La Fédération Internationale des Sociétés de Philosophie vient d’organiser un colloque international à Abidjan sur le thème « Politiques de la dignité ». Le Niger a été représenté à cette importante rencontre philosophique par Dr Mounkaila Abdo Laouali Serki, Dr Halidou Yacouba et Dr Hamidou Talibi Moussa. Ce dernier analyse cette problématique et aussi brosse un état des lieux de notre processus démocratique. Il donne son point de vue également sur le centenaire de Diori Hamani, la renaissance culturelle et Boko Haram. HAMIDOU TALIBI Moussa est également rapporteur général de la Commission Nationale des droits de l’homme (CNDDH). Interview.
« Au niveau des classes politiques ici au Niger comme dans les autres pays africains, nous ne sentons pas de vrais débats politiques qui portent sur des grandes questions de développement », déclare le philosophe
Niger Inter : Vous venez de participer à Abidjan au Colloque International de philosophie sur les « Politiques de la dignité ». Quel était l’intérêt d’une telle rencontre ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : Merci bien de me donner l’occasion de revenir sur cet important colloque. C’est un colloque international qui a été organisé par la Fédération Internationale des Sociétés de Philosophie (FISP) en collaboration avec le Département de Philosophie de l’Université Felix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Ce Département de philosophie a donc été l’institution hôte de cette grande première en Afrique. Car c’est la première fois que la FISP organise une manifestation scientifique en Afrique. C’est un colloque international qui concerne la philosophie à l’échelle mondiale. La problématique de la dignité en a été le thème générique. Mais il faut dire que c’est sur fond de mondialisation problématique, caractérisée par une crise de valeurs dans le monde, une violence insidieuse devenue terrorisme que la FISP a proposé à la communauté, je dirais, philosophique mondiale, de se prononcer diversement, chacun en fonction de sa perspective, sur cette situation mondiale. Donc cela a été une occasion d’échanges et de rencontres, de ce que j’ai appelé, dans ma vision, la convergence des rationalités ; mais cette fois-ci sur la problématique de la dignité. C’est cela à mon sens l’intérêt fondamental de cette rencontre.
Niger Inter : Des grands noms de la philosophie africaine et du monde avaient participé à ce rendez-vous philosophique d’Abidjan. Quelle est votre impression sur le discours philosophique aujourd’hui face à la réalité politique du monde ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : En effet, ce colloque a réussi à regrouper des grands noms de la philosophie, des auteurs de toutes les contrées du monde. Parmi les Occidentaux on peut citer Peter Kemp de Danemark, Luca Scarantatino et Angelo Turco d’Italie, William McBride et Leonard Harris des Etats Unis, Eric Lecerf de la France, Anat Biletzki d’israel… Comme auteurs africains on peut citer le Sénégalais Souleymane Bachir Diagne qui est considéré par le journal The Times comme faisant partie des 50 intellectuels les plus influents au monde. Il enseigne actuellement à Columbia University (USA). Il était, entre parenthèses, le président du jury de ma soutenance de thèse de Doctorat à Dakar. Malgré ses charges, il n’hésite pas à revenir en Afrique, on s’est rencontré à plusieurs reprises à des colloques. Il nous a parlé de « habiter ensemble le monde ». Pour lui en effet, il y a un effort à fournir pour habiter le monde ensemble ; chacun doit laisser quelque chose de lui pour intégrer l’universel. Toujours du Sénégal, il y avait Abdoulaye Elimane Kane et Aloyse-Raymond Ndiaye, tous deux à la retraite, qu’on peut considérer comme nos grands-pères en philosophie puisqu’ils furent les maîtres de notre maître Dr Elback Adam. Vous avez du côté du Burkina Sawadogo Mahamadé, qui se préoccupe en philosophie de la question de l’engagement. Il a justement traité de l’engagement par rapport à la dignité. Toujours de Ouagadougou, Cyrille Koné qui se préoccupe de paix civile et réconciliation, il a été mon Directeur de thèse pour l’Habilitation à Diriger les Recherches(HDR) à Ouagadougou. Nous avons également Yaovi Akakpo du Togo qui a encadré pour son HDR mon Ami et Collègue, Serki Abdo, notre Chef de Département. Il y avait Paulin Hountondji qui était l’un des protagonistes de l’ethnophilosophie et de l’euro philosophie dans les décennies passées ; mais il a beaucoup évolué par rapport à son discours philosophique initial car aujourd’hui il parle d’intégrer les savoirs endogènes dans les réflexions philosophiques. Il y avait du côté de l’Afrique centrale des Camerounais tels que Charles Romain Mbélé et Yogno Tabeko, des Gabonais comme Marcel Ibinga, Mike Moukala. Évidemment de la Cote d’Ivoire des grands noms comme Augustain Kouadio Dibi, Abou Karamoko, Lou Bamba, Yacouba Konaté, Boa Tiémélé ; sans oublier Tanella Boni qui fait partie de la FISP et qui a piloté le comité scientifique du colloque et Thierry Ezoua, Chef de Département et Président du Comité d’organisation. Vous avez également Niemkey Koffi qui n’a pas fait d’intervention mais ce sont ses anciens étudiants en majorité qui ont organisé ce colloque. J’ai dû oublier d’autres grands noms tant les participants étaient nombreux et de qualité. Le discours philosophique au cours de ce colloque a tourné autour de l’éthique, de la morale, de la politique dans une visée universaliste, même lorsqu’il était question de l’Afrique.
