Putsch du 26 juillet : L’Alliance Bazoum, Hama, Sylvain Itté


Quelques dix mois après les évènements du 26 juillet 2023, que reste-t-il des accusations sur l’implication de l’ancien président de la République dans le putsch du Général Abdourahmane Tiani qui a renversé le régime de Mohamed Bazoum ? Rien ou presque rien qu’un maigre squelette de spéculation entretenue par le président déchu, plus que jamais empêtré dans des conjectures inextricables et l’ancien ambassadeur de France au Niger, Sylvain Itté, isolé, déboussolé et perdu mais qui, pour se donner un semblant de survie, continue à se proclamer toujours ambassadeur de France à Niamey ( le Quai d’Orsay très insatisfait de ses services ne lui a plus donné une nouvelle fonction et l’a laissé au chômage).

Bazoum, ou le Président furtif. Arrivé au pouvoir à la faveur des élections présidentielles de 2021, Mohamed Bazoum est parti comme il est arrivé. En courant, en sautillant, en agitions permanentes. Deux ans à peine installé au pouvoir, il est renversé par un coup d’État des plus singuliers. Un bon matin du mercredi 26 juillet 2023, le patron de sa garde présidentielle le coince contre les murs du palais et lui notifie qu’il est renversé. Il n’y croyait rien, il pensait à une mauvaise blague ou tout au plus à une mutinerie.

Il ne sait plus quoi faire, il appelle ce qui semble être pour lui la solution, c’est-à-dire l’ambassade de France à Niamey. Bazoum demandera au diplomate français de faire manœuvrer les soldats français basés à quelques encablures de-là, à la place de l’escadrille à côté de l’aéroport de Niamey. Cela pour faire peur aux militaires nigériens et les amener à se ranger. Itté lui répond que seul le président français est habilité à prendre une telle décision et entreprend de joindre le président français Macron.

Par coup de malchance, le président Macron se trouve en déplacement dans les territoires français du Pacifique avec un fort décalage horaire avec Niamey. En désespoir de cause, ils se décident à appeler l’ancien président Issoufou Mahamadou qui, accompagné de certains proches de Bazoum, fera le déplacement pour entreprendre les pourparlers avec la garde présidentielle qui accepte de discuter. C’est alors que l’entourage de Bazoum fait publier une information sur l’imminence d’une opération militaire pour réduire la garde présidentielle. Retournement de la situation, le patron de la garde présidentielle, le Général Tiani revient à la charge et décide de s’emparer du pouvoir en gardant Bazoum entre ses mains. Issoufou Mahamadou a perdu les négociations. C’est peut-être de là qu’est partie la fameuse idée de prise d’otage qui a été propagée en premier lieu par la presse française. Bazoum est tombé, il est parti, après seulement deux ans au pouvoir. Une Présidence entre parenthèses qui aurait pu ne jamais exister.

Qui a crû un seul instant que Bazoum pouvait être président de la République du Niger ? Une seule personne, Issoufou Mahamadou. Par loyauté (la amana), par respect de la logique du parti, Bazoum est premier Vice-président du PNDS Tarayya et devait donc en toute logique, être le dauphin d’Issoufou Mahamadou, le président sortant.

En dehors de ces dispositions de principe, Bazoum n’avait aucune qualité pour être président. Si le premier, Issoufou Mahamadou avait la patience de supporter les gens et avait cette qualité d’écoute et cette humilité qui lui ont permis de coacher le parti et les relations du parti, Bazoum lui est plutôt connu pour son tempérament impulsif, rugueux et très peu conciliant. Ils sont deux personnalités connues au sein du parti pour leur violence verbale, leur discours dur et assassin : Bazoum et Hassoumi Massaoudou, le No3 du PNDS. Si Issoufou Mahamadou est connu pour sa générosité avec les militants, Bazoum lui cultive le côté chiche. Issoufou Mahamadou est discret, ne parle pas trop, plus porté dans l’action que dans les grands discours.

C’est toute une opposition de style entre Issoufou qui écoute et agit et un Bazoum qui écoute peu et parle trop sans agir. Bazoum parle avec délectation, il parle parce qu’il sait qu’il est un bon orateur. Sa science politique, c’est son art oratoire. Mais un art qu’il faut manier avec beaucoup de précaution. Bazoum en a abusé. En 2020, quand il était annoncé candidat PNDS Tarayya à la présidentielle, un observateur très avisé de la scène politique nationale a dit à son sujet que sa langue va le perdre ou peut-être même perdre le Niger.

