Société civile : Entre business et activisme politique

« Qu’Allah maudisse les camarades qui procurent des informations à Bana Ibrahim ». Cela c’était le cri de détresse d’une grande militante du parti politique PNDS-Tarayya, parti politique de Bazoum Mohamed et principal force politique de la majorité au pouvoir jusqu’au 26 juillet 2023 où l’intervention de l’armée a mis terme audit régime. C’était du haut de la dégradation du climat au sein de son parti politique que la militante chevronnée, égérie politique du PNDS Tarayya a lâché ces mots pleins de colère et de désapprobation. L’activiste et lanceur d’alerte Bana Ibrahim venait d’être par le même coup vomi par la militante.

 Fin du partenariat Lumana-PNDS ?

Les choses avaient pourtant démarré sous des bons auspices entre le PNDS Tarayya au pouvoir depuis le 2 avril 2021 et le parti politique Lumana de Hama Amadou. Étrange situation quand on sait que le Moden Fa Lumana était le principal parti de l’opposition au régime de Bazoum Mohamed. Éliminé au premier tour, le Moden Fa Lumana s’est rabattu sur un candidat de circonstance, à savoir Mahamane Ousmane, arrivé en deuxième position après le PNDS au premier tour. Et c’est Mahamane Ousmane, porté par un large courant de sympathie des militants Lumana qui a affronté Bazoum Mohamed au second tour des élections présidentielles qui ont vu la victoire finale du candidat du PNDS-Tarayya contre l’ancien président de la 3ème République, Mahamane Ousmane, soutenu par une coalition de partis politiques, dénommée Cap21.

Mais sitôt après l’échec de leur candidat Ousmane, une large frange de Lumana se mettra en rapport avec l’entourage de Bazoum Mohamed. Des liens se créent, des relations se tissent, des partenariats même s’ils ne sont pas écrits sur papier se mettent en place. Dans la foulée, Bana Ibrahim se reconverti dans la société civile et en devient une figure emblématique. Par des discussions et des échanges offshores, il devient la figure de la société civile la plus intéressante et la plus crédible. Pourtant, Bana était un membre notoire du parti Lumana. il était très actif dans l’équipe de la direction régionale de campagne de Lumana/Section de Niamey.

Mais très vite, il tourna la page. Et les microcosmes de la capitale sont alimentés avec des informations de premières mains, des informations sensibles et très croustillantes, puisqu’elles viennent des sérails du pouvoir. L’ancien Président de la République Issoufou Mahamadou ou sa famille, notamment sa deuxième épouse, Malika Issoufou, le fils du Président, ministre du pétrole au sein du gouvernement Bazoum, le président du parti présidentiel PNDS, Foumakoye Gado font régulièrement la Une des publications des lanceurs d’alerte.

Mais dans cette ambiance, les lecteurs sont loin de soupçonner que ces alertes ne sont jamais innocentes, et sous le verni très vertueux d’un travail d’éveil se cache en réalité des rugueuses luttes de factions au sein du PNDS-Tarayya. Que l’entourage de Bazoum qui a les faveurs du pouvoir a pris l’avantage sur l’ancien Président. Très vite, certains militants proches des arcanes du pouvoir vont commencer à tirer la sonnette d’alarme. Ils se demandent surtout si se sont les militants PNDS, et surtout des militants très proches de Bazoum qui filent des indiscrétions aux activistes. Les à-côtés des réunions du conseil des ministres n’ont plus aucun secret, ils sont étalés dans les détails sur les réseaux sociaux.

L’opinion s’interroge, comment est-ce possible ? Comment se fait-il que des informations aussi confidentielles se retrouvent sur le Net ? Des lanceurs d’alertes comme Bana Ibrahim deviennent de vraies vedettes. Ils ont des informations les plus secrètes. Ils sont très efficaces et perspicaces. Ils ont des bons canaux de collecte d’informations. Mais la réalité est tout autre. Ces activistes et lanceurs d’alertes sont alimentés. C’était au plus fort de la dégradation de la situation, quand l’atmosphère était irrespirable entre l’entourage Bazoum et les proches de l’ancien président Issoufou Mahamadou.

Le pot aux roses avait finalement été découvert. Ce qui a permis aux gens de vite comprendre que les soi-disant lanceurs d’alertes étaient plutôt alimentés avec des écrits, des notes et autres montages pour accabler et discréditer Issoufou et sa famille. Moyennant financement ou pas, ce qui est sûr, ces activistes ont joué un rôle décisif dans la communication, non pas du PNDS-Tarayya, mais de Bazoum Mohamed tout seul. Bazoum était dépeint sous des jours meilleurs. Il n’était plus le candidat libyen imposé par l’ancien président Issoufou Mahamadou. Ce n’était plus également ce candidat contre lequel Hama Amadou mettait les électeurs en garde. Ce n’était plus le président dont les lumanistes de Niamey ont voulu empêcher la prestation de serment.

Bazoum devient le président vedette des activistes du Net. Dans le même temps, ces derniers multipliaient les publications mensongères, les fake news et autres attaques contre Issoufou Mahamadou et les cadres PNDS-Tarayya qui lui sont très proches. Kalla Ankourao, Foumakoye Gado, madame Hadiza Ousseini ou encore Douada Mallam Marthé sont régulièrement les cibles des lanceurs d’alerte.

C’est en ce moment que l’égérie du PNDS Tarayya, la nommée Marie Abouka s’est écriée « qu’Allah maudisse les camarades qui procurent des informations à Bana Ibrahim ». C’était en octobre 2022. Le PNDS se préparerait à aller au congrès. Et Bazoum se préparerait à prendre le contrôle définitif et total de l’appareil du parti.

Malgré ce cri de détresse, ce partenariat va continuer et ne sera interrompu que par le coup d’Etat du 26 juillet 2023. Quand il intervient, la majorité des activistes de la société étaient encore avec Bazoum. À l’image de l’activiste Bana Ibrahim qui poste ce message, le 26 juillet 2023: « En tant que démocrate et républicain, je condamne avec véhémence la prise en otage dont le Président Bazoum Mohamed et sa famille font l’objet depuis ce matin de la part de sa garde présidentielle « .

Ce partenariat, s’il est aujourd’hui réduit, si les activistes Lumana se sont plus orientés vers de nouveaux partenaires, à savoir les autorités militaires du CNSP au pouvoir, il reste toujours quelques contacts. Il reste encore cet attachement à l’ancienne campagne menée ensemble côte à côte entre les éléments Bazoum et les éléments Lumana de Hama. Et ce sont les réminiscences de cette campagne commune contre Issoufou Mahamadou qui expliquent certaines publications ou certaines déclarations des ténors des activistes civilo-Lumana. Issoufou Mahamadou restera toujours leur client pour une raison évidente. Parce que tous veulent tourner sa page pour être les nouveaux maîtres de la scène politique.

Ibrahim Elhadji dit Hima