Hama Amadou vient de saisir pour la seconde fois la Cour de justice de la CEDEAO à propos de l’affaire des bébés importés. L’on se souvient que par ordonnance No ECW/CCJ/ADD/09/15 du Lundi 14 Décembre 2015, la Cour de justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) avait rejeté les « demandes d’admission à la procédure accélérée et de prise de mesures provisoires » de Hama Amadou.En son temps le spectre de la présidentielle justifiait ce recours d’urgence. Après le procès du 13 mars dernier qui l’a condamné à un an ferme d’emprisonnement au moment où des analystes commencent à se demander quelle sera l’attitude du chef de file de l’opposition, les Nigériens viennent d’apprendre ce recours bis de Hama Amadou à la Cour de justice de la CEDEAO. Une dénégation de la justice nigérienne ou un acte de désespoir par l’ancien président de l’Assemblée nationale ? Est-ce un désaveu de ses avocats ‘’locaux’’ qui prétendent avoir fait appel à la cour de cassation ? Rappel de la sentence du premier recours de Hama Amadou à la Cour de la CEDEAO.
Sur son site en ligne Financialafrik.com nous informe que : « Défendu par l’avocat François Serres, l’opposant nigérien Hama Amadou, a décidé de saisir la Cour de justice de la CEDEAO. Dans un communiqué parvenu à Financial Afrik, l’avocat évoque une “immunité parlementaire violée, une arrestation illégale, un emprisonnement arbitraire, des accusations imaginaires, une instruction à charge et, entre autres, une condamnation pour un crime inexistant en droit sous fond de pressions de l’exécutif sur les tribunaux et de l’absence de recours devant des juridictions indépendantes”.
Et Financialafrik d’ajouter : « Pour Me Serres, il s’agit là du calvaire subi pendant plus de trois ans par le chef de file de l’opposition nigérienne. Le 13 mars 2017, à la suite de ce que Me Serres qualifie “d’un faux procès” , Hama Amadou est condamné à un an d’emprisonnement. Un “crime imaginaire” selon la défense. “Face à cet arbitraire délibérément organisé contre lui, il semble qu’il ne dispose plus d’aucun recours au plan national pour que l’affaire montée à son encontre par le régime puisse faire l’objet d’un procès équitable”, ajoute Me Serres. Et de préciser qu’il s’agit bien ici de “faire taire la démocratie politique par l’instrumentalisation de la justice devant laquelle les citoyens, leurs représentants ne peuvent plus revendiquer leurs droits”. »
Et notre confrère de conclure : « Autant d’arguments qui expliquent le recours à la Cour Des Droits de l’Homme de la CEDEAO. En effet, les conventions des droits de l’homme et les juridictions qui en sont issues protègent les citoyens des Etats-membres frappés par des violations graves et arbitraires, notamment, lorsqu’ils n’ont plus de recours possibles devant les juridictions nationales. La cour de justice de la CEDEAO est composée de 7 juges siégeant à Abuja, capitale du Nigeria. »
Pour mémoire, par ordonnance No ECW/CCJ/ADD/09/15 du Lundi 14 Décembre 2015, la Cour de justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a rejeté les « demandes d’admission à la procédure accélérée et de prise de mesures provisoires » de Hama Amadou. La Cour ordonne « la continuation de la procédure ». C’était en substance la principale conclusion à retenir sur le sort de la requête des avocats de Hama Amadou auprès de la prestigieuse Cour. Ce revers judiciaire sur l’affaire des bébés importés par Hama Amadou auprès de cette Cour rappelle également l’avis de l’Union Interparlementaire qui avait recommandé le test ADN comme moyen pour Hama Amadou de se laver de tout soupçon.
En effet, Me Amadou Boubacar, avocat au barreau du Niger agissant au nom de Hama Amadou avait fait la saisine de la cette Cour contre la République du Niger, représentée par le Secrétaire général du gouvernement assisté de Me Yacouba Namara, Me Moussa MahamanSadissou et Me Moussa Coulibaly, tous avocats au barreau du Niger.
