FILE - In this photo taken Monday, April 16, 2018, a U.S. and Niger flag are raised side by side at the base camp for air forces and other personnel supporting the construction of Niger Air Base 201 in Agadez, Niger. The U.S. says it has about 5,200 Africa Command personnel, troops and others, on the continent, plus about 800 other Department of Defense personnel. (AP Photo/Carley Petesch, File)

Bases militaires au Niger : la bonne piste de Seidik Abba

Dans des situations conflictuelles de crises, il faut surtout se garder d’interroger les foules, pour interroger l’histoire et les faits. Qui a fait venir les américains au Niger ? Les millions des nigériens qui traversent le Pont Kennedy depuis des décennies devaient avoir une réponse à la question. Les américains ne sont pas venus au Niger comme la France, ils n’ont pas colonisé le Niger. Ils sont venus dans le cadre d’une coopération qui a été très fructueuse depuis la construction du premier Pont qui a permis de relier les deux rives du fleuve Niger qui traverse la capitale en deux parties.

Par la suite, la coopération va s’étaler pour toucher d’autres secteurs, notamment militaires, avec les appuis en matériel, les dons des aéronefs, trois gros porteurs C130, engins blindés de guerre, formation des unités d’élites, etc. Tout cela a continué à se développer et à s’intensifier avec le développement de la situation nouvelle que connaissaient le Niger et les autres Etats voisins, notamment le Mali sur la question du terrorisme.

La question du terrorisme est une situation inédite, une situation qui jette le Niger dans une vaste situation d’interrogations existentielles. Mais pourquoi dans toutes ces questions liées aux bases étrangères, il n’y a de la part des intervenants aucune tentative de ramener le débat dans le contexte de la situation quasi insurrectionnelle qu’a connue le Niger à partir de l’année 2010 et les années après ?

Personne ne se rappelle plus aujourd’hui que le Niger a failli sombrer. La première alerte est venue de l’affaire du maquis le Toulousain. Quand Niamey s’est réveillée pour la première fois dans son histoire avec un acte terroriste, deux expatriés français Antoine De Léocour et Vincent Delory sont enlevés par des hommes armés qui ont fui avec eux en direction de la frontière malienne.

C’était dans la nuit du vendredi 7 janvier 2010. Les poursuites engagées par voie terrestre par la gendarmerie nationale du Niger et par air avec les hélicoptères français se solderont par la mort des deux expatriés français et trois gendarmes nigériens. De Paris à Niamey, c’était une ambiance de consternation générale. Ensuite, il y a eu cette affaire d’Areva, intervenue dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010 où cinq français ont été enlevés par des hommes en armes sur le Site minier de la Somaïr, exploité par Areva, devenu aujourd’hui Orano.

En 2010, le Niger était bousculé par la question d’insécurité. Et au niveau de l’État major des armées, c’est le branle-bas des opérations de combat et aussi de recherche des soutiens extérieurs dans une guerre qui s’annonce complexe.

Heureusement que le Niger n’a pas basculé par la Grâce du très haut Allah et avec les dispositifs qui ont commencé à être mis en place. Non loin du Niger, c’est le Mali qui va s’effondrer littéralement. Et un peu partout, on reconnaîtra aux autorités nigériennes d’avoir eu une approche sécuritaire toute différente de celle malienne. On saluera sans complexe le leadership du président nigérien de l’époque Issoufou Mahamadou.

Pour autant, la menace n’est pas écartée. Le 23 mai 2013, un double attentat suicide frappe la compagnie militaire d’Agadez et le Site minier de la Somaïr à Arlit. L’onde de choc est immense, surtout que l’attaque est menée par le tristement célèbre groupe terroriste qui a perpétré l’attaque d’In’amenass en Algérie.

Puis, le 1er juin de la même année, en plein cœur de la capitale, la prison civile a été la cible d’une attaque menée par des hommes armés. Le Niger n’a pas capitulé, il est resté debout. Voilà entre autres, l’ambiance d’où venait le Niger. Il était unanime en ces temps que le Niger devait trouver la coopération avec les pays qui ont les moyens militaires de la guerre. Il était question des armes de pointe, surtout la technologie des drones. Même la France à l’époque n’en avait pas et elle était obligée de se rabattre sur les services des drones américains. Voilà le contexte.

