45 minutes pour régler des comptes avec qui vous savez, le Premier Ministre, le Colonel Abdoulaye MAIGA, n’est pas allé du dos de la cuillère à la Tribune de l’ONU. Il s’en est pris vertement à la France, au Niger, à la CEDEAO, s’est aussi attaqué à Emmanuel Macron, au Niger, à Mohamed Bazoum, à Hassoumi Massaoudou, Umaro Embalo Sissoko et Alassan Dramane Ouatara. L’Organisation des Nations Unies via son Secrétaire Général et la Minusma, elle-même en a pris pour son compte.
Si son discours est l’émanation du ressenti d’un peuple qui cherche sa voie pour s’émanciper, le Premier Ministre malien s’est quand même lourdement trompé quant aux choix de la posture à adopter vis-à-vis de ceux qu’il considère être de vais maux pour le Mali ou des épines dans les pieds de la Junte militaire qui l’a envoyé à l’internationale.
Moins de s’attirer de la sympathie de la part des nations de ce monde contre les ‘’thuriféraires’’ de son peuple, il a juste provoqué une réelle levée de boucliers, une désapprobation généralisée chez une très large part des pays de la planète contre les putschistes dont il est membre.
Cette attitude de seul contre tous ne peut rien produire de bon pour le Mali et ce n’est pas la Russie et ses mercenaires de la société Wagner qui vont être la solution durable face à l’insécurité et aux problèmes de sous-développement qui le torturent.
Le Colonel Maiga, tout militaire qu’il est, se rend-il compte que ni les terroristes, ni le MNLA, ni la France et sa force Barkhane, ni le Niger, encore moins la CEDEAO ou les Nations Unies, ne constituent au vrai sens du terme un obstacle pour la survie du Mali, mais le véritable problème du pays c’est leur junte.
Il a tancé le Niger et traîné son président traîné dans la boue. La junte dont il est membre est de moins en moins maîtresse du pouvoir qu’elle exerce et de la situation sécuritaire de plus en plus déplorable qui sévit dans le pays qu’elle dirige. D’où sa panique et sa recherche effrénée de boucs émissaires.
Le Colonel Abdoulaye Maïga indique à l’endroit du président Bazoum, que celui-ci « remarquera que le Gouvernement de la Transition [Ndlr : malien] n’a pour le moment jamais réagi à ses propos injurieux pour deux raisons cumulatives. La première raison tient au respect de l’héritage laissé par nos ancêtres, qui consiste à ne pas répondre aux injures par des injures. La seconde raison relève de l’identité́ de M. Bazoum, l’étranger qui se réclame du Niger. Nous savons que le peuple nigérien frère du Mali, se distingue par des valeurs sociétales, culturelles et religieuses très riches. M. Bazoum n’est pas un nigérien, son comportement nous réconforte totalement dans notre constat ».
Inimaginable injure frisant le racisme qui n’a pas laissé les nigériens indifférents. Beaucoup se sont insurgés contre cette exhumation d’une vieille considération électoraliste issue d’un vieux débat de bas étages des politiciens qui grouillent sous nos cieux, débats ayant émaillé les campagnes électorales du Niger d’entre 2020 et 2021.
Pour Kalla Moutari, actuellement député national au Niger, cet « acte irrespectueux que le Premier Ministre malien par intérim a posé sur la tribune des Nations-Unies est totalement irresponsable de la part d’un pays avec lequel nous avons des liens séculaires très forts ! Cette attitude va-t-en-guerre loin de créer un climat apaisé entre nos deux pays, pourrait avoir des répercussions très graves ».
Kané Kadaouré Habibou, leader d’un parti politique de la place, beaucoup plus amer, avertit les autorités maliennes de transition afin que celles-ci fassent « attention à ne pas s’instituer en donneurs de leçons au monde entier, à cause bien sûr du soutien aveugle que leur témoigne la jeunesse africaine ». Il rappelle « à toutes et tous, que même l’opposition politique nigérienne n’a jamais traité le Président BAZOUM d’étranger tout court. Nous avions un moment, estimé qu’il n’était pas nigérien d’origine, ce qui est radicalement différent d’étranger ».
« La soldatesque irresponsable ! », crie, très indigné, Docteur Aghali ABDOULKADER. Choisir, d’après lui, « la prestigieuse tribune des Nations unies pour s’en prendre au président du Niger, un État souverain qui n’est pas en conflit avec l’Etat frère du Mali, Maiga l’intérimaire immature, l’officier effacé, plus loquace que guerrier, raffolant des discours fleuves, creux ,agressifs et abscons vise sûrement à se donner une notoriété, en polarisant l’attention sur lui… En évoquant la nigérienneté du président du Niger pour la nier, il a dérapé grossièrement. Et aujourd’hui, ce que ce premier ministre imprudent et belliqueux ignore c’est que même les apatrides nigériens qui ont fabriqué et chanté ces fadaises le temps de la campagne électorale passée sont revenus à la réalité et à la raison, faisant implicitement et discrètement leur mea-culpa pour les maux destructeurs et nauséabonds causés au peuple nigérien tout entier ».
