Niger/Situation politique: Les harkis de l’entourage Bazoum

Un texte explicatif circule depuis le dimanche dernier et qui voudrait justifier les raisons du refus par Bazoum de donner sa démission des suites de l’irruption de l’armée qui a renversé son régime. Il est signé par son ancien directeur de cabinet adjoint, Dany Takoubakoye. Refus de signer selon lui non pas par un attachement ou une certaine crispation autour du pouvoir mais par attachement à la démocratie, pour donc mener un combat contre les militaires. Pour qu’enfin de compte, ce putsch intervenu au Niger soit le dernier. Tout un programme.

Ce qui est sûr, c’est qu’en attendant que cette prophétie se réalise, toute cette fraction d’acteurs politiques autour de Bazoum et déployés à l’extérieur du pays ne luttent que pour la France parce que c’est elle qui donne la cadence, c’est elle qui donne les consignes. Et c’est peut-être aussi elle qui supporte les pensions alimentaires de ces bazoumistes en passe de devenir les nouveaux harkis de la lutte d’indépendance du Niger.

Pour cerner la chronologie des faits, il est important en effet de rappeler que cette idée de démission n’est pas de Bazoum. Bazoum ne l’a pas inventée, cette référence à la démission est une trouvaille de la France qu’elle a pendue au cou de Bazoum et qui désormais la porte comme une croix.

 Bazoum, le martyr de la démocratie ou plutôt l’otage de la France ?

En démocratie, on ne parle pas de coup d’État et en coup d’État, on ne parle pas de démission. Le coup d’État est un pouvoir de fait, ce n’est pas une affaire administrative, ce n’est point une procédure réglementaire. D’où vient alors cette idée de démission? Le coup d’État intervenu au Niger contre le gouvernement de Bazoum Mohamed est une irruption de l’armée qui a mis un terme à un processus démocratique en marche. À cette irruption de l’armée le 26 juillet 2023, il y a eu dans les instants qui ont suivi une autre irruption, celle de la France. Oui, la marque principale du putsch de Tiani, c’est l’implication de la France dans la géopolitique des évènements. Dès la prise du pouvoir par la junte militaire, très vite les médias français en concertation avec l’ambassade de la France au Niger et le Quai d’Orsay ont pris en main le putsch au Niger et lui ont tout de suite imprimé des tournures et des lexiques étrangers à un coup d’État.

 La question de la démission

C’est ainsi que l’opinion nationale apprend, l’air quelque peu médusé, que le Président Bazoum, pour l’instant, n’a pas encore signé sa démission. « Signer sa démission », voilà désormais un vocable nouveau qui fait son apparition dans le management des coups d’État, version française. On est donc là à attendre d’un moment à l’autre les formalités administratives de signature de sa démission. Le Niger est suspendu à cette annonce. Dans les fadas, on s’interroge « est-ce que Bazoum a signé ? ». Les médias français, puis locaux reprennent le relais, toujours dans la même lancée.

Dans l’entourage de Bazoum et avec bien sûr la connexion française, on construit une légende : « Bazoum a refusé de signer sa démission, Bazoum résiste courageusement, Bazoum mène une lutte pour la démocratie, et ainsi de suite…. » Avec des insinuations même sur Issoufou Mahamadou qui, a en croire l’entourage de Bazoum, aurait fait des démarches et des pressions pour obtenir de Bazoum qu’il « signe sa démission ». Bazoum a refusé de céder. Au plus fort de cette hérésie lexicale, le gouvernement français va jusqu’à annoncer que l’option d’une frappe militaire est maintenue contre le Niger et qu’elle va se faire tant que la junte restera au pouvoir et que la France ne reconnaîtra aucune signature de démission parce qu’elle serait obtenue sous pression. Signature de sa démission ?

Mais personne ne s’est posé la question de savoir c’est quoi une signature de démission dans le schéma d’un coup d’État. Lorsqu’une armée, par la force, renverse un régime, qu’est-ce-que la procédure d’une démission vient chercher, cette démission est prévue dans quel chapitre de la constitution, ou dans quel règlement administratif et qu’elle est l’autorité légale ou légitime qui reçoit cette démission ? Autant de questions sans réponses. Mais d’autres questions plus essentielles encore restent toujours sans réponse. La junte militaire, à travers le CNSP a-t-elle écrit une note de demande de démission adressée à Bazoum Mohamed ou c’était juste une demande verbale ? L’ancien Président de la République, Issoufou Mahamadou, a-t-il effectivement demandé de manière explicite une signature de démission de la part de Bazoum ? Ni le CNSP ni Issoufou Mahamadou, personne encore n’a confirmé une telle demande.

