Limitrophe avec le Bénin, qui abrite notre principal corridor maritime, et avec le Nigéria, le département de Gaya (région de Dosso) joue un rôle très stratégique pour le développement socioéconomique de notre pays. Du fait de sa position géographique, il n’est malheureusement pas épargné par l’insécurité multiforme qui affecte plusieurs régions de notre pays. Comment se présente la situation ? Les constats d’une excursion dans le Dendi.
Incursions régulières de bandits armés, agressions et vols à main armée, trafic en tous genres, etc., font partie du lot quotidien des habitants de Gaya. Rien de surprenant pour un département qui partage des frontières terrestres et maritimes avec le Bénin et le Nigéria. Mais pas de panique, ‘’la situation est sous contrôle’’, rassure Hachimou Abarchi, préfet du département de Gaya. ‘’La situation sécuritaire est calme, elle est sous contrôle, mais des inquiétudes persistent du côté ouest vers la frontière avec Bénin. Tout le monde sait aujourd’hui qu’il y a des terroristes au niveau du parc W qui font souvent des incursions dans la commune rurale de Karin Gama au Bénin. Mais nous concernant, pas de soucis du fait des dispositions sécuritaires prises par le gouvernement pour protéger les populations’’, déclare le préfet Abarchi. Comme preuve, il cite les patrouilles départementales et la présence de la force Damissa de l’armée nigérienne qui sillonne de temps en temps la zone.
Selon le préfet, c’est surtout la commune de Tanda, frontalière avec celle de Karin Gama (Bénin) et la commune de Tounouga qui fait frontière avec le Nigéria en grande partie et de l’autre côté avec le Bénin de par le fleuve qui constituent les points sensibles.
‘’Elles ont des spécificités, ces deux communes : c’est le trafic de carburant et de drogue. Compte tenu de l’ampleur du fléau, nous avons mené des campagnes de sensibilisation avec l’appui financier de la Haute autorité à la consolidation de la paix (HACP) et parfois avec nos propres moyens pour appeler la population à la collaboration’’, a indiqué Abarchi, satisfait de la franchise de la collaboration qui porte ses fruits.
Il y a encore un an, des motos transportant du carburant passaient en file indienne dans ces deux communes en direction soit de Gaya ou du fleuve pour ravitailler les terroristes. ‘’A Tanda précisément, auparavant dans certains villages, ce sont plus de 40 véhicules qui entraient chaque jour pour décharger du carburant au bord du fleuve. Et nuitamment, de grandes pirogues viennent le récupérer et le transporter en direction de l’ouest’’, a illustré le préfet, qui considère ce phénomène comme un triste souvenir aujourd’hui.
‘’Il n’y a pas deux semaines, nous étions là-bas pour constater la fin du trafic. Pas un seul litre au bord du fleuve, à plus forte raison des centaines de bidons’’, a ajouté Abarchi, mettant cela au compte de la collaboration. Selon lui, la sensibilisation a permis de faire prendre conscience aux populations que leur survie est menacée par ce trafic de carburant.
La sécurité, une affaire de tous
Pour le préfet Abarchi, la gestion de question sécuritaire n’est pas l’affaire des seules forces de défense et de sécurité, c’est une préoccupation qui concerne tout le monde. ‘’La première composante concernée, c’est la population elle-même ; elle doit prendre en charge le problème de sécurité. Les FDS viennent en appui puisqu’elles sont armées, mais le contrôle des entrées et des sorties dans les villages doit être assuré par les populations qui ont d’ailleurs compris cela’’, a-t-il estimé. ‘’Nous travaillons main dans la main et nous allons continuer la sensibilisation pour qu’un jour on parle d’insécurité zéro sous toutes ses formes dans le département de Gaya’’, a souhaité Abarchi.
Même son de cloche chez le maire la commune urbaine de Gaya, qui apprécie positivement l’accalmie dans son entité. Selon Elhadj Boureima Mounkaila, le problème vient surtout du voisin du sud (le Nigéria) et se pose en termes de trafic de carburant fraudé en direction du nord. ‘’Cette préoccupation est liée à notre position transfrontalière parce que ce carburant sert à autres choses que la consommation locale’’, a-t-il déploré. La deuxième préoccupation, selon le maire Mounkaila, c’est l’insécurité qui sévit au Nigéria qui se trouve confronté à des attaques terroristes’’, a-t-il ajouté.
