’ordre à l’époque de la COPA 2016, de la tonitruance pour ainsi dire de son porte-parole attitré et de ses rodomontades lors des élections de l’année 2016 et qu’on compare tout cela à ce qu’il en reste aujourd’hui, on est forcément en proie à des sentiments de commisération. Comment a-t-on pu en arriver là?
La réponse à cette question n’est pas particulièrement compliquée, tant il est vrai qu’une telle dégénérescence est inscrite dans le génome du parti qui en est la locomotive. En vérité, l’échec est consubstantiel à la démarche politique du Président du parti Lumana, M. Hama Amadou du fait de l’idée qu’il se fait de lui et du destin qu’il s’est depuis toujours imaginé, au sujet duquel il n’a jamais laissé la moindre place pour Dieu. Hama Amadou est victime de son hubris.
L’hubris, dans l’antiquité grecque consiste dans la démesure et l’orgueil de l’homme qui lui valent le courroux des dieux et leur vengeance. L’Islam aussi préconise l’humilité chez l’homme qui n’est rien d’autre que la reconnaissance par celui-ci de la force de Dieu. Or dans la stratégie politique de Hama Amadou, le postulat de la force de Dieu et de son existence comme paramètre et instance de premier plan n’est jamais concédé. Et tout son destin semble être affecté par cette espèce de malédiction due à une intervention toujours décalée de Dieu, au moment où il s’y attend le moins, au moment où il se sent le plus fort et solidement engagé sur le boulevard de sa victoire imparable.
Si son comportement n’avait pas été entaché par son hubris, il aurait naturellement succédé au Président Tandja. Mais, dans la mesure où l’ombrageux Tandja avait un caractère qui ressemble justement à celui des dieux grecs, il ne lui fallait davantage que le comportement arrogant, orgueilleux et hypocrite de Hama Amadou pour qu’il soit exaspéré et qu’il décide en conséquence, non pas seulement de ne pas en faire son dauphin mais de lui briser tout simplement la carrière en le jetant dans la prison de Koutoukalé en 2008.
A sa sortie de la prison, Hama avait annoncé qu’il a changé et qu’on verra cela dans son comportement. Cette promesse est loin d’avoir été tenue. Président de l’Assemblée nationale au lendemain des élections de l’année 2011, il était un homme très puissant auquel le Président Issoufou ne refusait rien. Le poste lui paraissait trop petit et incompatible avec son destin tel qu’il le rêve. Au nom de ce rêve, il sacrifia tous ses acquis et ceux de son parti. Sa descente aux enfers sera fulgurante. Il perdit, on se souvient, son poste de Président du parlement et fut contraint à l’exil en France.
Mais, sûr de son étoile exceptionnelle et de sa puissance de démiurge, il ne baissa pas les bras. C’était au point qu’il renonça à son exil doré. En effet, en revenant le 14 novembre 2015, il n’avait pas le moindre doute : le chemin de sa victoire par la force était balisé. Mal lui en a pris. L’insurrection projetée à Niamey a été un flop. Le coup d’Etat programmé pour le 18 décembre a fait long feu.
Il fallait plus que ces épreuves, pourtant si dures, pour qu’il se laisse abattre. D’où un certain enthousiasme des troupes de la COPA 2016 et ses mots d’ordre guerriers. Tout cela s’évanouit un certain 2 avril 2016 lorsqu’il n’avait même pas fallu à la police tirer une seule grenade lacrymogène pour contrer la « grande insurrection » qui devait empêcher la prestation de serment du Président Issoufou, nouvellement réélu.
Ce jour du 2 avril 2016 a affecté l’Opposition de façon irrémédiable. Le délitement accéléré de son moral a été amorcé. Son mot d’ordre de boycott des institutions nouvellement élues va par la suite être un échec lamentable. La séparation avec le MNSD était devenue inéluctable, M. Seyni Omar, épuisé par des perspectives tout aussi enchanteresses que fictives n’en peut plus. Le » grand baobab » fait sa reddition en rase campagne.
