L’arrivée au pouvoir des militaires le 26 juillet 2023, a favorisé le développement de l’expression d’un patriotisme que beaucoup qualifie de dévoyé. Pour cause, ce « patriotisme » fait d’exclusion, d’extrémisme et d’une absence de vision, rappelle à bien d’égard, celui porté par les mouvements d’extrême droite et de suprématistes blancs en occident.
Animés par des figures connus pour leur appartenance politique et/ou leur accointance avec des formations politiques, ces activistes se sont autoproclamés « patriotes ». Une appellation qu’ils refusent de partager avec quiconque n’est pas dans leur « camp ». Le patriotisme serait subitement devenu une marque déposée ; l’apanage des individus dont l’histoire est perlée d’actes qui n’ont rien de patriotique. Nul besoin de les ressasser ; l’opinion nigérienne ne les a guère oubliés.
Croire qu’elle a la mémoire courte constitue la plus grande erreur sur laquelle semblent miser nos « zozos » ou disons nos « patriotes frelatés » pour reprendre l’expression désormais consacrée et rendue populaire par leurs soins, il y a peu.
L’exclusion et la haine de l’autre
Ces mouvements qui existaient déjà avant le 26 juillet 2023 ont trouvé un terreau d’expression à compter de cette date, particulièrement à Niamey. Ils y ont trouvé une masse de sympathisants auxquels l’organisation républicaine a réussi à reléguer, jusque-là, dans les poubelles de l’histoire. Au lendemain du 26 juillet 2023, le besoin de soutien populaire des nouvelles autorités a ouvert une brèche dans laquelle se sont empressés de s’engouffrer les idéologues de cette conception dichotomique de la nation.
Pour les tenants de cette conception, le pays se divise en deux groupes : les leurs qui sont des patriotes et les autres décrits comme des ennemis de la patrie. Aucune nuance n’est permise. Nul besoin d’argumenter ou de raisonner si ce n’est pour répéter leurs idées en usant des phrases toutes faites.
C’est dans ses phrases qu’est diffusée la haine qui constitue le moteur de ce qui se prévaut du manteau du patriotisme. La manifestation de cette haine trouve son expression parfaite dans l’exclusion et le rejet de tous ceux qui pensent différemment. Le curseur est poussé plus loin avec la réfutation pour tous les citoyens qui ne sont pas de cette obédience du droit à participer à la vie de la nation et sa construction.
Tout se passe comme si les partisans de la nouvelle tendance de patriotisme sont les seuls citoyens à même de bénéficier de la protection de l’Etat ou d’être appelés à le servir. C’est qui est loin de refléter l’état de notre nation.
Ce sombre désir de consacrer une vision réductrice des choses dans la marche actuelle du pays doit être combattu.
La pluralité d’opinions ne peut être remise en cause
Il est admis que l’élan de la démocratie ne peut plus être arrêté. Son processus peut connaitre des suspensions, des difficultés dans sa mise en œuvre, mais nul ne peut à date imaginer un monde sans démocratie et la kyrielle des libertés dont celle d’expression dont elle est porteuse.
Ce ne sont pas les acteurs sociaux qui ont occupé l’espace public depuis le 26 juillet ainsi que les millions de citoyens qui n’ont de cesse à exprimer leurs opinions sur divers sujets qui seront prêts à y renoncer.
Cette liberté d’expression à laquelle les nigériens ont pris goût pour les plus vieux ; dans laquelle sont nés les plus jeunes ne saura s’arrêter nette. Même les coupures d’internet mobiles expérimentées par le passé n’ont réussi à faire taire cette frange de la population pour qui, les anciens repères des régimes dictatoriaux, auxquels semblent s’accrocher l’extrême droite nigérienne, ne sont que des mythes.
La mondialisation des flux d’informations que les avancées technologiques ont largement favorisées a offert un accès à la parole qui n’est plus contrôlée par les medias traditionnels. Celle-ci s’est démocratisée davantage dans notre pays avec la pénétration fulgurante de la téléphonie mobile et les plateformes de communications accessibles, faciles d’usage. Difficile de maintenir une chape de plomb sur une population dont plus de la moitié a moins de 35 ans.
Oumou Gado