L’économie nigérienne : 2024 comme année du dénouement et du rebond

Depuis la mi-2023, l’économie nigérienne est plongée dans une grande incertitude découlant des événements du 26 juillet. En guise de rappel, l’incertitude demeure l’une des choses les plus détestées en économie. En cause, le coût relativement exorbitant qu’elle peut engendrer pour un pays. Si les motifs invoqués pour justifier l’interruption du processus démocratique sont, à certains égards, discutables, il n’en demeure pas moins que l’impasse politique qui en résulte continue de laisser un goût amer pour le milieu économique.

L’une des raisons de ce constat réside dans le caractère inopiné de l’événement et donc sa non-anticipation par les acteurs économiques du pays.

En effet, contrairement au Mali ou au Burkina Faso, pays caractérisés par l’instabilité politique, la situation du Niger était relativement meilleure, sur de nombreux plans (économique, sécuritaire…) et affichait des perspectives encourageantes, malgré la persistance de certains risques.

Résultat, à cause du coup d’Etat, le Niger, jadis considéré comme une référence en matière de stabilité dans la sous-région, était devenu la « risée » du continent. Des sanctions d’une rare sévérité lui étaient imposées par ses partenaires, créant une situation « inédite » dans l’histoire contemporaine du Niger et accentuant les souffrances de la population, déjà meurtrie par de nombreuses crises.

Les perspectives en matière de croissance économique devraient également en pâtir de manière significative.

Selon la Banque Mondiale, « la croissance du PIB réel en 2023 avait été projetée à 6,9%, sur la base d’une performance moyenne de l’agriculture et d’une production pétrolière à grande échelle entrant en service à la fin de l’année.

Le coup d’État et ses conséquences ont considérablement affecté les perspectives de croissance. Si les sanctions et la pause dans le financement du développement international se poursuivent jusqu’à la fin de 2023, et si les performances agricoles sont légèrement inférieures à la moyenne, la croissance pourrait tomber à 2,3 % (-1,5 % en termes par habitant) ».

L’inéluctable sortie de crise

Radicalité. C’est le terme qui revient souvent depuis les événements du 26 juillet et qui témoigne de la détérioration des relations (diplomatiques, économiques, en matière de coopération sécuritaire …) entre le Niger et certains de ses partenaires traditionnels, à cause du changement de régime.

Si cette situation n’est guère souhaitable, de surcroît pour un pays enclavé comme le Niger, il n’en demeure pas moins qu’elle ne devrait s’éterniser en raison des enjeux relativement importants pour toutes les parties.

Conscientes de cela, les nouvelles autorités ne ménagent aucun effort pour maintenir les canaux de dialogues afin d’entrevoir une sortie rapide de crise.

Il y a en effet urgence et y va dans l’intérêt de toutes les parties. D’autant plus que ces dernières sont liées par divers liens.

De la culture à la géographie, en passant par l’économie, l’interdépendance reste très importante. Les récentes déclarations du ministre des Affaires étrangères sur l’avancée des négociations avec la CEDEAO nourrissent de l’optimisme quant au dénouement heureux de la situation.

À cela s’ajoutent les pressions exercées par certains Sénateurs nigérians mais aussi le message d’apaisement envoyé récemment par le Président du Bénin, S.E Patrice Talon, dans lequel il a exprimé sa volonté de « normaliser » les relations avec le Niger.

La levée des restrictions au niveau du Port Autonome de Cotonou sur les importations des marchandises vers le Niger, annoncée le 27 décembre dernier par sa direction générale, confirme cette quête d’apaisement et de normalisation et constituerait, par ailleurs, les prémices d’une levée très prochaine du blocus économique imposé au Niger par la CEDEAO.

Le rebond imminent

L’impasse politique que traverse actuellement le Niger serait comme un simple « accident » de parcours. Certes, c’est la cinquième fois que le pays est victime d’un coup d’Etat. Mais, à la différence des précédents coups, après lesquels le pays a péniblement rebondi, le Niger devrait, cette fois-ci, s’en remettre rapidement. En effet, il dispose de deux leviers essentiels, sans doute non exhaustifs, sur lesquels il pourrait compter pour dynamiser son économie. Le premier est relatif aux velléités de changement affichées par les nouvelles autorités consistant à gouverner différemment.

Autrement dit, rompre avec certaines pratiques du passé et ayant contribué à freiner l’élan et refroidir les fortes ambitions du pays. Eh oui ! Des pays ayant connu pire comme situation (guerre, famine…) ont réussi à se relever et se hisser parmi les pays à revenus intermédiaires, voire émergents, alors pourquoi pas nous ?! Et ces autorités pourraient compter sur le soutien indéfectible de la population qui semble prête à consentir de nombreux efforts et sacrifices pour sortir le Niger de l’ornière.

Quant au deuxième levier, il concerne, entre autres, le démarrage de la production et des exportations de pétrole à grande échelle et qui aurait des retombées considérables pour le pays. Selon la Banque Mondiale, « la croissance pourrait rebondir à 12,8% (8,7% par habitant) en 2024 et rester élevée, à 7,4% en 2025, si les éléments suivants se produisaient en 2024 : (i) levée des sanctions en début d’année ; (ii) démarrage de la production et des exportations de pétrole à grande échelle ; (iii) reprise du financement international du développement ; et (iv) performances correctes de l’agriculture.

L’inflation pourrait tomber à 4% en 2024 et à 3% en 2025 à la suite de la levée des sanctions et de la modération de l’inflation alimentaire.

Avec une croissance robuste du PIB par habitant et une inflation plus faible, le taux d’extrême pauvreté devrait progressivement diminuer de 5,4 points de pourcentage, pour atteindre 38,7% en 2025, et le nombre de pauvres absolus pourrait diminuer pour atteindre 11,3 millions de personnes, ces projections dépendant essentiellement des politiques qui transmettent les rentes pétrolières et gazières à l’ensemble de la population, et en particulier aux populations défavorisées.

Avec le début des exportations du pétrole, le déficit de la balance courante devrait se réduire de manière significative à moyen terme. L’augmentation des recettes pétrolières et les mesures visant à améliorer les recettes non pétrolières soutiendraient un assainissement budgétaire à moyen terme (…) ».

Le Niger est indubitablement plus fort lorsqu’il fait front commun

Malgré les sanctions commerciales de la CEDEAO (sans exemptions) ainsi que la fermeture des frontières qui réduisent considérablement les exportations (y compris les exportations de pétrole et l’uranium) et les importations (denrées alimentaires, électricité), y compris avec les pays non-membres de la CEDEAO, les sanctions financières mises en œuvre par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), notamment le gel des comptes du gouvernement et des entreprises publiques, la perte d’accès aux guichets de liquidité à long terme et au marché régional de la dette, associées à une réduction significative de l’aide budgétaire extérieure et du financement de projets par les partenaires de développement, le Niger continue de tenir, en partie, grâce à la résilience de son Peuple. Cette dernière n’étant pas « éternelle », il incombe à présent à toutes les parties prenantes d’œuvrer en « bonne intelligence » pour une résolution rapide de la crise politique et rétablir la confiance mutuelle.

En attendant, les Nigériens et Nigériennes doivent continuer à unir leurs forces par-delà les clivages pour trouver des solutions communes, mener des actions visant à redresser le pays et veiller à l’instauration d’une gouvernance vertueuse et qui profite à tout le monde. Ainsi, 2024 sera l’année du rétablissement de la confiance, du rebond et de l’espoir.

Adamou louché Ibrahim

Economiste