Et le premier jalon de cette présence militaire étrangère au Niger a été posé dans les années 2010. Les circonstances ont largement été détaillées dans cette œuvre du journaliste Seidik Abba, un fin connaisseur des questions sécuritaires au Niger et au Sahel et qui a traîné sa bosse au magazine Jeune Afrique et aux services de RFI.

Toutefois, il faut rappeler ici que contrairement à ce que laissent entendre les discussions sur les réseaux sociaux notamment, la présence des militaires américains au Niger s’inscrit dans le cadre d’un accord de coopération militaire. Ce n’est pas un accord de défense. Les deux choses sont totalement différentes. Les accords de coopération sont différents des accords de défense qui, eux, doivent être autorisés par le parlement. Alors que les accords de coopération ne passent pas devant l’Assemblée nationale comme veulent le faire croire certains intervenants. Peut-être à dessein, juste pour nuire ou dérouter l’opinion.

 Ibrahim Elhadji dit Hima

Extrait de l’ouvrage de Seidik Abba

Mahamadou Issoufou n’a pas ouvert le Niger ni à Barkhane encore moins à la France. C’est plutôt l’œuvre de Salou Djibo… l’Etat c’est une continuité : ������ ��������������� ������������������������ ������ ������́������������������������������ ��������� ������������������ ���������������̧��������������� ������ ���������������.

[…] Salou Djibo, le Chef de la junte, s’apprête à quitter le pays le 18 septembre dans la soirée pour se rendre à l’Assemblée générale des Nations unies à New York. La veille de son départ, le général Salou Djibo reçoit à sa résidence, le colonel Badié, N°2 de la junte, pour la passation des consignes. Les deux hommes sont rejoints un peu plus tard par le général Salou Souleymane, chef d’état-major des Forces armées nigériennes (FAN). Faut-il accueillir une force française permanente après l’enlèvement d’Arlit ? Faut-il seulement autoriser l’armée française à se ravitailler en carburant à Niamey et à survoler l’espace aérien nigérien ?

Après échanges d’arguments et analyse de la situation, les deux plus hauts responsables de la transition conviennent d’une position claire : pas de base militaire française au Niger.

Seul problème, le général Salou Souleymane s’est déjà entretenu de la question avec son homologue français, l’Amiral Édouard Guillaud, à qu’il a donné l’assurance que le Niger accordera une suite favorable à la requête française.

En effet, pour l’armée française, l’idéal pour se déployer, c’est Niamey. Selon une fiche établie par l’état-major particulier du président du CSRD, les Français ont avancé le souci d’une meilleure autonomie et de la discrétion pour s’installer à Niamey. A Paris, on met la pression pour obtenir du Niger la décision d’abriter la base. Devant l’instance française, une deuxième réunion sur le sujet se tient, le 18 septembre dans la soirée, dans les salons d’honneur de l’aéroport Diori Hamani de Niamey, peu avant le départ de Salou Djibo pour Paris, puis New York.

Entre-temps, le Premier ministre Mahamadou Danda et le ministre de la défense, le général Mamadou Ousseïni, ont été sensibilisés par Salou Souleymane, chef d’état-major général des FAN sur l’urgence de donner carte blanche aux forces françaises pour atterrir à Niamey. La décision est alors prise d’autoriser la France à positionner ses avions pour effectuer des vols de reconnaissance au-dessus de la zone probable de détention des otages. Le colonel Badié est chargé d’en informer oralement l’ambassadeur de France à Niamey Alain Holleville dans la nuit même. Ensuite, de lui confirmer la décision par écrit. Ce qu’il fit.

Comme s’il doutait que l’information allait être donnée, le chef d’état-major des FAN avait lui aussi téléphoné dans la nuit même à deux hautes personnalités françaises, dont l’Attaché militaire français à Niamey, Hervé Pilette. Il leur confirme le feu vert du Niger pour le déploiement des troupes françaises. Aussitôt dit, aussitôt fait.