Niger Inter : Quelle a été votre approche personnelle de ce thème : « politiques de la dignité » ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : A ce colloque l’honneur a été fait à la délégation nigérienne de présider des panels en dehors de nos communications. Personnellement j’ai dirigé le panel : droits humains, femmes, genres et dignité. Les organisateurs ont tenu compte du fait que je sois à la Commission Nationale des Droits Humains pour me confier ce panel-là. Serki quant à lui a présidé le panel sur les herméneutiques de la dignité. Sinon la thématique que j’ai développée était la reconnaissance réciproque et la dignité humaine. Je suis parti des grands théoriciens de la philosophie de la reconnaissance tels que Hegel, Marx, Habermas et Axel Honneth qui ont diversement développé la reconnaissance réciproque. J’ai confronté mon point de vue à ceux de ces penseurs tout en allant au-delà de ce qu’ils ont dit parce que j’ai problématisé la question de la reconnaissance réciproque à travers l’esclavagisme et le colonialisme qui sont des formes idéologiques d’humiliation et de reconnaissance unilatérale au sein desquelles ceux qui sont victimes de ces instrumentalisations de la raison ne sont pas reconnus comme des êtres humains. La dignité doit résulter de la lutte pour la reconnaissance réciproque à travers laquelle chacun est reconnu comme un être humain ayant des droits. Pour moi l’émancipation humaine suppose l’engagement dans la lutte et la responsabilité individuelle et collective.
Niger Inter : Quelle est votre lecture de la pratique politique en Afrique où malgré le contexte démocratique ambiant, l’instrumentalisation de l’homme par l’homme demeure ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : Je dois dire que depuis que le vent de la démocratisation a soufflé en Afrique autour des années 90, on peut parler d’acquis et de défis à relever. D’un point de vue du cadre juridique, la plupart des pays africains sont arrivés à élaborer des constitutions de type républicain et démocratique. Dans beaucoup de pays également nous avons des institutions démocratiques qui fonctionnent assez bien, de manière, je dirais, régulière. Au plan de l’action publique au sein de l’espace public, nous avons une société civile de plus en structurée, de plus en plus spécialisée dans des thématiques bien précises. Si on prend le cas du Niger, nous avons des structures de la société civile spécialisées sur les questions de la gouvernance, d’autres sur les industries extractives, etc. Ce sont là des acquis importants irréversibles. Mais il reste encore beaucoup de défis à relever notamment sur le plan de la gouvernance en tant que telle et, corrélativement, sur le plan du comportement des acteurs politiques, disons de manière générale, des acteurs publics. A ce niveau nous avons énormément de problèmes : le rapport à l’Etat n’est pas un rapport rationnel. Il n’y a pas de rationalité dans notre rapport à l’Etat. On n’a pas le sens de l’Etat, on n’a pas le sens de l’intérêt général. Ce qui est le plus souvent constaté sur le terrain politique c’est le clanisme, le clientélisme, la corruption, le comportement sentimental et bien d’autres considérations négatives qui malheureusement, pervertissent le jeu démocratique. Sans compter que la volonté de mettre sous coupe réglée les libertés publiques est toujours présente. Or, il n’y a pas de démocratie véritable sans vitalité politique qui se nourrit de débats contradictoires. La démocratie doit être la gouvernance du peuple par les médiations de ces débats-là. Et la gouvernance du peuple suppose le respect des règles qu’on s’est prescrites soi-même. Au niveau des classes politiques ici au Niger comme dans les autres pays africains, nous ne sentons pas de vrais débats politiques qui portent sur des grandes questions de développement. C’est toujours des guéguerres politiques, c’est plutôt des positionnements politiques qui conduisent à des conflits, des crises récurrentes. Du point de vue également