Dans divers quartiers de Niamey, il n’est pas rare de constater, juste à la devanture des concessions, des fosses septiques érigées et ne respectant aucune réglementation en la matière. Or, d’après le code d’hygiène et d’assainissement de la République du Niger, il est interdit de construire une fosse septique à l’extérieur d’un ménage jusqu’à ce que la dalle soit visible. Qu’est ce qui explique alors cette négligence qui n’est pas sans danger sur la santé aussi bien que sur l’environnement ?
Construire des fosses septiques à l’extérieur des concessions semble être à la mode dans pas mal de quartiers de la capitale.
En réalité, beaucoup feignent d’ignorer le danger auquel ils font courir le voisinage, les enfants et même l’environnement. Comme l’explique M. Sani Ayouba, Directeur exécutif de JVE Niger (Jeunes Volontaires pour l’Environnement), « l’installation anarchique des fosses septiques dans les quartiers, constitue un danger pour la communauté et est source potentielle de maladies hydriques, notamment chez les enfants ». Plus loin, alerte-t-il, « cela peut également contaminer la nappe phréatique, surtout lorsqu’on construit un puits ou un forage à proximité de la fosse.
Certes, des raisons telles que la pauvreté, le manque d’espace ou encore l’ignorance sont souvent évoquées pour justifier une telle négligence. Toutefois, c’est sans compter le danger que représentent ces fosses septiques érigées à l’extérieur des concessions.
C’est le coup de gueule de Soumaila Boukari, acteur du développement, qui pointe du doigt l’urbanisation anarchique de la ville de Niamey qui fait que tout le monde fait ce qu’il veut. Et d’ajouter que c’est ‹‹ nous-mêmes qui ramassons les pots cassés avec le paludisme, le choléra, la diarrhée et d’autres maladies hydriques ››.
C’est à ce titre que Hassane Ilhiji, agent de l’État, tente d’interpeller les municipalités afin qu’elles prennent des dispositions pour aider les ménages à revoir cette situation. Mieux, il est question, « d’intensifier les campagnes de sensibilisation sur l’utilité des fosses septiques, mais aussi sur l’importance des pratiques d’hygiène et d’assainissement de base », insiste Sani Ayouba de l’ONG Jeunes Volontaires pour l’Environnement (JVE Niger).
Que dit la loi ?
Au Niger, il n’y a pas du tout de vide juridique en matière de construction de fosses septiques dans les ménages. Même si l’on observe un laxisme béant dans l’application des textes, il existe bel et bien un code d’hygiène publique qui date de 1993.
D’après l’ordonnance n°93-13 du 2 mars instituant un code d’hygiène publique, en son article 14: ‹‹ il est interdit de construire des puits perdus, des puisards, des fosses septiques ou tout autre ouvrage d’assainissement individuel en dehors de la propriété, à moins de bénéficier d’une autorisation spéciale des autorités compétentes ››.
En clair, à la lumière des textes, beaucoup sont simplement en porte-à-faux avec la loi. Car en interdisant la construction de fosses septiques à l’extérieur des maisons, la loi a également prévu des punitions pour les contrevenants.
Selon le chef service Hygiène et Assainissement de l’arrondissement communal Niamey 2, M. Labo Moutari, aucune fosse septique ne doit être autorisée à l’extérieur d’un ménage, jusqu’à ce que la dalle soit visible. ‹‹ Même pour les ménages, avant de faire une fosse dehors, cela doit suivre une procédure en commençant par une demande, suivie d’une visite terrain effectuée par le service d’hygiène et assainissement de la mairie ››. L’objectif de cette visite terrain, dit-il, est de savoir si les raisons avancées telles que l’espace, l’environnement interne de la maison ou encore l’état de dégradation sont valables ››.
Ce n’est qu’après le rapport terrain qu’un avis qui peut être ‹‹ favorable ou défavorable est donné selon les cas ››, a fait savoir Labo Moutari, chef service Hygiène et Assainissement de l’arrondissement communal Niamey 2, avant d’ajouter qu’en cas d’avis favorable accordé par le maire ou son SG, pour la construction de la fosse septique à l’extérieur de la maison, il faut que les travaux soient suivis et accompagnés par le service d’hygiène de la mairie, jusqu’à la finalisation.
À ce stade, l’on est en droit de se demander pourquoi tant de laxisme de la part des autorités municipales, cela en dépit de l’existence du code d’hygiène qui réglemente la construction de fosses septiques au Niger.
Le code d’hygiène publique en son article 120 dispose que : ‹‹ l’action publique en matière d’infraction à la réglementation de l’hygiène publique se prescrit par trois (3) ans en matière de délit et par un (1) an en matière de contravention. Ce délai court à partir de la notification du procès verbal constatant l’infraction ››.
Toute chose qui doit interpeller les citoyens à se conformer aux textes réglementaires.
Mais ‹‹ malheureusement, avec l’avènement de la démocratie, les politiques qui deviennent des conseillers municipaux, préfèrent protéger leur électorat plutôt que de le voir subir la vigueur de la loi ››, s’inquiète Labo Moutari du service Hygiène et Assainissement de l’arrondissement communal Niamey 2. C’est ce qui fait que lorsqu’une personne enfreint la loi, c’est le conseiller ou le maire lui-même qui demande qui fait obstacle à l’application de la loi.
Comme on le voit, la loi est là, mais c’est son application qui pose des sérieuses difficultés.
Du reste, il importe que chacun joue sa partition pour qu’enfin les textes soient traduits en application. Plus loin, les organisations de la société civile et les brigades d’hygiène doivent organiser des visites à domicile, pour sensibiliser sur l’utilité et l’entretien des fosses septiques comme le recommande, le Directeur exécutif de JVE Niger, Sani Ayouba.
Koami Agbetiafa