Pour autant Hama ne s’avouera pas vaincu. Les bonnes fées qui ont toujours veillé sur lui ne sont jamais à court d’offre de « perspectives ». Aussi se trouvera-t-il de nouveaux alliés stratégiques à travers la figure de certains responsables des organisations de la société civile. Que n’y avait-il pensé depuis toujours? Il s’en fera le reproche, mais aussitôt se rattrapera-t-il en convoquant le Forum d’Abidjan du 9 novembre 2016. La stratégie est finement définie, les acteurs et leurs rôles sont tous identifiés. Le mot d’ordre est donné à travers le grand meeting du 21 décembre 2016. Les choses sérieuses viennent de commencer. Hama est décidément un génie. Rendez-vous est pris pour les semaines suivantes. Le 13 janvier 2017 devrait être l’amorce de ce que furent les événements des 30 et 31 octobre 2015 à Ouagadougou. Des spécialistes de l’insurrection populaire, dirigeants d’associations de la société civile burkinabé, sont entretemps, venus dispenser des cours de formation en insurrection.
Le 13 janvier 2017 arriva, mais sous un jour aux antipodes de ce qui en était espéré. Ce jour-là, les plus intelligents des dirigeants de l’Opposition, qu’ils se drapent du manteau de la « société civile » ou qu’ils se réclament des partis politiques ont compris que les carottes sont cuites et ont dit Adieu à l’insurrection.
Alors fut entamé le cycle du combat à travers les réseaux sociaux. Le héraut et figure emblématique de ce combat s’appelle Ali Téra. Basé aux Etats-Unis d’Amérique et sûr de son impunité, l’énergumène va polluer le climat politique et social à travers des messages WhatsApp aussi outranciers qu’orduriers. Son verbe vulgaire et douteux était sans retenue, distillant le poison de la haine ethnique, appelant tantôt à la guerre civile, tantôt au meurtre de certaines personnalités, dont le Président de la République.
Pour son malheur, il sera arrêté le 16 juin pour pas moins de 19 infractions, dont certaines criminelles. La nouvelle de son arrestation fera l’effet d’une bombe, non pas seulement sur la galaxie des internautes irresponsables de la Diaspora de son acabit, mais sur tout le parti Lumana dont les militants se délectant quotidiennement de ses grossièretés, leur assuraient la large diffusion ordonnée par une Fatwa depuis Paris. Révolté, Maître Mossi, l’avocat attitré de Lumana déplore cette arrestation et annonce sa décision de défendre le « martyr » pour dit-il, Ô sacrilège, « défendre la démocratie ».
Depuis lors, la communication de l’opposition s’est totalement brouillée en s’embrouillant au point de faire perdre son latin au plus expert des exégètes. Car, en effet que peuvent bien signifier ces articles, tous traitant d’un même thème faisant état d’une crise entre le Président Issoufou et le PNDS? Depuis l’arrestation de Ali Téra les journaux de Lumana n’ont qu’un seul sujet sur lequel ils s’échinent laborieusement: en 2021 le candidat du PNDS sera tantôt le Général Salou Djibo, tantôt le fils du Président Issoufou. Ces derniers jours les mêmes journaux rapportent des scènes de tension imaginaires entre le Président Issoufou et le Président du PNDS, Bazoum Mohamed. Il en est qui poussent l’effronterie jusqu’à prétendre en avoir vu les preuves en direct sur les écrans des télévisions, à travers leurs regards qui ne se seraient pas croisés!! On a beau essayer de déchiffrer le sens et la finalité d’une telle communication, on n’y comprend absolument rien.
La vérité, c’est qu’il n’y a plus rien à comprendre. Cette situation est l’expression d’un état de décrépitude morale avancée et d’une impasse politique déplorable. Elle est la preuve d’un manque total de perspectives conduisant l’Opposition à « se chercher » en faisant n’importe quoi. Ce débat factice en plus d’être absurde est pathétique. L’opposition est vraiment aux abois. Ses agissements basés sur le mensonge grossier ne choquent même plus. Ils font plutôt pitié.
Tiemago Bizo