Bientôt quatre mois que le régime démocratique du Président Bazoum Mohamed a été renversé par la junte militaire organisée au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).
Depuis lors, rien ne semble avancer dans le sens du rétablissement du Président renversé, demandé dès les premières heures qui ont suivi le coup d’État, par le PNDS Tarayya, le principal parti politique de l’ancienne majorité au pouvoir.
L’on pourrait presque dire que le processus est totalement dans l’impasse. Et Bazoum Mohamed continue d’être pensionnaire des locaux du palais de la présidence de la République, non pas comme président de la République mais comme prisonnier de ses tombeurs qui le gardent en détention, tout comme sa famille.
Pourtant, dès les premiers instants du renversement du régime, le parti de l’ancien président de la République, le PNDS Tarayya a lancé l’action de lutte pour demander le retour à l’ordre constitutionnel normal par le rétablissement de Bazoum dans ses fonctions. Même si cet ordre de bataille s’est articulé sur deux actions.
En effet, il n’aura suffi que de 48h après le coup d’État pour que l’entourage immédiat de Bazoum Mohamed se retrouve en fuite à l’extérieur du pays. Le putsch du 26 juillet a eu comme un effet de coup de gourdin sur la ruche, éparpillant les acteurs de proximité avec Bazoum, ceux qui ont tenu tous les privilèges du pouvoir.
Ces derniers se sont tous échappés, emportant de fois leurs familles pour se retrouver dans certaines capitales d’Afrique et d’Europe. Et c’est depuis leurs exils dorés qu’ils se sont mis à étriller et à aiguillonner le parti PNDS Tarayya pour donner des orientations et des directives de lutte aux militants restés au pays. Ce qui n’est pas sans créer quelques frictions à court terme, car si les exilés ont été les pachas du régime déchu, les autres militants PNDS sont pour la plupart des frustrés et déçus du régime à qui les exilés demandent aujourd’hui de sortir braver la répression policière post coup d’État.
La lutte pour le rétablissement du Président Bazoum est peut-être déjà mal engagée à ce niveau sur le front extérieur par les pachas du régime qui ont trusté toutes les faveurs du pouvoir et sur le front intérieur par un PNDS Tarayya en grandes difficultés avec l’entourage Bazoum.
L’autre élément de friction ou de malaise pour le parti, c’est quand va intervenir une cascade de publications qui vont porter des accusations graves sur l’ancien Président de la République, Issoufou Mahamadou, personnalité pourtant très emblématique du parti et qui jouit d’une aura de sympathie auprès de l’ensemble des militants PNDS. Ces publications, dont certaines émanent de Ali Chegou Maina, un très proche confident du Président Bazoum, ont jeté le trouble au sein des militants et accentué le malaise dans la poursuite de la lutte.
La rupture de l’élan de lutte
Et que faut-il désormais attendre de la stratégie de lutte pour ramener Bazoum dans ses fonctions ? Plus grand chose puisque l’immaturité et l’inexpérience de son cabinet ont tout compromis, surtout quand il apparaîtra en public, une conjonction de plus en plus évidente entre le clan Bazoum et certains activistes proches du parti Lumana. Les alliés de la lutte du clan Bazoum, ce sont donc les militants Lumana. Cette proximité ou cette alliance de circonstance va se matérialiser à travers des contenus identiques partagés dans leurs publications toujours hostiles au PNDS Tarayya et au Président Issoufou Mahamadou.
Au PNDS Tarayya, les militants déjà démotivés découvrent le projet caché de Bazoum Mohamed pour transformer Hamzari, un mouvement de soutien que ses supporters ont créé autour de lui, en parti politique. Bazoum et son entourage travaillaient ainsi dans ce sens pour ériger le futur parti politique Hamzari sur les cendres et les décombres du PNDS Tarayya.
Cette terrible découverte va avoir l’effet d’une douche froide dans l’élan de la lutte. Dès la fin du mois d’août déjà, c’est une situation de désengagement et de démobilisation qui s’installe dans toutes les structures du parti. La restauration de Bazoum dans ses fonctions n’est plus à l’ordre du jour.
Un contexte moins favorable
Visiblement, l’ordre du jour n’est plus la libération de Bazoum, en tout cas, pas dans l’agenda du parti politique PNDS Tarayya qui a pourtant concentré les premières interventions franches dans ce sens, mais aussi au niveau des acteurs institutionnels. Les alliés Lumana semblent ces derniers temps plus préoccupés par leurs politiques de lobbying en vue de se mettre dans les bonnes grâces de la junte militaire en perspective aux prochaines élections de fin de la transition.
La France qui a été la plus active dans la recherche du rétablissement de Bazoum est désormais isolée et semble de plus en plus résignée, même si la dernière tentative d’évasion du Président donne plutôt à croire que rien n’est définitivement joué.
Au niveau de la CEDEAO, l’autre instrument de la France, après avoir agité frénétiquement le spectre de la menace d’une intervention militaire, on tente à présent de trouver une issue de sortie qui permet de sauver la face. Pragmatiques, les américains ont fait leur retour en reprenant leur coopération avec le gouvernement de la transition. Au vu de ce contexte, qu’est-ce qui reste désormais entre les mains de l’entourage Bazoum pour son rétablissement à la présidence de la République ? Pas grand chose, pourra-t-on dire.
En tout cas, il ne reste plus que les réseaux sociaux à travers lesquels les Oumar Moussa, les Takoubakoye, Ibrah Mamane, les Anges Barou, Alamneiji Issa, Iro Sani et Cie peuvent continuer à travailler. Et vraisemblablement, pas pour le rétablissement de Bazoum parce qu’eux-mêmes n’y croient plus. Mais très probablement, pour se radicaliser et intensifier leurs politiques de la terre brûlée contre le PNDS Tarayya et surtout l’ancien président Issoufou Mahamadou.
Ibrahim Elhadji dit Hima