Comme pris par la danse de Saint-Guy, les activistes néo-panafricanistes pro-Alliance AES ne savent plus où se donner de la tête. À force de grand écart, ils ont fini par se déchirer en conjectures. Qu’est-ce que le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye va décider sur l’alignement de son pays, le Sénégal ?
Le pays de la Teranga va-t-il rejoindre l’Alliance des Etats du Sahel (AES) aux côtés du Mali, du Burkina Faso et du Niger ? Bassirou va-t-il se placer dans le quarté avec le Colonel Assimi Goïta, le Capitaine Ibrahim Traoré et le Général Tiani Abdourahmane ? Sera-t-il le premier Président de la République civil à prendre place dans une alliance composée exclusivement des juntes militaires ? Mais quid alors de la bonne logique des choses ?
Le président élu du Sénégal est le secrétaire général du Pastef, le parti panafricaniste sénégalais, dirigé par le très remuant Ousmane Sonko, recalé du suffrage présidentiel pour une supposée affaire de mœurs avec la nommée Adji Sarr. Une affaire qui a servi de prétexte au Président, encore en place, Macky Sall, qui voulait favoriser son poulain, Amadou Ba, pour engager toutes les manœuvres politico-judiciaires qui ont débouché sur l’incarcération de Sonko, alors qu’il était pressenti pour participer aux élections présidentielles de 2024. Mais contre toute attente, l’arrestation du candidat du Pastef, Ousmane Sonko va donner une dimension internationale à la crise.
Les rues de Dakar hurlent de partout, et à travers le monde, les activistes panafricanistes relaient la lutte du Pastef. Avec un discours musclé contre l’ancienne puissance colonisatrice, la France, et l’impérialisme occidental, Ousmane Sonko devient vite le porte-drapeau d’une jeunesse éveillée qui apprend à dire non à l’Occident, non à la monnaie héritée de la colonie, le franc CFA.
Ousmane Sonko, un leader généreux
La répression enfle dans toutes les rues de Dakar et les autres grandes villes du Sénégal. La détermination de la lutte s’intensifie aussi. Quand Sonko sera jeté en prison, à la suite des gigantesques manifestations politiques, le Pastef sera sur le point de perdre toute candidature aux élections présidentielles. À pieds levés, le parti va pourvoir au remplacement en sortant du chapeau, la candidature de Bassirou Diomaye qui remplacera celle d’Ousmane Sonko. Fait rarissime en Afrique. Un leader charismatique qui accepte de s’effacer pour faire place à son second.
Pour autant, Macky Sall n’a pas dit son dernier mot. Il fait adopter une révision du calendrier électoral qui reporte les élections à une date ultérieure. La crise politique et institutionnelle est à son paroxysme. Sur la scène internationale, la réforme introduite par Macky est présentée comme un coup d’État constitutionnel.
Dans les milieux antidémocratiques proches de l’AES, l’affaire Macky est du pain béni, on s’en donne à cœur joie. On critique le modèle démocratique sénégalais, les leaders panafricanistes comme Nathalie Yamb ou encore Franklin Gnamsi, proches des juntes militaires au Mali et au Burkina Faso multiplient les publications à la faveur d’un effondrement du Sénégal.
Les panafricanistes se frottent les mains, on attend un coup d’État au Sénégal d’un moment à l’autre et l’arrivée du Sénégal pour grossir l’Alliance anti démocratique. Mais comme il fallait s’y attendre, le peuple sénégalais et les institutions résistent et imposent le retour au calendrier électoral initial. Contre toute attente, Macky Sall se plie à la volonté de son peuple. Les élections sont maintenues à la date prévue par le calendrier. Première douce froide pour les panafricanistes.
Le 24 Mars, le scrutin présidentiel sénégalais donne le candidat du Pastef, Bassirou Diomaye Faye, victorieux dès le premier tour. Les panafricanistes de l’AES se précipitent avec des félicitations au candidat élu pour sauver la face, alors qu’ils attendaient le chaos. Tous se précipitent pour récupérer la victoire du parti panafricaniste sénégalais. Là-encore, ils se reprennent à rêver. Bassirou est un panafricaniste, il va faire entrer le Sénégal dans l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Une perspective qui ne manque pas de piment.
Comment peut-on l’envisager ? Fraîchement auréolé de son palmarès démocratique, le Sénégal peut-il prendre place aux côtés des soldats putschistes ? Même si Bassirou le voulait, est-ce que le peuple sénégalais et son armée allaient le lui permettre ?
Puis après, c’est l’éboulement. Dans son discours, le Président Bassirou est monté en épingle. Le leader panafricaniste parle de son intention de tout faire pour engager des discussions en vue de faire revenir les Etats de l’AES au sein de la CEDEAO. Scandaleux, hurlent les panafricanistes. Le président Bassirou a mal entamé son mandat, comment peut-il faire ça ? Comment peut-il oser parler du retour du Mali, du Burkina Faso et du Niger au sein de la CEDEAO ?
Ils en sont là, les néo-panafricanistes de l’AES sont pris dans cette grande danse de Saint-Guy. Décidément, le Sénégal leur donne du vertige. Et visiblement, ce n’est pas seulement lié à la victoire du Pastef, c’est aussi l’éloignement entre les modèles, toute la distance entre le Sénégal et les Etats de l’AES.
En attendant, c’est une claque retentissante, une belle leçon de démocratie que le Sénégal vient d’administrer aux soutiens des juntes militaires en Afrique.
Ibrahim Elhadji dit Hima