Dans sa requête reçue le 3 Novembre 2015 au greffe de la Cour de justice de la CEDEAO, Me Amadou Boubacar évoquant la violation des droits de l’homme contre la République du Niger avait « sollicité de la Cour la prise de diverses mesures provisoires ainsi que l’admission de l’affaire à la procédure accélérée prévue par l’article 59 du Règlement. »
Sur la demande d’admission en procédure accélérée, le requérant soutient que le Bureau de l’Assemblée Nationale du Niger avait irrégulièrement levé l’immunité parlementaire de Hama Amadou le plaçant en conséquence sous la menace d’un mandat d’arrêt décerné par le magistrat en charge de l’affaire pour laquelle il est poursuivi. Et d’estimer que : « l’exécution des mesures préparatoires prises dans le cadre de l’instruction de cette affaire pourrait aggraver la violation de ses droits, déboucher sur son arrestation et partant l’exclure des consultations électorales prévues le 21 Février 2016 ».
Quant aux représentants de l’Etat du Niger, ils avaient mis en évidence que le mandat d’arrêt n’a été délivré que parce que Hama Amadou avait choisi contrairement à ses co-prévenus, de se soustraire à la justice de son pays. Et d’ajouter que « en délivrant, dans une affaire correctionnelle ordinaire, un mandat d’arrêt contre le demandeur en fuite, le juge nigérien n’a en rien posé un acte susceptible d’être interprété comme une violation ou une menace de violation imminente d’un droit fondamental justifiant l’intervention urgente de la Cour de justice de la CEDEAO ».
C’est ainsi que la Cour avait considéré que : « La seule invocation des conséquences éventuelles de l’exécution d’un mandat d’arrêt, dont l’irrégularité n’est pas établie, ne saurait suffire pour justifier l’existence d’une violation imminente des droits fondamentaux. » Et la Cour de préciser : « Il ressort des écritures non contestées de l’Etat défendeur que le mandat d’arrêt dont il s’agit a effectivement été exécuté depuis le 14 novembre 2015. »
Par conséquent a conclu la Cour : «Qu’il y a lieu, en l’état de ces constations, de retenir que l’existence d’une urgence particulière justifiant l’admission de l’affaire à la procédure accélérée n’est pas établie et par conséquent, de rejeter la demande comme mal fondée ».
Sur la demande de prise de mesures provisoires, après l’exposé des motifs, la sentence de la Cour dit ceci : « Statuant sur requête, en matière de procédure accélérée et de prise de mesures provisoires et en dernier ressort :
Rejetons les demandes d’admission à la procédure accélérée et de prise de mesures provisoires ;
Ordonnons la continuation de la procédure ;
Réservons les dépens ».
Telle était la substance de cette Ordonnance de la Cour de Justice de la CEDEAO signée par Honorable Jérôme Traoré, Président du panel de juges constitué dans la présente procédure.
La teneur de cette ordonnance prouve à suffisance qu’en son temps c’était contradictoirement que la Cour de la CEDEAO avait rendu cette décision qui ne demande que la continuation de la procédure. Entre temps, certes beaucoup d’eau a coulé sous le pont : Hama Amadou a été condamné par la Cour d’appel de Niamey après le jugement au fond de l’affaire des bébés importés.
Il a choisi de tenter sa chance de nouveau à la Cour Des Droits de l’Homme de la CEDEAO via son avocat français. Il n’y a rien à redire. Mais lorsque Me François Serre parle : « d’une “immunité parlementaire violée, une arrestation illégale, un emprisonnement arbitraire, des accusations imaginaires, une instruction à charge et, entre autres, une condamnation pour un crime inexistant en droit sous fond de pressions de l’exécutif sur les tribunaux et de l’absence de recours devant des juridictions indépendantes”, il y a là un jet de discrédit voire une insulte à la justice nigérienne.
Les observateurs retiendront que dans l’affaire CDS Rahama, l’ex président de la République Mahamane Ousmane avait fait recours à cette Cour et il avait perdu son procès. Hama Amadou revient à la charge pour une deuxième fois après avoir été débouté . Le point commun dans la démarche de Mahamane Ousmane et celle de Hama Amadou c’est de considérer sur toute la ligne que les affaires leur concernant ne sont que la traduction d’une machination politique de leur adversaire politique en l’occurrence le présidence Issoufou.
Une chose est sure : le fait de politiser cette affaire, n’a pas été une garantie pour Hama Amadou de sortir de l’auberge. Le regard des Nigériens est désormais rivé sur la cour de justice de la CEDEAO. On verra bien si l’avocat français réussira là où les nôtres ont échoué.
Elh. M. Souleymane