Les bons diseurs ne font jamais les bons faiseurs

Cette sagesse toute africaine a pourtant échappé à beaucoup de gens autour de Bazoum. Tous ses soutiens ont bu les discours de Bazoum comme parole de hadith. Mohamed Bazoum sait parler, il manie langue française et a pu mystifier beaucoup de ses suiveurs qui sont tombés dans le panneau. Dès sa prise de fonction, il a multiplié les annonces, les déclarations et les rencontres. Et l’entourage, pris dans l’ivresse de discours de Bazoum, a déjà commencé les comparaisons avec l’ancien président Issoufou Mahamadou. Une erreur ou un acte délibéré ? Issoufou Mahamadou a aussi fait de la comparaison quand il était aux affaires, mais avec les régimes des autres partis politiques qu’il a remplacé. Mais entre Issoufou Mahamadou et Bazoum, il ne saurait y avoir de comparaison mais plutôt de continuité.

Bazoum a passé son temps à virevolter et à sautiller dans ses discours et n’a pas vu venir le coup qui l’a cueilli trop facilement, comme un fruit mûr. Une présidence ratée par un homme qui n’avait aucune compétence et aucune qualité pour être Président de la République.

 Sylvain Itté, la taupe de la diplomatie

À quelques distances de là, l’ambassadeur de France au Niger, Sylvain Itté est apparu comme une taupe en diplomatie. Le diplomate français n’a pas, non plus, vu venir le coup d’État du 26 juillet 2024. Mais en réalité, Itté n’a jamais rien vu. Des tentatives de putsch contre l’ancien Président Issoufou jusqu’à la tentative contre le président Bazoum, quelques jours seulement après son élection, les services français n’ont rien vu, ils n’ont jamais permis à l’ambassade d’être en alerte sur un putsch en préparation.

Un état de fait qui donne un autre aperçu sur la carrière de l’ambassadeur qui est tout, sauf un diplomate aguerri. Tout le contraire du diplomate froid, observateur souple et conciliant, traits caractéristiques d’un bon diplomate, Sylvain lui, est impulsif, très réactif qui s’est surtout illustré dans les bagarres et les empoignades en public à Niamey. Il n’a jamais pu détecter une situation pour préparer les dispositions pratiques à prendre.

Pas étonnant que son passage à Bangui en Centrafrique comme ambassadeur de la France a fini par le basculement de la Centrafrique hors du giron français. Pas étonnant que les deux hommes Bazoum Mohamed et Sylvain Itté s’entendent pour noyer leur incompétence. Le malheureux homme d’État et le malchanceux ambassadeur vont s’entendre sur une même ligne de défense sur l’attaque de l’ancien président Issoufou Mahamadou comme commanditaire du putsch du 26 juillet.

Quand Bazoum accuse Issoufou Mahamadou, il est dans la droite logique d’un principe qu’il a toujours évoqué lui-même : la volonté de la puissance. Qui Bazoum peut-il bien accuser d’autre qu’Issoufou Mahamadou, parce que c’est à cet homme d’État qu’il a toujours voulu se mesurer. Et c’est en affrontant Issoufou Mahamadou que Bazoum peut avoir l’illusion d’avoir grandi, c’est en se donnant Issoufou Mahamadou comme adversaire qu’il peut s’élever au dessus de sa condition de petit président et dont l’incompétence l’a conduit à perdre le pouvoir deux ans seulement après son élection.

Et Sylvain Itté est là pour aider Bazoum en mettant sur pieds un semblant d’arguments: la jalousie, Issoufou Mahamadou serait jaloux de Bazoum Mohamed comme le répètent à l’unisson les médias français sur directive du Quai d’Orsay. Comme si celui qui a tout réussi pouvait être jaloux de celui qui a tout échoué. Les réseaux de soutien à Bazoum sortent aussi un autre argument pour étayer l’implication d’Issoufou Mahamadou, la question de la manne du pétrole. Et contre toute attente, les investigations vont révéler une toute autre situation : ce sont les frères, les cousins, neveux ou oncles du Président Bazoum et de sa femme Hadiza qui sont à la tête de l’empire du pétrole. Avec les gros marchés de plusieurs milliards de francs CFA, le clan Saad, parents de Bazoum et les Mabrouk, famille de la première dame, sont les seuls capteurs des dividendes du pétrole. Et alors que son fils Mamane Sani Issoufou est ministre du pétrole, sur toute la liste des sociétés et consortiums du business du pétrole, il n’y a aucun proche du président Issoufou Mahamadou.

