Insécurité au Sahel :   Vrai faux procès autour du discours incompris du Général Abou Tarka

La Journée Nationale de la Concorde a été célébrée le 24 avril 2023 à Tchintabaraden, une ville située dans le septentrion nigérien à plus de 125 km de Tahoua soit à plus de 662 km au nord-est de Niamey. La cérémonie de lancement de ladite journée a été marquée par plusieurs interventions notamment celle du président de la Haute Autorité à la Consolidation de la Paix (HACP), le Général Mahamadou Abou Tarka. Celle-ci fera date dans les annales de l’histoire des célébrations de la fête de la Concorde Nationale car elle a réussi à faire le buzz et provoqué un concert de désapprobation du côté des maliens, burkinabé et pas que : de certains nigériens et des citoyens d’autres Etats africains.

Le discours prononcé par le Général Abou Tarka a, par son fond et sa forme, fait sortir la Journée de la Concorde de l’ordinaire des commémorations précédentes, commémorations qui, en général, se résumaient à des interventions courtoises des uns et des autres, des forums pour renforcer davantage la paix entre les communautés et de multiples prestations artistiques mettant en exergue le riche patrimoine culturel nigérien.

Le président de la HACP a courageusement dit haut ce que le plus grand nombre pensent tout bas, notamment au sujet de la situation sécuritaire préoccupante dans certains pays du Sahel, des pays voisins au nôtre : Burkina Faso et Mali.

Dans ces deux pays avec lesquels nous avons en partage la zone dite des ‘’3 frontières’’, plus de la moitié de leurs territoires respectifs est sous occupation des groupes armés terroristes. La situation sécuritaire dans les deux pays a atteint des proportions si inquiétantes qu’elle a fini par servir de prétexte aux militaires locaux pour s’emparer du pouvoir.  Dans chacun des deux pays, les militaires putschistes ont montré à l’épreuve du temps leurs limites face au terrorisme. En rien ils n’ont pu faire mieux que leurs prédécesseurs civils, des présidents élus suite à des élections libres et transparentes.

D’ailleurs, ils en ont fait pire : non seulement ils ont chassé de leur pays les militaires français qui, depuis des années, se battaient à leurs côtés contre les terroristes, mais aussi ils ont fait appels à des milices privées russes pour les aider à mettre fin aux attaques terroristes. Lesdites milices privées, il faut le préciser, ne font point de distinguo entre paisibles citoyens et terroristes, se font payer à prix d’or leurs prestations sécuritaires et n’hésitent pas à commettre ce qui, sous d’autres cieux, serait qualifié des crimes de guerre. En tout état de cause, la présence des mercenaires russes n’a, en rien, servi d’aide aux militaires au pouvoir, la situation sécuritaire au Mali et au Burkina Faso s’est, par contre, davantage dégradée, poussant certains soldats à commettre des massacres contre leur propre population.

Le dernier en date est celui commis le 20 avril 2023 contre les habitants de Karma dans le nord du Burkina Faso où au moins 147 personnes ont été tuées.

Une véritable barbarie commise par des hommes en armes que les rescapés ont identifiés comme étant des soldats de l’armée régulière. Un acte unanimement condamné et assimilé à un crime de guerre dont les auteurs sont passibles d’être déferrés à la Cour Pénale Internationale (CPI). Au sommet de l’Etat, on rassure qu’une enquête serait ouverte pour identifier et punir les auteurs. Dans une telle situation qui, apparemment, échappe aux militaires au pouvoir, le réveil risquerait d’être brutal, pour parler comme le Général Mahamadou Abou Tarka lors de son intervention pendant la cérémonie de lancement des festivités entrant dans le cadre de la célébration de la Journée Nationale de la Concorde à Tchintabaraden.

