La presse fait très peu cas de la vie des hommes et des femmes au sein de la grande muette. Le secret-défense oblige. Tout se passe comme s’il fallait faire l’impasse sur la vie des soldats qui sont tenus au respect strict de la discipline militaire. Pourtant, tout n’est pas rose pour la gent féminine au sein des Forces de défense et de sécurité. Viol, harcèlement sexuel, conditions de vie difficiles constituent le calvaire de certaines femmes soldats. C’est le moins qu’on puisse dire, à en croire certains témoignages à nous confiés.
Un survol du règlement de la discipline générale dans les Forces armées, même dans sa dernière version, celle de juillet 2022 conforte l’idée selon laquelle l’armée est une institution très conservatrice. Loin de nous de voir en cela une faiblesse. Bien au contraire. « La discipline fait la force des armées ici et ailleurs », dit-on.
« Sauf dispositions spécifiques, le personnel féminin des Forces Armées a les mêmes droits, les mêmes devoirs et les mêmes obligations que le personnel masculin », peut-on lire dans les dispositions générales du Décret N°2022-613/PRN/MDN du 29 juillet 2022 en son article 2.
Il n’y a rien à redire. C’est le principe d’égalité inhérent à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1789 qui stipule que : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Et le principe d’égalité du genre en vogue ne demande pas plus que le respect de cette disposition.
A propos du mariage, il est écrit à la Section I, Article 4 : « Conformément à l’article 19 de la loi n° 2020-065 du 03 décembre 2020, portant statut du personnel militaire des Forces Armées, le mariage du personnel féminin est soumis à une autorisation préalable :
- Du Chef d’Etat-major de l’Armée de Terre ou Chef d’Etat-major de l’Armée de l’Air pour les militaires du Rang ayant au moins trois (3) ans de service à compter du premier engagement ;
- Du Commandant de la Gendarmerie Territoriale ou de la Gendarmerie Mobile pour les Gendarmes ayant au moins trois (3) ans de service ;
- Du Chef d’Etat-major des Armées ou du Haut Commandant de la Gendarmerie Nationale pour les Sous-officiers ayant au moins trois (3) ans de service ;
- Du Ministre chargé de la Défense pour les officiers ayant au moins trois (3) ans de service. »
Il importe de préciser que même pour le personnel masculin, le mariage d’un soldat est objet d’autorisation préalable et à enquête de moralité. Sauf que les filles comme les garçons soldats se plaignent de la rigueur pour l’obtention de ce quitus pour se marier. Pire, les filles courent beaucoup plus de risques de se retrouver radiées et jetées en pâture.
Selon l’Article 9: « La naissance d’un enfant hors mariage du personnel militaire féminin entraine la radiation du personnel concerné des contrôles des effectifs des Forces Armées ». Là aussi, il n’y a rien à redire puisque ça fait partie du code de discipline militaire.
Il y a par contre des cas qui méritent d’attirer l’attention des autorités militaires. En effet, des filles soldats mariées non officiellement sont systématiquement radiées et jetées en pâture. Il y en a des femmes soldats qui ont donné toute leur vie et expérience à l’armée et d’un seul revers, elles sont éjectées. Une victime nous a même confié qu’elle a été radiée bien qu’elle aurait avisé sa hiérarchie sur son mariage religieux.
Une source voit en ces radiations comme l’expression de la méchanceté des hommes qui apparemment se permettent de radier leurs sœurs soldats pendant que religieusement elles sont mariées, apprend-on.
A notre humble avis, dans le contexte nigérien majoritairement musulman, le mariage religieux légitime les enfants issus d’un couple. Il importe de tenir compte du contexte, si tant est qu’on voudrait que les filles intègrent la grande muette.
Loin de nous de susciter une polémique mais selon certains témoignages, il y a lieu de demander une sorte de discrimination positive pour nos sœurs en uniforme. Et à commencer par les conditions de vie décentes et la prise en compte du mariage religieux.
En effet, comme chacun sait, la fille a des besoins spécifiques à comparer avec le garçon. Les primes accordées aux soldats sont loin de permettre la prise en charge du minimum vital pour les filles soldats, ce qui les expose à de fortes tentations dans leur carrière. Le père de H.A, fille mère soldat qui vient d’être radiée ne comprend pas la rationalité du règlement militaire. Comment protéger les filles soldats et leurs carrières ? La question reste posée.
Elh. M. Souleymane
Niger Inter Hebdo N°104 du mardi 7 Mars 2023