 La ruse française

Cette affaire de signature n’a jamais été invoquée dans tous les putschs qu’a connu le Niger ni dans aucun autre putsch ailleurs. C’est une ruse de la France qui, tout de suite, s’est placée dans le jeu, parce qu’elle a compris que le putsch du 26 juillet, c’est aussi un putsch contre sa présence au Niger. Et la France a vu juste. Elle n’a pas eu besoin de son service de renseignement, elle n’a pas besoin d’être aidée pour comprendre qu’il va être question dans le putsch du Tiani de la demande de son départ. C’est vrai qu’il y a eu des propos selon lesquels le général Tiani aurait effectué un séjour secret en Russie ou encore qu’il aurait eu des contacts avec des officiels russes, que c’est sur la base des contacts qu’il aurait entrepris de renverser Bazoum Mohamed.

Il faut dire qu’au-delà de toutes ces spéculations, il y a un contexte général qui ne joue pas en faveur de la France. Chassée en Centrafrique, expulsée du Mali, boutée hors du Burkina, la France a vite anticipé son départ du Niger. La France a lié son destin à celui de Bazoum, et c’est par cette ruse politique qu’elle est parvenue à s’installer confortablement dans la crise du Niger, allant jusqu’à rédiger des correspondances en direction de l’extérieur et qu’elle fait signer à Bazoum Mohamed. Autres éléments de la ruse française, c’est cette ligne de conduite adoptée suivant laquelle elle dit ne reconnaître aucune autre autorité nigérienne, que la seule autorité légitime du Niger, c’est lui, c’est Bazoum Mohamed. Et dans le même temps, pour rassurer Bazoum, pour le conforter dans sa posture, la France fait son marketing politique : « il est en train de résister courageusement », martèlent les officiels français à chacune de leurs interventions sur les médias. La France va déployer une batterie d’actions dans toutes directions pour faire reculer la junte militaire nigérienne. Elle lance la CEDEAO sur le pied de guerre contre le Niger, toutes les frontières d’échange avec l’extérieur sont fermées avec les pays de la CEDEAO, l’union européenne est mise à contribution, les accords financiers gelés, les banques sommées de bloquer tous les décaissements, les réunions se multiplient avec tous les partenaires pour coincer la diplomatie du Niger, la France veut faire dans la guerre éclaire pour intimider les putschistes nigériens et parvenir à ramener Bazoum. Mais en réalité, la France cherche à se maintenir au Niger.

Et avec cette offre de réalisations, la France a réussi à amadouer Bazoum et son entourage qu’elle a amené à avaliser un scénario qui, aujourd’hui, s’apparente à un suicide collectif

 Logique du suicide

« Il résiste courageusement, il refuse de signer sa démission, il a été pris en otage parce qu’il mène courageusement des réformes… », toute cette campagne publicitaire que conduit la France avec grand tapage sur Bazoum n’est que ruse et stratégie pour le piéger, lui et tout son entourage. Toute cette équipe aujourd’hui ne travaille que pour la France, pour son retour au Niger. Et la restauration de Bazoum n’est qu’un bonus, mais la principale raison de l’activisme de la France, c’est sa présence au Niger. Ces acteurs politiques éparpillés aux quatre coins du monde ne travaillent que pour ça sans le savoir, pas directement pour le retour de Bazoum mais pour le retour de la France.

Des personnalités très intelligentes et très expérimentées comme Ouhoumadou Mahamadou, des brillants esprits comme Hassoumi Massaoudou, Ibrahim Yacouba, l’hegérie de la lutte politique PNDS Tarayya, Aichatou Kané dite Guimbiya, sont sans doute conscients du piège qui se referme sur eux, et pourraient peut-être quêter avec angoisse la sortie de ce traquenard.

Un homme d’un grand âge comme Ouhoumoudou qu’est-ce qu’il peut bien attendre qu’une retraite tranquille à élever ses petits enfants. Un responsable comme Hassoumi Massaoudou a-t-il encore les ressources pour courir les frontières ? Un avenir politique plein de potentiel comme celui d’un Ibrahim Yacouba peut-il être définitivement compromis dans cette entreprise française ? Ce doit être là, autant de questions angoissantes qui peuvent hanter l’esprit de cette nouvelle diaspora politique. Et des questions qu’ils doivent vite trancher pour rentrer au pays et affronter leur destin national en toute responsabilité. Ou bien opter pour un choix suicidaire qui les confinerait dans la même situation que les harkis algériens. Ces harkis qui avaient été aux côtés de la France contre leurs frères algériens pendant la lutte de libération de l’Algérie en 1962. Avec la victoire du peuple algérien, la France a été obligée de ramasser ses harkis et de les amener avec elle. Toute cette cavalcade des responsables politiques nigériens proches de Bazoum va-t-elle un jour finir ou bien ils vont finir leur carrière comme des harkis au frais de la France ? Peut-être qu’ils attendent une main tendue du Général Tiani. Le CNSP doit lancer un appel dans ce sens pour sauver les soldats perdus.

 Ibrahim Elhadji dit Hima