de la société civile qui normalement a pour rôle d’être un contre-pouvoir, malgré son dynamisme, malgré le fait qu’elle se spécialise dans beaucoup de domaines, en ce qui concerne précisément le Niger, depuis la 5ème République on a senti un hiatus entre le rôle véritable de la société civile et ce qu’on constate sur le terrain : aujourd’hui, il est très facile de desceller au sein de la société civile ceux qui sont proches du pouvoir et ceux qui sont proches de l’opposition. Or la dignité de la société civile n’est pas d’être pour ou contre le pouvoir mais de jouer un rôle de contre-pouvoir c’est-à-dire un rôle de veille démocratique, de veille constitutionnelle. Elle est l’instance qui rappelle les promesses électoralistes, qui porte la voix du peuple, le peuple qui est clivé dans les différentes composantes de la société. Du point de vue des medias, beaucoup n’ont pas compris que prendre une plume ou un micro est une responsabilité énorme. Car comme le dit le philosophe Kant, l’usage public de la raison est un usage qu’on fait à l’intention du public, tout ce que nous devons dire doit être soigneusement formulé pour qu’avance la lumière, pour qu’avance la société. On ne parle ou n’écrit pas pour faire du mal. Nous avons à ce niveau un problème où la volonté de nuire prend très souvent le pas sur la volonté de bien faire. Il y a donc un défi à relever au niveau de la presse car autant nous avons une pluralité en son sein, autant il est nécessaire que le pluralisme médiatique s’exprime notamment comme opinion plurielle capable de faire avancer le pays. De mon point de vue ce sont ces défis, entre autres, qu’il faut relever en matière politique en Afrique.
Niger Inter : Vous êtes l’auteur de ‘’PERSPECTIVES AFRICAINES D’UN NOUVEL HUMANISME’’, est-ce le constat de l’échec de l’Etat africain sous l’emprise de la démocratie libérale qui vous amené à produire un tel ouvrage ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : Perspectives africaines d’un nouvel humanisme ne porte pas sur l’Afrique et ne porte pas non plus sur la politique africaine. Celle-ci n’occupe qu’une section du livre. Il s’agit plutôt, d’une contribution d’un chercheur africain au débat mondial sur la crise des valeurs, sur la violence, sur la nécessité de rompre le charme de la rationalité occidentale ; de la nécessité de voir que jusqu’à présent la mondialisation s’est effectuée selon une logique de développement occidental, ce qu’on appelle le logos occidental qui s’est développé comme rationalité et cette rationalité s’est exprimée au niveau technique, politique et moral. Du point de vue technique elle a doté l’humanité de cette capacité de maîtriser la nature, de satisfaire les besoins humains fondamentaux alors que de l’autre côté cette même rationalité s’est transformée en instrumentalisation de cette même humanité qu’elle est censée servir. C’est dire qu’au fur et à mesure que se développe cette rationalité on observe le recul des valeurs ; et ce recul s’explique par le fait que le positivisme qui est le mode de fonctionnement et de développement de cette rationalité capitalisme écarte tout ce qui peut constituer un sens du monde, tout ce qui peut constituer des valeurs humaines solidaires. On écarte les valeurs sociales, les valeurs religieuses. Et de plus en plus pour la rentabilité économique, pour l’activité capitaliste on considère que tout ce qui n’est pas réductible à l’équation mathématique n’est pas intéressant. Or en écartant tous ces aspects existentiels qui constituent d’une certaine manière la vie même de l’humanité, la mondialisation se développe de façon unilatérale en délaissant un certain nombre de valeurs humanistes. Donc le but de l’ouvrage fondamentalement est de dire que la logique dans laquelle nous nous sommes inscrits, nous amène à constater que nous sommes dans un vide de valeurs. Si nous sommes dans un vide de valeurs cela signifie qu’il n’y a que la logique occidentale qui fonctionne et qui phagocyte les autres manières d’être et