Malgré les efforts du Gouvernement et de ses partenaires pour mettre fin au mariage précoce au Niger, celui-ci reste encore solidement ancrée dans nos us et coutumes. D’après une étude conduite par l’Unicef (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance) en 2016, 75% des jeunes filles nigériennes sont mariées avant l’âge de 18 ans et 28% avant d’avoir 16 ans. Ce qui place le Niger en tête des pays ayant le taux de mariages précoces le plus élevé dans le monde.
C’est particulièrement dans les familles les plus défavorisées et en zones rurales que cette pratique est fortement en usage et, d’après le FNUAP, dans la région de Diffa, celle-ci atteint un pic de 89% des jeunes filles. Pire encore, 1/3 des filles adolescentes âgées de 15 à 19 ans ont déjà un enfant ou sont en grossesse dans notre pays.
Cette situation déplorable est profondément liée au problème de l’accès à l’éducation des filles vivant en milieu rural et à l’attachement de leurs communautés à certaines valeurs traditionnelles. Malgré leur poids numérique élevé dans notre pays, 71% des filles seulement sont scolarisées contre 88% pour les garçons avec une forte disparité entre le milieu urbain et rural : 108% des filles du milieu urbain sont, en effet, scolarisées contre 71% de leurs homologues du milieu rural.
Les filles qui ne vont pas à l’école sont les plus exposées au mariage précoce que celles qui sont scolarisées, a constaté l’Unicef dans son étude. Dans les milieux défavorisés, les filles sont considérées comme une charge pour la famille en même temps qu’une source de revenus. Donner sa fille en mariage, c’est avoir une bouche en moins à nourrir et peut être une voie ouverte à la richesse, si son conjoint est aisé ou appartient à une famille aisée.
C’est donc pour des raisons économiques que certaines filles sont données en mariage dès leur très bas âge. Dans ce genre de milieux, notamment ruraux, la pratique du mariage des enfants a, aussi, pour but de les protéger des grossesses non désirées.
Une fille qui tombe en enceinte sans être mariée accable sa famille de honte. Le mariage est une valeur sociale qui fonde les familles où les jeunes filles deviennent des épouses. Pour leurs maris, elles ont le devoir de soumission. Dans le même temps, c’est à elles qu’incombent les tâches ménagères.
Violences sexuelles
Aller à l’école n’est pas utile pour les filles, puisque leurs statuts de femmes au foyer ne requièrent pas une éducation scolaire. Une pesanteur sociale qui étouffe les femmes et les maintient dans la dépendance et l’inégalité face aux hommes. Les filles scolarisées, qui contractent un mariage, finissent par abandonner les études, puisque les travaux domestiques leur prennent tout leur temps. D’ailleurs, l’école est considérée comme un milieu de perversion pour les filles alors qu’elles doivent être mariées avec leur virginité sans laquelle leurs familles seront honteuses. Le mariage des enfants a, surtout, des conséquences fâcheuses. Le phénomène est la première cause de mortalité chez les filles de 15 à 19 ans. Les jeunes filles, qui se marient en très bas âges, sont exposées à toutes sortes de maladies comme les infections sexuellement transmissibles, le VIH/SIDA, etc.
Face à un mari dominateur, elles sont soumises aux violences sexuelles et, par conséquent, à des grossesses précoces. Leur organisme étant fragile, accoucher est, chez elles, une entreprise périlleuse qui aboutit souvent à une catastrophe. Soit elles meurent pendant qu’elles donnaient la vie, soit elles s’en sortent avec des organes génitaux en lambeaux et porteuses de la fistule obstétricale. Précisément, une majorité écrasante des femmes fistuleuses étaient mariées à très bas âge et tombées enceintes de manière précoce. D’où les maladies et les risques de mort qui les guettent, toute leur vie. Les hommes qui prennent en mariage ces jeunes filles dans leur enfance, violent, systématiquement, leurs droits au bonheur parce qu’ils les séparent très tôt de leurs parents et des enfants de leur âge, les écartent des réjouissances communautaires juvéniles et des délices de l’école, etc.
Programme de Renaissance du Niger Acte 3
Le mariage précoce est, en somme, un phénomène social déplorable contre lequel les pouvoirs publics et les partenaires au développement doivent être vent débout. Il faut reconnaître que le Gouvernement n’est pas resté les bras croisés. Il a mis en place de nombreuses stratégies parmi lesquelles on retient l’éducation obligatoire pour tous jusqu’à l’âge de 16 ans avec l’année 2024 comme date plafond à laquelle cet objectif doit être atteint. Cela permettra, par conséquent, de maintenir la jeune fille à l’école jusqu’au moins ses 16 ans et, du coup, diminuera, significativement, le nombre de filles qui se marient à très bas âge. Il faut souligner que cette stratégie figure en bonne place dans le Programme de la Renaissance du Niger Atce2. Une stratégie qui sera renforcée par une toute nouvelle, qui est prescrite dans le Programme de Renaissance du Niger Acte 3.
Cette nouvelle stratégie consiste à garantir une éducation de qualité aux jeunes filles rurales, puisqu’elles seront hébergées, nourries et blanchies dans des internats spécialement créés pour elles. Si ces jeunes filles rurales vivent dans les internats, elles ne vont jamais abandonner les bancs pour causes de conditions de misère dans lesquelles elles passent leur scolarité, comme c’est le cas, actuellement. Elles auront les mêmes chances de réussite que leurs sœurs dont les parents vivent en zones urbaines.
Bassirou Baki Edir