Comment faire en sorte que cela n’affecte pas Gaya avec le temps ? Pour lui la solution passe par la disponibilité des autorités, des FDS et des populations qui doivent se mobiliser comme un seul homme pour contrer les menaces. C’est pour cela que Mounkaila exhorte à un renforcement de ‘’la collaboration avec la population parce que les autorités à elles seules ne peuvent pas tout faire’’. ‘’Dès qu’on constate la présence d’un suspect, il faut le dénoncer. Nous pensons qu’ensemble, avec la disponibilité de tout le monde, nous pouvons arriver à éradiquer le mal’’, pense le maire de la commune de Gaya, qui salue au passage les partenaires qui sont en train de fournir beaucoup d’efforts pour un changement de comportement positif des populations, afin qu’elles sachent qui informer de droit en matière de prévention et de gestion des conflits, mais aussi de fraude de carburant et de lutte contre le terrorisme.
Dieu merci, selon lui, ‘’cette année la commune a connu moins de conflits, moins de bagarres, moins de dégâts champêtres par rapport aux années précédentes’’. Concernant la lutte contre le trafic de carburant fraudé, les actions qui sont menées visent entre autres à inciter les populations à se ravitailler au niveau des stations-services pour promouvoir l’économie nationale. ‘’Il faut que les gens se tournent vers les stations. Nous avons reçu des instructions fermes dans ce sens. En tant qu’autorités, nuit et jour, nous sommes là-dessus pour qu’il y ait un changement de comportement chez les gens’’, a assuré le maire Mounkaila.
Les cas Tanda à la loupe
L’insécurité résiduelle sous contrôle dans cette commune du département de Gaya est surtout le fait de ressortissants de deux pays voisins à savoir le Bénin et le Nigéria, selon un habitant de Tanda qui a requis l’anonymat.
‘’La situation sécuritaire est sous contrôle. Nous ne sommes pas inquiétés, même si avant-hier nous avons arrêté deux individus suspects que nous avons remis aux autorités de Gaya. Ils n’étaient pas armés, mais ils avaient de l’argent sur eux qui dépasse un million de francs CFA’’, raconte notre interlocuteur. ‘’A Tanda, dès que les habitants voient un individu suspect, ils préviennent immédiatement les autorités’’, poursuit-t-il. Selon lui, ce réflexe salutaire s’est développé au sein de la population de Tanda grâce notamment à l’initiative du chef de village consistant à regrouper les jeunes en comités de vigilance pour superviser et chercher des informations dans le village afin de prévenir d’éventuelles attaques de ces bandits armés.
Yahouza, un habitant de la commune rencontré au marché, confirme aussi l’accalmie prévalant à Tanda, grâce aux efforts des FDS qu’il remercie au passage.
Absent lors de notre passage dans la localité, le chef de village que nous avons rencontré à Gaya venant de Niamey a bien voulu nous entretenir sur place de la situation sécuritaire de sa commune.
Contrairement aux dires de ses administrés, le chef Massaoudou pense que la situation reste toujours préoccupante et parle même de terreur, à cause d’une récente attaque enregistrée à Karin Gama, localité béninoise frontalière avec Tanda sur près de 7km.
‘’Lorsque les FDS béninoises ont poursuivi les bandits, ils se sont dispersés dans notre commune. Nous avons contacté les autorités afin qu’elles dépêchent nos FDS à Tanda parce que certains des bandits sont restés introuvables. Deux d’entre eux ont été identifiés dans notre commune, mais notre message n’a pas reçu de réponse jusqu’à présent’’, regrette le chef de village.
Selon lui, c’est le préfet qui doit normalement instruire les FDS pour venir les arrêter mais rien n’a été fait.
‘’Nos suspects sont à Rouga Tanda, on les connait, on connait leurs familles et pourquoi alors jusqu’à présent on n’a pas mis la main sur eux ?’’ se demande Massaoudou, craignant que ces bandits chassés du Bénin ne menacent un jour leur quiétude.