d’exister. Les autres pôles vivent encore avec d’autres types de valeur susceptibles d’influencer le jeu mondial. Je parle, entre autres, des pôles oriental, asiatique et africain où le sens de l’humain est une réalité car l’homme est au centre dans ces sociétés indienne, chinoise, africaine, musulmane … Nous voulons à travers la convergence des rationalités que l’homme et le monde soient ramenés au centre de nos préoccupations, plutôt qu’on soit toujours entraîné par le calcul, la rationalité stratégique et téléologique. Donc le but de l’ouvrage est d’informer et de sensibiliser sur la nécessité de replacer l’homme et le monde au centre des choses, plutôt qu’ils soient toujours instrumentalisés au profit du développement capitaliste. Donc le but de l’ouvrage est d’informer sur la nécessité de revenir à une pensée de l’humanisme soucieuse de l’environnement. Et je peux vous dire que lors de ce colloque j’ai été heureux de constater que notre aîné Abdoulaye Elimane Kane vient de sortir un livre qui a pratiquement le même titre que le mien. Il l’a intitulé « Penser l’humanisme, la part africaine » alors que moi j’ai intitulé le mien « Perspectives africaines d’un nouvel humanisme ». Nous sommes dans la même logique où il faudrait que l’Afrique cesse d’être une simple consommatrice des valeurs du monde pour être en mesure de proposer également des perspectives nouvelles à l’humanité. L’objectif du livre est de montrer que quelque chose peut partir de l’Afrique non pas seulement pour servir seulement les Africains mais le monde à l’image des autres systèmes de valeurs qui sont devenus le patrimoine de l’humanité : les droits humains, le christianisme, l’islam… Et il me semble que les valeurs humanistes que nous portons en Afrique peuvent servir le monde moyennant un travail (à effectuer par les Africains eux-mêmes) qui les fera passer du local au global.
Niger Inter : Votre ouvrage est-ce un appel au retour aux sources ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : Je demande non pas un retour dogmatique aux sources mais un retour réflexif et discursif aux sources au sens de Heidegger lorsqu’il dit que nous avons mis en avant l’étant, c’est à dire le sujet conquérant du monde, en oubliant l’Etre, c’est-à-dire le monde. Donc ce que je demande c’est de revenir aux civilisations anciennes pour voir comment elles ont conçu le monde et quelles sont les valeurs qui sont les leurs qui peuvent encore servir le monde. Je parle d’un retour critique, discursif à ces valeurs que le positivisme nous conduit à rejeter. Il s’agit de les travailler pour y desceller la rationalité inhérente à toutes les civilisations. Aujourd’hui quand je prends l’islam malgré les préjugés, il apparaît comme une civilisation qui a quelque chose à proposer au monde. Vous avez aujourd’hui des érudits musulmans au-delà de l’interprétation du coran qui peuvent vous tenir un discours rationnel qui met en exergue le fait que cette religion est un système complet. L’islam se constitue comme rationalité, mais à condition d’éviter les extrêmes et le manichéisme qu’on constate chez certains prêcheurs. Il faudrait donc conjurer la divergence des rationalités dans le monde et travailler ensemble pour que cela se transforme en convergence. Il faudrait que ce que Huntington a appelé ‘’choc des civilisations’’ se transforme en convergence des civilisations. Je suis contre l’enfermement, car j’estime que par le dialogue interculturel, il y a un travail à fournir pour aboutir à cette convergence des rationalités. En fait le but de l’ouvrage c’est de dire que l’histoire n’est pas en panne, nous n’avons pas épuisé toutes les rationalités. Il y a bien d’autres rationalités à explorer. Je nous engage dans ce que Hountondji appelle le combat de sens du monde, en explorant d’autres pistes négligées, d’autres occasions perdues du dialogue des civilisations, de leur convergence. Je me rends compte qu’avec Abdoulaye Elimane Kane, nous sommes deux à porter cette nouvelle espérance philosophique.