La France déploie une importante force au Niger :

« 2 avions Breguet Atlantique avec 5 équipages, « 1 avion Falcone 50 avec 2 équipages ». Au total, 115 militaires français de tous grades ont été déployés au Niger pour participer à la traque des ravisseurs des employés d’Areva et de son sous-traitant Vinci. Pendant ce temps, côté nigérien, une cellule de crise est mise en place, sous l’égide du Secrétariat Permanent du CSRD, pour gérer le dossier des otages. La première réunion de la cellule convoquée le 19 septembre 2010 échappe de peu à l’échec total. Alors que les participants devaient se retrouver à la «Villa verte», épicentre du pouvoir CSRD, plusieurs d’entre eux sont aiguillés vers la Primature.

Selon le diplomate nigérien Aboubacar Abdou, participant à cette réunion, il y a eu pendant les discussions des « échanges très virulents entre le ministre de l’Intérieur Cissé Ousmane et le ministre de la Défense, le général Mamadou Ousseïni, et que les officiers auraient convenu de proposer au Chef de l’État, la destitution du ministre de l’Intérieur [à son retour de New York]».

La crise des otages crée donc une crise au sein de la junte. La situation restera en l’état jusqu’au retour à Niamey du général Salou Djibo, le 26 septembre 2010. Il trouve alors sur son bureau une fiche de son état-major particulier datée du 27 septembre. Celui-ci recommande la conduite à tenir dans la crise des otages : « Le positionnement des troupes françaises sur le territoire national nuit gravement à l’image du Niger en général et des Forces armées nigériennes (FAN) en particulier ».

En effet, il donne l’impression que les FAN sont incapables de faire face à la menace que constitue AQMI et qu’elles ont besoin du renfort de la France. La présence du détachement français au Niger ne se justifie plus et ne s’est d’ailleurs jamais justifiée. En effet, bien qu’il eût été évident dès les instants ayant suivi l’enlèvement que les otages avaient été conduits au Mali, les Français ont demandé à établir leur base à Niamey, prétextant y disposer d’une meilleure autonomie et de la discrétion requise.

Ainsi, il est urgent de convenir avec les Français d’une date pour mettre fin à ce détachement qui n’est plus fondé, en se référant à l’avis même du CEMA [Chef d’état major des armées] français qui a déclaré qu’une action militaire pour la libération des otages n’est pas à l’ordre du jour ».

Plus loin, le chef d’état-major particulier du chef de la junte de conclure : « La présence du détachement militaire français pose un préjudice sérieux à la souveraineté nationale ».

En effet, elle remet en question l’aptitude des Forces de défense et de sécurité à mener une quelconque lutte contre AQMI. En outre, cette présence dont le but premier était de mener des actions en mesure de participer à la libération des otages n’est plus pertinente avec la nouvelle attitude adoptée par les autorités françaises qui ont exclu la possibilité d’une opération militaire contre les preneurs d’otages. Enfin, pour éviter qu’à l’avenir, de telles situations ne se reproduisent, les autorités nigériennes doivent rediscuter avec les différents partenaires le mode de sécurisation des sociétés minières. Il serait plus convenable que ces sociétés contribuent véritablement, aux côtés de l’État, à la création d’une force spéciale pour la sécurisation des sites stratégiques. Cette force pourrait être construite avec l’esprit des forces spéciales et dotée des moyens aériens légers (Hélicoptères de combat et de reconnaissance, Drones armées et de reconnaissance, etc.). Cependant, toute cette démarche ne pourra donner de résultat probant sans une implication forte des services de renseignement qui, pour l’instant, méritent une restructuration profonde ».

La crise des otages restera le dernier acte de collégialité de la junte nigérienne. Moins d’un mois après l’enlèvement des 7 employés d’Areva et de son sous-traitant, le Secrétariat permanent du CSRD est supprimé le 10 octobre. Son titulaire, le colonel Abdoulaye Badié a été rétrogradé au rang de simple membre de l’instance dirigeante de la junte. Un autre acteur principal de la crise, le colonel Abdou Issa Sidikou est relevé de ses fonctions à la tête de la Garde nationale. Coup sur coup, le colonel Amadou Diallo est débarqué de son poste de Commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, puis de ses fonctions de ministre de l’Équipement. Tous trois seront, dans la foulée, arrêtés avec le lieutenant-colonel Amadou Boubacar Sanda pour «complot contre l’autorité de l’État» (en nombre 2010, ndlr).  Source Seidik Abba