Pour Moussa Tchangari, un acteur essentiel de la société civile nigérienne et Secrétaire Général de ‘’Alternative Espace Citoyen’’, « le discours du colonel Abdoulaye Maiga à la tribune des Nations unies n’est pas celui d’un régime sûr de lui-même ; il est plutôt l’expression de la psychose et des craintes, légitimes à bien d’égards, qui incitent les tenants du pouvoir à Bamako à jouer leur va-tout ».
Quant à Iro Sani, un homme politique très proche du président Bazoum, il rappelle à la junte militaire qu’en 2011, quand « les djihadistes ont failli prendre le pouvoir a Bamako, spontanément le Président nigérien de l’époque a usé de son influence auprès des dirigeants français pour que ces derniers stoppent nette l’avancée des terroristes!! Quand il fallait envoyer un contingent militaire pour stabiliser le Mali, les dirigeants nigériens n’ont pas hésité une seule minute à envoyer des militaires nigériens pour secourir et protéger le peuple malien ; nombreux sommes nous nigériens dont des parents proches ont perdu la vie dans cette entreprise ! »
C’est donc faire preuve d’une véritable ingratitude vis-à-vis de la nation nigérienne que d’insulter celui qui préside à sa destinée.
Pour l’enseignant-chercheur Farmo Moumouni, le Colonel Maïga est dans une espèce de mécanique des insultes. « Il insulte quand il se sent insulté ou quand il considère que son pays, le Mali est insulté », tout simplement.
Le citoyen Boubacar Seyni Gagara, pour sa part, précise que « le pâteux Premier Ministre de Goîta a prouvé à la face du monde que son intelligence est à la mesure de sa façon même de s’exprimer. Si les transhumants maliens veulent se comparer au Président Bazoum, nous les defions d’organiser des élections libres et transparentes et qu’ils attendent voir comment les maliens que je connais panafricanistes et antiracistes, réagiront dans les urnes. Le président Bazoum n’est pas venu en politique par effraction. Il a été auparavant élu 5 fois députés et plusieurs fois ministres dans différents gouvernements depuis 1993. Le Niger est derrière son président »
Plus virulent, Kossey Sanda, homme politique nigérien, ne mâche pas ses mots. Pour lui, « le colonel/coronelle n’a fait que cracher sa haine sur le Niger et son peuple en s’en prenant à son président Mohamed Bazoum, allant jusqu’à dire qu’il n’est pas nigérien…. Le président Bazoum a été élu comme président de la république du Niger… La diatribe du colonel/coronelle n’est rien d’autre qu’un discours xénophobe qui illustre bien les problèmes actuels du Mali dont celui du communautarisme meurtrier entretenu et attisé justement par la façon manichéenne de procéder de cette junte. Mais que le colonel/coronelle sache que le président Bazoum n’a pas cette conception des choses ni dans son pays ni dans les relations entre pays surtout lorsqu’ils sont voisins donc forcément imbriqués à travers leur population ».
Il accable le discours du Colonel Maïga de tout un chapelet de noms d’oiseaux à contenus « graves, vulgaires, pleutres, orduriers et indignes » qui ne sont pas du ressort « d’une personne lucide ». Pour Kossey Sanda, le Premier Ministre malien est « minable, nul, médiocre, amnésique, bête, faux, idiot et incohérent ».
Outre les indignations des personnages ci-dessus indiquées, beaucoup d’autres nigériens se sont rués sur les réseaux sociaux pour faire part des leurs. La dernière en date a été livrée du haut du perchoir de l’Assemblée Nationale du Niger par Elh Seyni Oumarou. Celui-ci a versé toute sa colère sur ceux qui s’en prennent au peuple nigérien et à ses dirigeants. « Je veux le réaffirmer ici, a-t-il indiqué, le peuple Nigérien, souverain, a choisi en toute responsabilité ses dirigeants, à travers des élections démocratiques. Tout mépris à l’égard de ceux-ci doit être forcément compris comme du mépris à l’égard de tous les Nigériens. C’est pourquoi nous déplorons et condamnons les propos tenus récemment par le Premier Ministre par intérim du Mali, à la tribune des Nations Unies ».
Il a aussi laissé entendre qu’il ne faut pas oublier que « les Peuples Nigériens et Maliens sont unis par des relations séculaires, faites de fraternité et de liens tissés par l’Histoire et la Géographie ».
Voilà où mène l’obsession de se maintenir au pouvoir quoiqu’on ait gagné celui-ci suite à un putsch. Affaire à suivre
Bassirou Baki