Niger Inter : Le Niger vient de célébrer le centenaire de Diori Hamani. Quels souvenirs gardez-vous de ce grand homme de l’histoire nigérienne ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : Pour moi, Diori Hamani fait partie des pionniers, des pères de l’indépendance politique de l’Afrique. Il mérite considération et respect au même titre que Djibo Bakari et tous ceux de leur génération. Pour moi Diori est également le leader qui a voulu diversifier les partenaires du Niger, dans l’exploitation de l’uranium et qui a été pratiquement le fondateur de l’Etat et de sa modernisation. Il avait créé pas moins de soixante unités industrielles qui ne lui ont pas survécues. Il est pour moi le leader panafricaniste qui a lutte contre la volonté séparatiste du Biafra au Nigeria. C’est une très bonne initiative de fêter le centenaire de Diori Hamani. Cela mérite d’être poursuivi car aucun pays ne s’est développé en ignorant les figures marquantes de son histoire. Celles qui ont laissé des traces historiques ont gagné en éternité. Des figures comme Diori, Djibo Bakari, Boubou Hama, Abdou Moumouni, Mamani Abdoulaye, Dan Diko Dan Koulodo, pour ne citer que ceux-là, méritent bien cet hommage de la part de la nation. Ils doivent bénéficier d’une attention permanente. On doit leur dédier plus que des journées ou des semaines. Leurs œuvres doivent intégrer la formation, l’éducation et les politiques culturelles et autres. Des monuments doivent être érigés en leurs mémoires pour les générations actuelles et futures.
Niger Inter : On parle de Renaissance culturelle au Niger. Quelles est votre opinion à ce sujet ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : la renaissance culturelle est une initiative politique, l’expression d’une volonté politique d’un homme d’Etat. La balle est lancée aujourd’hui dans le camp des intellectuels, des universitaires et des hommes de culture. Il s’agit pour le ministère en charge de la renaissance culturelle de faire en sorte que chaque nigérien s’approprie cette initiative ; et pour que cela soit, il faudrait faire en sorte qu’il y ait des projets dans lesquels chacun dans sa sphère de compétence pourrait apporter sa pierre à l’édifice. A mon sens il ne s’agit pas d’intégrer simplement individuellement des gens en ignorant les structures auxquelles ils appartiennent. Par exemple, nous avons aujourd’hui des structures de recherches, des institutions dédiées à la culture ; il faudra impliquer tout le monde dans le cadre de cette renaissance culturelle. De mon point de vue, elle doit être étendue et appropriée par l’ensemble des citoyens sans clivage politique, sans discrimination non plus. Tous ceux qui peuvent apporter leurs contributions doivent être impliqués, parce qu’au finish nous attendons de cette renaissance culturelle un changement de mentalités ou de comportement. Le nigérien nouveau qu’on voudrait suppose des valeurs et ces valeurs là il faudrait qu’on les conçoive ensemble.
Niger Inter : Notre pays a fait l’objet d’attaques terroristes de la part de Boko Haram avec une lourde perte en vies humaines. Quelle appréciation faites-vous de cette situation ?
HAMIDOU TALIBI Moussa : C’est une guerre injuste imposée à notre pays qui fait face déjà à d’énormes défis de développement. Boko Haram est un phénomène qui se régionalise malheureusement, et les pays du bassin du Lac Tchad peinent à mettre en place la stratégie de riposte rigoureuse. En attendant, le Niger fait partie des pays qui payent un lourd tribut. Ses fils continuent à consentir le sacrifice suprême. S’il est vrai que dans l’immédiat, une réponse militaire conjuguée de la sous-région s’impose, il faut à moyen et long termes d’autres réponses: sociales, économiques, culturelles et politiques. En un mot, il faut une politique nationale, sous régionale, disons africaine, de développement pour transformer les potentialités en richesses à repartir dans l’équité et à investir pour un développement harmonieux de toutes les contrées des pays et du continent. Ces politiques doivent consister à intégrer les filles et les fils au plan social, économique et systémique. C’est, entre autres, de cette façon qu’on pourrait mettre fin aux crises et conflits qui peuvent arborer le caractère barbare de Boko Haram.
Réalisée par Elh. Mahamadou Souleymane