Gestion d’une aide humanitaire au Niger : L’UE et le Gouvernement à couteaux tirés

« 1,3 million d’euros pour l’assistance aux victimes des inondations survenues au Niger », c’est l’appui que l’Union européenne (UE) a mis à la disposition du Niger, « sans qu’il en ait fait la demande », précise le Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’Extérieur dans un communiqué en date du 22 novembre 2024. C’est cette aide humanitaire, précisément les modalités de sa gestion qui constituent aujourd’hui une pomme de discorde dans les relations entre l’UE et l’Etat du Niger, déjà fragilisées depuis les événements du 26 juillet 2023 qui ont mis entre parenthèse, le système démocratique au Niger.

Pour la gestion de cette aide, le Gouvernement nigérien estime, bien que le pays n’ait demandé un tel appui à l’Union européenne, que cela ne donne pas toute la latitude à « l’ambassadeur de l’UE au Niger de procéder de manière unilatérale, à l’affectation de cette subvention aux ONGs, jusqu’à procéder, là aussi, de manière arbitraire, à sa répartition par région », dénonce le communiqué du Ministère nigérien des Affaires Etrangères.

Le Comité International de Croix Rouge (CICR), la Danish Refugee Council (DRC) et Cooperazione Internationale (COOPI) sont les ONGs internationales retenues par la Délégation de l’UE pour recevoir ces fonds et mener des actions d’assistance en faveur des victimes des inondations au Niger. Des faits que le Gouvernement de transition, à travers le Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’Extérieur qualifie de contraires aux « principes de transparence et de bonne collaboration avec les autorités nigériennes compétentes, qui doivent, selon lui, guider la gestion de cette assistance humanitaire ».

Pour toutes ces raisons, informe le communiqué du Ministère nigérien des Affaires Etrangères, l’Etat du Niger a décidé de « commanditer un audit sur la gestion des fonds sus mentionnés », tout en appelant l’UE à procéder également à un « audit pour savoir l’usage et la destination réels des sommes allouées aux ONG concernées ».

L’ambassadeur de l’UE au Niger persona non grata

Devant les difficultés d’une bonne collaboration avec la Délégation de l’Union européenne au Niger, principalement avec l’ambassadeur Salvador Pinto Da França et un manque notoire de respect envers les autorités nigériennes, rapporte un second communiqué du Ministère nigérien des Affaires Etrangères en date du 24 novembre dernier, « le Gouvernement officiellement demandé à l’UE, le rappel et le remplacement dans les plus brefs délais, de son ambassadeur au Niger ». Contrairement donc au communiqué de l’UE du 23 novembre  2024, le rappel de l’ambassadeur Salvador Pinto pour consultations à Bruxelles est une initiative du Gouvernement Nigérien et non celle de l’Union Européenne.

Réaction et justifications de l’UE

Auparavant, l’Union Européenne, dans son communiqué du 23 novembre dernier, et en réaction aux dénonciations de l’Etat du Niger a tenu à faire part de son « profond désaccord avec les allégations et justifications avancées par les autorités de transition », avant de s’insurger contre ce qu’elle considère, « une remise en cause par les autorités du Niger, des modalités et la gestion par la Délégation de l’UE de l’aide humanitaire apportée aux victimes des inondations au Niger.

Pour l’Union européenne, « rien ne devrait justifier l’instrumentalisation de l’aide humanitaire à des fins politiques », et rappelé à travers son communiqué qu’elle a toujours indiqué « vouloir continuer à soutenir la population face à la crise que traverse le Niger », précisant aussi que son aide humanitaire est apportée de « manière neutre, impartiale et indépendante, et mise en œuvre par des agences des Nations unies et des organisations et ONG internationales ».

Pour de nombreux observateurs, la réaction de l’Etat du Niger face à ce qu’il considère comme « une violation des principes de transparence et de bonne collaboration avec les autorités nigériennes compétentes » se justifie, surtout dans le contexte actuel où les autorités  se battent dans l’affirmation de sa souveraineté du pays dans tous les domaines de la vie sociopolitique et économique.

De son côté, estiment les mêmes observateurs, l’Union européenne cherche elle aussi à rester dans le cadre du respect de ses principes de gouvernance qui lui commandent des modalités à suivre dans la gestion de ce genre d’appui humanitaire.

Au vu de ce qui précède, des telles divergences doivent en effet être réglées dans un cadre purement diplomatique. D’où la nécessité pour ces partenaires de longues dates de privilégier le dialogue dans la gestion de ce dossier et permettre aux populations, notamment les victimes des inondations passées de bénéficier de cet appui humanitaire de n’est pas de plus pour les foyers qui ont tout perdu dans ces inondations. Ces deux partenaires historiques, le Niger et l’Union Européenne ont pourtant toujours travaillé en symbiose et dans la compréhension mutuelle pour le bien des populations.

Oumar Issoufa