« Dans leur fuite en avant pour garder un pouvoir arraché de force, les juntes malienne et Burkinabé se sont isolées de la communauté internationale et ne reçoivent plus aucun soutien. Ni miliaire, ni financier. Elles se gargarisent de slogans creux et font la guerre à coup de communiqués mensongers et de propagande sur les réseaux sociaux. Le réveil n’en sera que plus douloureux », a-t-il fait savoir.  Les propos du président de la HACP ne sont que pure vérité au regard du populisme qui caractérise les interventions sur les réseaux sociaux, les médias et autres tribunes des militaires et leurs ‘’vas-y dire’’ tapis à l’ombre d’une certaine société civile, de certains syndicats et autres postes où ils se servent grassement sur le dos des contribuables burkinabé. « Pour notre part, a martelé le Général Mahamadou Abou Tarka, le Président de la République, a fait le choix de faire appel à nos alliés, français, allemands, américains, italiens, espagnols, mais aussi nos alliés africains au sein de la CEDEAO et de l’UA, des Nations Unies. Tous se mobilisent à nos cotés, sous notre direction. Ceux ci comprennent aussi que c’est à nous de mener cette guerre, ce n’est pas leur guerre, ils viennent seulement en soutien, là où nous en avons besoin. Si nous échouons, l’échec sera essentiellement le notre, et non celui de nos alliés, si nous réussissons à protéger notre pays et à le reconstruire nous l’aurons fait en toute souveraineté ».

Le Niger, bien que frappé par l’hydre terroriste tout autant que ses voisins, se démarque d’eux grâce à la volonté politique de ses dirigeants, la collaboration sans faille de ses communautés et une gouvernance particulière de ce qui est en lien avec la sécurité de son peuple. En effet, la stratégie du Niger pour mettre fin au terrorisme, a souligné le Général Abou Tarka, « comporte un volet militaire, un volet sécuritaire, administratif et judiciaire, un volet de dialogue politique et un volet économique ».

Pour le président de la HACP, « la guerre que nous impose le terrorisme est un combat difficile qui ne peut pas être mené seulement par les Forces Armées. C’est pourquoi, l’approche que nous mettons en œuvre au Niger est une approche globale qui s’attaque aussi aux causes sous jacentes du terrorisme que sont la pauvreté mais aussi les sentiments d’exclusion et d’injustice prévalant dans certaines de nos communautés que l’histoire a mis dans les périphéries frontalières de nos états ». Il a fait savoir que c’est grâce à notre « culture d’ouverture, de tolérance, prompte à accepter l’intégration et à privilégier l’inclusion, que nous pouvons aujourd’hui, devant les défis posés par le terrorisme insurrectionnel, envisager des portes de sortie, autres que l’utilisation exclusive de la violence légitime de l’Etat contre les groupes terroristes ».

Ce qui n’est vraiment pas le cas de l’autre côté de nos frontières, au Mali et au Burkina Faso.

« Mais, exhorte le Général, il faut que chacun et chacune de nous se convainc, a-t-il laissé entendre, que l’heure est grave pour notre pays. Nous devons changer d’attitude, moins regarder nos intérêts égoïstes et nous intéresser davantage aux sorts de nos paysans, de nos éleveurs, de notre jeunesse ». Quoi de plus normal pour un nigérien patriote, soucieux de l’unité de ses compatriotes, de l’intégrité du territoire de son pays et de la sécurité de ses concitoyens, de tenir de tels propos. Les propos du général n’ont rien de provocateurs, ils ne sont qu’un appel lancé aux maliens, aux burkinabé et autres citoyens africains frappés par l’insécurité afin qu’ils se ressaisissent, pour sauver les meubles, laisser une ouverture à ceux qui veulent les aider, ne pas céder au populisme creux dont le seul aboutissement est de protéger les militaires usurpateurs du pouvoir et thuriféraires de la démocratie.

Les invectives et la haine sont des actes irréfléchis qui ne peuvent que servir davantage les terroristes car ces derniers, s’ils n’ont en face d’eux que des peuples et pays divisés, leur victoire ne sera que plus facile. Il faut que maliens, burkinabé et nigériens fassent de ce conseil de l’ancien président Issoufou Mahamadou le leur, un conseil qui vaut son pesant d’or dans la situation actuelle qui est la nôtre au Sahel : « l’histoire nous enseigne qu’on est toujours vaincu par sa propre faute et toujours victorieux par la faute de l’adversaire. La plus grave des fautes, c’est la division. Retenez cette leçon de l’histoire. Ne l’oubliez jamais, jamais, jamais !!!! ».

Actuellement, ce sont les terroristes qui profitent de la division au sein des pays du Sahel. Pourtant, ces derniers étaient unis, ensemble avec de nombreux partenaires, sur la voie de vaincre le terrorisme. Ils étaient unis au sein du G5 Sahel, ce créneau qui, sans l’irruption des militaires putschistes à la tête de certains Etats, allait les conduire à la victoire face au terrorisme.

Bassirou Baki

 

 Niger Inter Hebdo N°108 du mardi 2 mai 2023