Plus il est gros, plus il passe

Le mensonge de Bazoum et Sylvain Itté rentre alors dans cette logique. Issoufou Mahamadou c’est ce qu’il leur faut pour être dédouanés de leur incompétence. C’est une accusation de taille qu’ils peuvent tenir longtemps pour ne pas paraître ridicules. Ils ont besoin d’un gros mensonge, en somme, d’une grosse couverture pour se draper et ne pas paraître tous nus dans leur incompétence.

Hama Amadou en embuscade

Mais cette accusation a surtout un intérêt politique. Elle remet en scelle Hama Amadou, l’ancien opposant au régime du PNDS Tarayya, le parti de Mohamed Bazoum et Issoufou Mahamadou. Dans les premiers jours qui ont suivi le putsch, les autorités militaires de Niamey qui ont pris le pouvoir n’ont pas jugé utile de retirer au président déchu ses appareils de communication. Aussi, Bazoum Mohamed était-il en liaison permanente avec ses proches, les autorités françaises et l’on pouvait aisément imaginer avec aussi le chef de file de l’opposition. Bazoum s’était rapproché de Hama Amadou à l’entame de son mandat, et certains acteurs politiques de Lumana, le parti de Hama Amadou, ont travaillé dans l’équipe de Bazoum. À coup sûr, les contacts entre les deux hommes, Bazoum Mohamed et Hama Amadou allaient être plus insistants après les évènements du 26 juillet pour converger sur l’accusation d’Issoufou Mahamadou. Tous ensembles ont désormais un intérêt commun, saisir l’occasion pour se débarrasser d’un homme politique qui fait obstacle.

Et pour Sylvain Itté, il faut s’appuyer sur un leader politique pour avoir la prise sur la scène politique du Niger et surtout pour se constituer le moment venu une carte à jouer. D’où ce concert d’accusations, animé par le réseau Bazoum et relayé en boucle par les activistes politiques proches de Hama Amadou. Pour Sylvain Itté, Hama Amadou est une pièce de premier choix. En exil en France au moment du putsch, l’ancien président de l’Assemblée nationale va rentrer au pays dans l’espoir de pouvoir se mettre au service des militaires qui ont pris le pouvoir. Mais aucune offre dans ce sens n’est encore venue du côté du CNSP. En désespoir de cause, Hama Amadou reprend son jeu favori, il va quitter le Niger sur la pointe des pieds et installe son QG à Abidjan en Côte d’Ivoire, où il reçoit ses militants et d’où il fait parvenir des instructions. À Paris, Sylvain Itté indique qu’il est toujours ambassadeur de la France au Niger. Et ce que l’ambassadeur français ne dit pas, c’est qu’il a besoin d’un homme de main. Ces derniers jours, la situation était tendue entre le Niger et le Bénin sur fond d’accusations d’actions subversives contre le Niger, perpétrées depuis le Bénin qui abrite un camp de base des soldats français et autres mercenaires africains. Hama Amadou quitte la Côte d’ivoire d’Alassane Ouattara et se met en embuscade au Bénin. De sources concordantes, on indique qu’il conseille le président béninois Patrice Talon, devenu le dernier chef de guerre contre le Niger.

La France et notamment les américains semblent tous miser sur le Bénin pour reprendre pieds au Niger. Et dans cette ligne de travail, qu’elle pourrait être la partition de Hama Amadou ? La question reste posée. Ce qui est sûr, c’est que le schéma global de l’accusation contre Issoufou s’inscrit dans cette convergence d’intérêts entre les différents grands acteurs: Bazoum pour se sentir mieux à l’aise et paraître plus costaud qu’il en a l’air véritablement, la France de Sylvain Itté dans le prolongement de l’action de déstabilisation ou de reconquête du Niger et Hama Amadou pour se constituer une carte à jouer pour la France ou les Etats Unis, le moment venu.

 Ibrahim Elhadji dit Hima