L’ancien Président de la République, Tandja Mamadou, doit se retourner dans sa tombe. Lamine Zeine, son protégé, celui-là même que beaucoup qualifiait de fils spirituel de l’ancien Chef de l’État, semble passer entre les mains de Hama Amadou. C’est la plus grande curiosité de ce début de l’année 2024 sous la transition militaire du Général Abdourahamane Tiani. Qui l’eût cru? Personne. Au sein des différents gouvernements de l’époque Tandja Mamadou, ils sont trois dignitaires qui ne relèvent d’aucun quota des partis politiques, à savoir Aïchatou Mindaoudou, Albadé Abouba et bien sûr Ali Mahamane Lamine Zeine. Eux, ce sont les hommes du Président Tandja. Recomposition après recomposition, remaniement après remaniement, ils sont toujours là dans l’équipe gouvernementale, à leur poste ou presque.
La seule petite variante, c’est avec Albadé Abouba qui, au plus fort temps de la crise avec le Premier ministre Hama Amadou a quitté le gouvernement pour passer dans le cabinet du président de la République Tandja Mamadou en qualité du ministre conseiller à la sécurité, laissant ainsi son portefeuille à un proche de Hama Amadou, à savoir, M. Mody Mounkaïla au ministère de l’intérieur et de la sécurité nationale. Mais pas pour longtemps, puisque Albadé Abouba reprendra juste après son portefeuille à l’intérieur, doublé du titre du ministre d’État après la motion de censure de mai 2007 qui a renversé Hama Amadou.
Ali Lamine Zeine, ministre de l’économie et des finances, Aïchtou Mindaoudou aux affaires étrangères et Albadé Abouba, voilà le triumvirat clé de Tandja Mamadou. Qui pouvait penser un seul instant que ces trois responsables ministériels puissent avoir la moindre accointance avec l’ancien Premier ministre qui a eu maille à partir avec Tandja Mamadou, tout en sachant que c’est la situation politique entre ces deux personnalités de l’Etat qui a débouché à l’éviction de Hama Amadou du gouvernement et de l’appareil du parti MNSD.
En cet instant où l’on parle du retour de l’affaire MEBA devant les tribunaux, comment ne pas revisiter cette page terrible de l’histoire politique du Niger ?
Au début de son premier mandat, à chaque motion de censure déposée contre le gouvernement sur la base des dénonciations de malversations financières, le président Tandja rétorquait que pour rien au monde, il ne se séparera de son Premier ministre. En 2007, si la motion de censure a pu passer, c’est surtout parce qu’un bon paquet de parlementaires, dits proches de Tandja Mamadou ont lâché Hama Amadou. Et dans une large mesure, si le Premier ministre Hama Amadou a perdu la partie, s’il a perdu la confiance de Tandja Mamadou, c’est parce qu’il a fini par être éclaboussé par de nombreuses casseroles qu’il traînait.
Des dossiers énormes, des scandales qui ont tous fuité du ministère des finances, mais curieusement, qui n’ont jamais inquiété le ministre des finances. Seul le Premier ministre Hama Amadou et certains membres de son gouvernement étaient accablés.
Des documents entiers des régies financières sont retrouvés exposés à la place publique sans qu’on ne sache comment. Grand seigneur sous la bonne garde de Tandja Mamadou, le ministre des finances, Ali Lamine Zeine n’a jamais été appelé à s’expliquer comme s’il y avait un deal ou une entente tacite entre Tandja Mamadou et ce dernier.
Peut-être que le recul aidant, l’actuel locataire de la primature a eu gros sur la conscience et cherche à se soulager, en se rapprochant de Hama Amadou. En effet, il y a des situations politiques que la logique simple des choses ne saurait expliquer. L’installation de Zeine dans le camp Lumana est de celles-là. Et pour se racheter des fautes anciennes, le Premier ministre de la transition multipliera sans doute des prises de positions ouvertes, très expressives, même si cela risquerait d’entacher sur la conduite des dossiers de la transition.
Dès sa première sortie après sa prise de fonction, son point de presse était un réquisitoire musclé contre le régime de la 7ème République où il a passé tout son temps dans la comparaison avec les années du gouvernement MNSD-Nassara. Sur la question de la France, le Premier ministre Lamine Zeine est plus en phase avec Hama Amadou qu’avec les autorités du CNSP. Ainsi, dans une récente intervention sur une chaîne de radio internationale, le Premier ministre de la transition annonçait que la France a abandonné le Niger à un moment où le pays avait besoin d’elle pour la lutte contre le terrorisme. Comme pour laisser la porte ouverte au retour de la France, comme le suggérait d’ailleurs Hama Amadou dans une interview qu’il a accordée, à la veille de son retour au Niger, alors qu’il était en exile à Paris.
Interview dans laquelle il indiquait que la situation actuelle de départ de la France du Niger n’est pas définitive, et qu’elle pourrait un jour revenir. Ce qui est sûr, est le fait que dans son élan aux côtés de Hama Amadou, il faut beaucoup craindre la conduite de prosélytisme du nouveau militant.
Ibrahim Elhadji dit Hima