Il ne décolère pas, le président de la transition burkinabè n’a pas fini de remuer son hostilité et son conflit permanent avec la démocratie, les occidentaux et ceux qu’ils appellent les valets locaux. C’est à dire les cadres africains en relation avec l’occident. Le 6 juillet dernier, à l’occasion du premier sommet des Etats membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), le président de la transition burkinabè a encore sorti sa rengaine. Son discours a foncièrement été tourné contre la démocratie et les partisans de la démocratie.
Ce règlement de compte d’Ibrahim Traoré contre la démocratie a surtout ressemblé à une démarche en cavalier solitaire. Pour faire peur aux peuples de l’AES, disait-il, « ces individus (ndlr: occidentaux) n’auront que trois termes dans leurs bouches : la démocratie, la liberté et les droits de l’homme. Bien sûr leurs valets locaux ne sont élus que dans un processus démocratique, selon eux et leurs valeurs. Donc quoi de plus normal qu’ils veuillent nous imposer cela parce que ce sont eux qui édictent les règles. Eh bien, nous avons décidé de nous assumer (…) » s’exprimait ainsi le capitaine Ibrahim Traoré, lors du premier sommet de l’AES. Un discours qu’il a prononcé et qu’il voulait être la position de l’ensemble des Chefs d’État de l’AES (comme en témoigne l’emploi de « nous » dans son discours) présents à cette rencontre, à savoir le Colonel Assimi Goïta du Mali et le Général Abdourahmane Tiani du Niger.
Une situation plutôt cocasse et qui n’a pas échappé à l’attention de beaucoup d’observateurs de la scène politique. Comment le Capitaine Traoré peut-il prononcer un discours qui engage les trois dirigeants de l’AES avec surtout un accent majeur résolument hostile à la démocratie ? La position du capitaine Traoré bouscule quelque peu le protocole. S’il y a une position commune, c’est plutôt le président de la Confédération de l’AES qui doit en donner la substance. Le capitaine Traoré ne l’est pas. C’est en effet le président malien, Assimi Goïta que le sommet a retenu comme président de la Confédération.
La position exprimée par le président de la transition burkinabè bouscule aussi le bon usage, puisque le capitaine a voulu parler à la place du Colonel malien et du Général nigérien Tiani Abdourahmane. Dans sa lancée cavalière, le jeune Capitaine a foulé du pied des valeurs qui ne sont pas occidentales mais des valeurs africaines, comme le droit d’aînesse. Mais un autre aspect cocasse de la chose qu’il faille relever, c’est cette lecture qu’il fait de la démocratie.
À en juger par son discours, la démocratie est tout simplement une affaire européenne, c’est une valeur des européens et de leurs valets locaux, comme il dit. Pas du tout, la démocratie n’est pas européenne, elle n’est pas aussi une valeur occidentale. La démocratie est un principe universel de désignation des représentants.
Sur toute la planète, il n’y a que deux formes de pouvoir où l’on ne parle pas de démocratie. Ce sont le pouvoir de droit divin et le pouvoir du plus fort. Dans le premier cas, il est établi que Dieu a conféré le pouvoir à une catégorie de personnes qui se le transmettent de père en fils. Dans le second cas, c’est la loi de la jungle, c’est le plus fort qui arrache le pouvoir et le conserve.
Dans tous les autres cas de figure, le choix des dirigeants, la désignation des représentants obéit à un principe: la consultation des bases par référendum et les élections. D’où le caractère universel de la démocratie. Quelle perception le Capitaine a-t-il alors de la démocratie ? D’où vient son allergie à la démocratie ? Pourquoi s’est-il lâché le 6 juillet dernier ? Autant de questions que se posent les observateurs.
Ce qui est sûr, son discours est loin de faire l’unanimité au sein de l’AES. Au Niger, les militaires au pouvoir au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la Partie (CNSP) viennent de boucler une feuille de route pour la transition nigérienne. Dans un document détaillé, le CNSP vient de donner sa piste de travail vers le retour aux élections.
Dans l’axe 2 du document intitulé : Promotion de la bonne gouvernance, le programme du CNSP indique « ces préoccupations fondamentales orienteront l’élaboration du nouveau code électoral et de la nouvelle constitution après des consultations inclusives pour prendre en compte les attentes des citoyens « . À l’issu du processus d’élaboration des textes, poursuit le document intitulé « Vision du président du CNSP pour un Niger véritablement indépendant et prospère », des « consultations référendaires et des élections libres, transparentes, indépendantes et exemptes de toutes contestation seront organisées ».
Telle est donc la vision du CNSP qui sait que la démocratie n’est pas l’apanage des peuples d’Europe, mais plutôt un processus universel qui fonde le principe de consultations directes ou indirectes entre les dirigeants et les citoyens libres.
Ibrahim Elhadji dit Hima