Concernant la collaboration, Massaoudou dit qu’il y a des gens qui les renseignent mais sous couvert de l’anonymat. ‘’Dans la procédure habituelle, les habitants du village de Tanda informent leur chef dès qu’ils voient quelque chose d’anormal et l’information est aussitôt transmise aux autorités, mais la réaction de ces dernières n’est pas spontanée’’, déplore-t-il, se plaignant de l’insuffisance des FDS dans sa commune.
Un autre exemple de la menace, ‘’tout récemment, la population a mis la main sur deux individus suspects qui détiennent des cartes de la police nigériane et qui prétendent être en mission dans la commune de Tanda.
Sachant qu’un policier nigérian ne peut être envoyé en mission à l’extérieur sans autorisation écrite de l’autorité compétente, le comité de vigilance a tout de suite douté de leurs identités et les a arrêtés’’, relate le chef de village de Tanda, qui poursuit : ‘’Nous avons appelé les FDS de Gaya pour venir les arrêter, ces dernières ont suggéré que les habitants le fassent eux-mêmes à leurs frais’’.
Selon Massaoudou, le propriétaire de la voiture utilisée pour convoyer les deux suspects à Gaya est toujours dans l’attente d’être remis dans ces droits, à savoir les frais de location et ceux de réparation, le véhicule ayant eu une panne en cours de route.
Sur le registre des exemples toujours, ‘’le mois dernier, un ancien membre du groupe terroriste du Bénin qui se refugia à Tanda a été poursuivi et abattu par ses camarades, cela doit servir de leçon aux jeunes qui voudraient se lancer dans cette aventure’’, poursuit-il. Occasion pour le chef de village Massaoudou d’exhorter tout le monde à s’impliquer dans la recherche de solutions à cette menace, surtout qu’il y a des complices tapis au sein de la communauté, car la question n’est pas la seule affaire des autorités.
Heurts intercommunautaires
Les conflits intercommunautaires surviennent le plus souvent pendant la campagne agricole. Cette année, la campagne a été globalement satisfaisante dans l’ensemble du département de Gaya, selon le préfet Abarchi. Mais malheureusement, elle a causé des catastrophes notamment des inondations dans les quartiers riverains du fleuve. ‘’Nous avons dressé un bilan en septembre dernier et malheureusement une dizaine de personnes ont perdu la vie dans ces inondations-là, nous avons eu plus de 30 000 sinistrés’’, déplore-t-il. Mais à propos des heurts communautaires [entre agriculteurs et éleveurs] qui ponctuaient la vie du département par le passé, Abarchi se dit réjoui de la quiétude qui prévaut aujourd’hui dans son entité. Cela a été rendu possible, selon lui, ‘’grâce à l’appui de certains partenaires dont l’USAID qui nous ont financé depuis février 2022 des caravanes de sensibilisation, a financé des fora, des tables rondes pour prévenir le mal’’.
‘’Les agriculteurs ont reconnu leurs torts, les éleveurs aussi ont reconnu leurs torts ; des engagements ont été pris de part et d’autre. Nous sommes en train de suivre cette feuille de route, et aujourd’hui il est très réconfortant de le dire, la campagne agricole 2022 s’est terminée dans l’ensemble du département de Gaya sans aucune perte en vies humaines’’, se réjouit Abarchi. Selon lui, les conflits ont drastiquement diminué, seuls sept (7) ont été enregistré dans tout le département et il s’agit de rixe entre individus, c’est souvent des bagarres entre des individus.
‘’Aujourd’hui, nous pouvons dire que la sérénité est revenue, mais nous allons continuer à sensibiliser la population sur l’existence de mécanismes de résolution non violente des conflits prévus par la loi. Au niveau des villages, il y a les chefs du village, il y a le chef de canton, il y a la justice, il y a les FDS. Donc vraiment aller à la confrontation avec un frère Nigérien, nous l’avons banni et les gens ont compris cela’’, note-t-il.
