L’Afrique doit se mobiliser pour arrêter l’industrie du tabac qui exploite le COVID 19 pour développer ses affaires
En cette période difficile où le monde lutte pour faire face à la pandémie de la maladie à coronavirus (COVID-19), la communauté africaine de lutte antitabac a constaté avec consternation que les multinationales du tabac profitent de la crise pour s’engager dans des actions qui leur permettent soit de soigner leur image, ou de mettre au défi les gouvernements de restreindre ou d’interdire complètement la vente de produits du tabac en vue de réduire les effets de la maladie. Cette pratique complique encore les choses pour l’Afrique, qui, en plus de cette pandémie, doit faire face à d’autres maux comme le paludisme, le VIH, les maladies non transmissibles et la pauvreté.
Leonce Sessou, Secrétaire Exécutif de l’Alliance pour le Contrôle du Tabac en Afrique (ACTA), souligne que « c‘est déplorable de savoir qu’en dépit de plusieurs études établissant que le tabagisme est très probablement associé à la progression et aux effets néfastes du COVID-19[i], et des mises en garde des experts basées sur des études, selon lesquelles le vapotage pourrait rendre les individus plus vulnérables à la maladie, l’industrie du tabac continue de faire pression pour que ses produits soient disponibles pendant les périodes de confinement imposées. À ce jour, on sait que le tabagisme a un impact considérable sur la santé pulmonaire, étant donné qu’il est associé à plusieurs maladies respiratoires[ii]. Le tabagisme est également préjudiciable au système immunitaire et à sa réactivité aux infections, ce qui rend les fumeurs plus vulnérables aux maladies infectieuses[iii]. » Des études antérieures ont même montré que les fumeurs sont deux fois plus susceptibles que les non-fumeurs de contracter la grippe et d’avoir des symptômes plus graves, tandis que les fumeurs ont également enregistré un taux de mortalité plus élevé lors de la précédente épidémie de coronavirus (MERS-CoV)[iv],[v] .
Pour contenir la propagation du virus, les gouvernements instaurent des mesures de confinement et d’autres restrictions, et ne laissent fonctionner et circuler que les services et produits essentiels. Sessou Leonce souligne que « a l’heure où la communauté de la santé publique s’accorde à dire qu’il est absolument vital que les fumeurs cessent de fumer, les multinationales du tabac participent à une série d’initiatives visant à amener les gouvernements à laisser ouvrir les points de vente de tabac en tant que services essentiels, et laisser vendre les produits du tabac en tant que biens essentiels. L’industrie du tabac agit ainsi malgré les nombreuses preuves selon lesquelles les produits du tabac exposent les consommateurs à de graves conséquences du COVID-19 s’ils sont infectés. »
En Afrique du Sud, où la vente de cigarettes a été interdite lors du confinement général visant à limiter la propagation de la maladie, la branche sud-africaine de British American Tobacco a exhorté le gouvernement à reconsidérer cette décision, tandis qu’une association a annoncé qu’elle allait poursuivre le gouvernement sud-africain pour avoir maintenu l’interdiction. Au Kenya, contrairement aux attentes de base en matière de santé publique, les autorités ont inclus le tabac dans la liste de produits essentiels lors du confinement pour contenir le COVID-19.
Les preuves de l’interférence de l’industrie du tabac lors de l’épidémie du COVID-19 ne concernent pas seulement la disponibilité des produits du tabac. L’industrie du tabac utilise également la crise comme une occasion pour soigner son image. Au niveau mondial, British American Tobacco (BAT) a annoncé qu’il travaillait sur un vaccin contre la maladie, tandis que Philip Morris International (PMI) a récemment été critiqué pour un coup de publicité, en fournissant des respirateurs pour aider la Grèce. En Afrique, le magnat rwandais des affaires, Tribert Rujugiro Ayabatwa, propriétaire de Meridian Tobacco Company et de Leaf Tobacco and Commodities, a fait don de 250 millions de shillings ougandais au gouvernement pour soutenir le pays dans la lutte contre Covid-19.
L’OMS a mis en garde contre de telles relations, déclarant que « le partenariat avec l’industrie du tabac sape la crédibilité des gouvernements en matière de protection de la santé des populations car il existe ‘un conflit fondamental et irréconciliable entre les intérêts de l’industrie du tabac et les intérêts des politiques de santé publique’. » « Il est de la plus haute importance que les pays africains répondent à cet appel et ne laissent pas l’industrie du tabac gagner la capacité d’influencer les politiques antitabac à l’avenir grâce à leur assistance d’aujourd’hui pour faire face à COVID-19 » déclare Sessou.
Plusieurs organisations de la société civile africaines ont pris l’initiative louable de demander aux gouvernements d’utiliser cette épidémie du COVID-19 comme une occasion d’intensifier les mesures de protection des citoyens contre le tabagisme et ses conséquences. L’Alliance ghanéenne de lutte contre les Maladies Non transmissibles (Ghana NCD Alliance), par exemple, a demandé au gouvernement d’interdire la vente d’alcool et de cigarettes, et d’accorder une attention particulière aux patients atteints de maladies non transmissibles. Le meilleur exemple que l’Afrique devrait peut-être suivre est celui du Botswana, où le gouvernement, juste après que la société civile l’y a incité, a interdit la vente et l’importation de tabac et de produits dérivés, alors que le pays s’efforce de lutter contre la pandémie du COVID-19.
Le Secrétaire Exécutive de l’ACTA certifie que « l’Alliance pour le Contrôle du Tabac en Afrique (ACTA) félicite les gouvernements africains d’avoir pris des initiatives audacieuses pour contenir la propagation du virus, et les encourage à rester fermes même si l’industrie du tabac essaie de faire dérailler ces actions. La santé publique doit toujours être la priorité absolue de tout gouvernement, et l’ACTA condamne les stratégies honteuses et peu orthodoxes mises en œuvre par l’industrie du tabac pour faire prospérer ses activités, même au milieu d’une pandémie mortelle, qui s’est avérée particulièrement aggravée par le tabagisme. »
« L’ACTA appelle la communauté africaine de lutte antitabac à être vigilante pendant cette période et à prendre des mesures pour isoler tous les efforts de l’industrie du tabac pour exploiter la pandémie COVID-19, que ce soit pour continuer à rendre les produits du tabac disponibles, ou pour soigner son image par des dons ou des initiatives de responsabilité sociale » conclut Sessou.
Alliance pour le Contrôle du Tabac en Afrique (ACTA)