Tribune : La République, le mérite et le hasard…

 » L’art de gouverner commence par l’art de bien s’entourer » nous dit Napoléon. Produit de l’opacité qui entoure la nomination de 40 ministres dans un pays de 18 millions, dont plusieurs à capacités managériales douteuses, doit être une source de grande inquiétude et qui émeut profondément les nigériens. Bien évidement, les nigériens qui aspirent à un mieux être en sont encore surpris et abasourdis suite à la formation de ce gouvernement.

L’incapacité du Président de la République et de son Premier Ministre à trouver des hommes et femmes dignes de pouvoir relever les défis est un grand paradoxe dans un pays avec des ressources humaines de très grande qualité surtout dans la haute administration. Au Niger, chaque fois qu’il y a un problème, au lieu de chercher une solution, on crée un ministère ou une institution. C’est une exception nigérienne. En créant des ministères fantaisistes tels que ceux de « l’action humanitaire et de la gestion des catastrophes » ou « de la ville et de la salubrité urbaine », Issoufou nous ramène à nouveau à la phase infantile de la démocratie, qui ne servira à rien d’autre qu’à caser un personnel politique en inflation constante.

Les ressources du pays augmentent de façon arithmétique alors que les ministères augmentent de façon géométrique. On a l’impression que le pays travaille pour entretenir une classe politique en inflation constante. Les nigériens n’ont pas l’impression que les hommes politiques sont à leur service. C’est le contraire. On travaille pour entretenir une classe politique médiocre qui utilise la démocratie et les institutions comme une rente. Tellement qu’il en existe de ressemblance dans la formation de ces ministères fantaisistes, nous avons de la compassion pour le rentier qui s’en chargera de la rédaction des décrets portants organisations, attributions et fonctionnements de ces dits ministères, car il aura du pain sur la planche.

La République est un système politique qui a aboli le hasard pour le remplacer par l’égalité et le mérite. Le seul mérite de ces ministres se réduit au hasard d’avoir noué des alliances pour la majorité présidentielle. Alliance autour de quoi ? et pour aller où ? Une alliance ou mouvance pour la majorité présidentielle est synonyme d’une indigence intellectuelle et politique. « On ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : Un chef est un marchand d’espérance » conclut Napoléon.

Quel citoyen connaît aujourd’hui ou voit l’impact de l’utilité de ces ministères ? C’est ce fétichisme institutionnel et cette logique de rente qui poussent d’autres rentiers à vouloir créer une autre école de greffiers ou de douanes au lieu d’équiper notre école nationale d’administration en ressources humaines et financières .Il y’a des problèmes au niveau de l’enseignement supérieur pour ne pas dire au niveau de l’UAM, au lieu de chercher des solutions, on va créer des universités juste par esprit de récompense. C’est cette même logique qui fait que notre pays ne parvient pas encore à régler la question des inondations, et les pluies d’avant hier le démontrent aisément.

Quand il y’a eu les inondations, au lieu de chercher une solution sérieuse, on part créer un ministère de catastrophe comme si la création dudit ministère suffit à régler le problème. Dans un pays plein d’ingénieurs, cette persistance des inondations est une ignominie nationale. Les inondations persistent parce que le gouvernement n’a pas voulu trouver une solution structurelle. La solution structurelle est évidente : les canalisations. Investissons le budget prévu pour les collectivités dans un système de canalisation qui nous permettra de régler définitivement le problème des inondations. C’est plus sérieux que le système de pompage qui est une douce plaisanterie. Les inondations ne sont pas une catastrophe naturelle. Elles interviennent à chaque saison des pluies. Elles sont donc prévisibles. Et gouverner c’est prévoir. Par conséquent non à la création des ministères fantaisistes, non au partage du gâteau.

Par ailleurs, même si c’est suite à un accident de l’histoire et du hasard que certains sont là, où ils ne devraient pas y être, la République est un miracle qui dure depuis la Crèce et la Rome antique. Le miracle de la République dure parce que le socle de la République repose sur l’idéal le plus juste qui soit à savoir que « l’inégalité n’a aucun fondement naturel ». Et c’est parce que l’inégalité n’a aucun fondement naturel que Issoufou n’est pas Talon.

Talon a beaucoup de considération et de mérite puisqu’il nous a montré qu’avec 21 ministres ont peut gérer un pays. Mais, malheureusement on ne peut pas en dire autant au sujet de Issoufou. Peut être que c’est freudien. Issoufou veut refouler ses alliances, mais de temps en temps, les fardeaux de l’alliance reviennent à la surface. Il a « tué » les alliances, mais ne cesse de « ressusciter » les mouvances. Que Dieu nous vienne en aide kawai.

Joseph Seyni Sami