Il est heureux de lire que le gouvernement et l’USN (l’union des scolaires nigériens) ont pris langue. Il y a, pourrait-on dire, une première victoire même si elle demeure encore tacite et diffuse. Cette victoire consiste dans le rapprochement des deux parties prenantes et celle-ci se traduit dans leur acte manifeste de dépassement et de surpassement de soi. Les positions initiales tranchées se sont, pour ainsi dire, fluidifiées. Cet acte est alors à saluer et à encourager. Nous encourageons toutes les parties prenantes à prendre de la hauteur et à continuer davantage dans le sens du rapprochement.
Considérant l’importance stratégique d’un tel dialogue direct pour notre pays, il serait souhaitable que, d’une part, tous les partenaires de l’éducation nationale s’impliquent pour soutenir cet effort et accompagner les parties prenantes à aller au-delà la bouillie du cœur, de la passion pour faire prévaloir la raison, seule gage d’apaisement et de stabilité pour le devenir de notre pays. D’autre part, il est impérieux que les sages de la cité, les autorités morales s’invitent dans ce dialogue non pas pour l’influencer mais pour veiller en toute objectivité à sa réussite effective. Notre engagement pour le dialogue doit être immense et il est d’une importance incommensurable car nous avons une responsabilité et un devoir vis-à-vis de nos enfants, nos sœurs et frères mais aussi envers les générations futures. La compétence de nos cadres d’aujourd’hui déterminera le développement futur et le rôle stratégique de notre pays. Il est connu de tous que le Niger de demain se prépare aujourd’hui. Les artisans et acteurs de la mondialisation ou encore les « mondialisateurs » sont les pays dont l’économie repose entre autres sur la connaissance (Knowledge economies). Bâtir nos infrastructures de la connaissance (les écoles, les Universités, les librairies etc.) n’est pas seulement une nécessité matérielle mais aussi une obligation éthique.
Il est alors très important que nous comprenions que le dialogue est le mode de communication par excellence dans toute société qui repose sur les valeurs de L’HUMAIN.
Le dialogue n’est ni un acte de faiblesse encore moins un signe d’appréhension, bien au contraire. C’est une technique de discussion argumentée et de génération des idées. C’est aussi un cadre ouvert aux citoyens dans lequel des problèmes complexes affèrent la vie en communauté sont discutés. Dans la démocratie délibérative, le dialogue fonctionne comme une stratégie politique de la gestion du pouvoir. Il participe de la gouvernance. Le dialogue est, pour ainsi dire, un processus de purification et dissipation des frustrations.
Il sied de noter que dans une démocratie effective, cette approche néolibéral “qui ne s’accorde pas avec nous est contre nous” est non seulement réductionniste mais inopérante. Dans une démocratie libérale qui est d’ailleurs d’essence dialogique, les citoyens sont libres d’exprimer leurs accords mais aussi désaccords. Comme le fait remarquer Sen (2006, p.70-17) cite par Aliana (2015) la démocratie doit donner plus de résonance aux revendications des personnes et inciter donc les gouvernements a mieux les prendre en compte. Ceci est pour dire que la démocratie n’est pas seulement basée sur la logique du nombre mais aussi la prise en compte des voix dissonantes. Il est très important d’écouter et d’examiner les voix discordantes car elles révèlent souvent des aspects déterminants qui n’ont pas été considérés dans la prise de décisions et qui peuvent faire avancer.
Le recours au dialogue est ainsi une des plus vieilles pratiques de la délibération politique en Afrique traditionnelle connue sous le terme de la palabre. Elle est de l’avis autorisé de Nebie (2001) “un système d’échanges et de concertations sur un sujet ou un problème, jusqu’à ce que tout le monde arrive à s’accorder”. Au cœur de la palabre est la recherche du consensus.
Le dialogue, en tant que tel, n’est pas une réalité étrangère à la société traditionnelle nigérienne. La palabre était et est toujours dans nos villages ou la tradition est encore préservée le mode de gestion des conflits sociaux, mais aussi de toute prise de décisions affectant la vie de la communauté. Tout le monde est écouté quel que soit le rang social, le genre et l’occupation. Les femmes participent d’une manière ou d’une autre aussi à ce processus de prise de décision.
J’aimerais alors inviter nos dirigeants de toujours privilégier l’approche dialogique comme cadre et stratégie de gestion des conflits socio-politiques. Les divergences d’opinions et de d’approches ne doivent jamais être des raisons de radicalisation et de polarisation des positions. S’il y a reconnaissance d’une crise sociale alors procédons à l’identification des problèmes sous-jacents à cette crise ou tension sociale. De l’identification des problèmes et des blocages suivront nécessairement des solutions. Une telle démarche exigera de nous le sérieux, la sincérité et le dépassement de notre orgueil. L’horizon du dialogue doit être l’intérêt suprême du Niger. Il est loisible d’ajouter que donner une prééminence au dialogue dans la résolution de nos différends socio-politique c’est, à notre avis, véritablement consacrer la Renaissance culturelle, un programme cher au régime de la septième république. La renaissance culturelle, n’est-elle pas dans une de ses manifestations la modernisation sociale, valorisation et actualisation de nos pratiques culturelles transhistoriques qui ont démontré leur efficacité à travers toutes les vicissitudes que nos sociétés ont vécues ? Le dialogue ou la palabre constitue indubitablement une valeur éthique constitutive de nos sociétés et qui doit être préservé à tout prix. Le dialogue ou la palabre est l’expression par excellence de la démocratie délibérative. En somme, dialoguer, c’est renouer avec nous-mêmes.
Sidi Bilan