Comme pour montrer la qualité du travail qui est en train d’être fait sur le terrain, le préfet Abarchi donne un exemple concret. ‘’Il y a des zones où les éleveurs étaient interdits d’accès, nous sommes allés dans ces contrées pour dire à la population que les ressources naturelles sont des ressources partagées, qui appartiennent à tous les Nigériens et elle a compris. Les deux communautés vivent présentement en parfaite symbiose et partagent même les manifestations de réjouissance comme de peine’’, a indiqué le préfet de Gaya, remerciant au passage les médias pour l’important travail d’accompagnement qu’ils abattent.
Comme perspectives visant à consolider la paix et la sécurité dans son entité, Abarchi Hachimou a d’abord exhorté la population à persévérer dans la collaboration avec les autorités et les FDS, avant d’annoncer la création prochaine d’un casernement militaire à Guiwa où le site a même été aménagé. Cela viendra renforcer les patrouilles militaires régulières qui sillonnent la zone, grâce aux moyens logistiques importants mis à leur disposition récemment par le gouvernement.
Yacouba Fouma chef de village de Tounouga
Aujourd’hui nous voyons que par manque de travail ou de petit commerce à faire, nos jeunes partent au Nigeria. Et à leur retour, ils reviennent complètement changés dans le sens où ils prennent des habitudes désolantes. Une fois là-bas, ils tombent dans le banditisme et deviennent autre chose.
Beaucoup de jeunes qui sont revenus apportent avec eux ces habitudes malsaines et ce qui est encore plus désolant, ils initient les jeunes qui sont ici à ces pratiques. Ils deviennent des voyous et prennent de la drogue …
Un autre problème est l’éternel conflit entre agriculteurs et éleveurs, lors de la moisson avant de couper le mil, nous nous confrontons à un vrai conflit entre eux. Ce qu’il y a lieu de faire, il faut construire un ou plusieurs puits à l’endroit où les éleveurs sont.
Du fait que nous sommes proches de la frontière avec le Nigéria, il y a beaucoup de trafiquants de carburants. Les autorités ont beaucoup sensibilisé la population sur cette question afin que nous les aidions à combattre cela. Ils nous ont fait comprendre que cela y va dans notre intérêt puisque le carburant transporté sert à ravitailler les terroristes.
Hier même, les autorités ont fait une saisie au bord du fleuve. Il s’agit des produits stupéfiants provenant du Bénin. Le préfet est venu voir lui-même, il a félicité les forces de l’ordre pour cette saisie et nous aussi, nous les remercions et félicitons encore car sans cette découverte, ces produits auraient nui à toute la communauté.
Les autorités nous ont beaucoup sensibilisé quant à l’importance de notre bonne collaboration avec elles. Ils nous incitent à prendre contact avec eux dès que nous avons des soupçons ou vu quelque chose de suspect et pour cela, certains membres du village et moi-même avons été doté de téléphone portable et chaque mois on reçoit 5000 de crédit.
Nous voulons que l’Etat aide nos jeunes à trouver des activités à faire pour gagner leur vie. Nous avons des jeunes qui sont revenus du Nigeria mais ne font rien de leur vie, ils ne font que nous causer des ennuis. Du côté de l’agriculture, nous avons besoin d’engrais et aussi de semences pour les plus démunis d’entre nous.
Pour le chef Rougaruwa de Rouga peul dans la Commune de Tounouga, Il y a beaucoup de choses que les autorités peuvent faire pour apporter la paix.
- Premièrement il faut savoir que nous sommes envahis par les vendeurs de stupéfiants, cela détruit nos jeunes et notre communauté toute entière.
- Deuxièmement, nous sommes confrontés à un sérieux problème d’eau et d’espace pour faire paitre notre bétail. Dès que la saison sèche s’annonce, les points d’eaux se font rares et il est difficile d’abreuver nos animaux, les couloirs de passages sont de plus en plus étroits et nos animaux subissent les conséquences.
Il en appelle aux autorités de redoubler d’efforts pour lutter contre ces dealers, de leur côté aussi ils feront de leur mieux pour collaborer avec elles en leur fournissant des renseignements qu’elles demandent parce que le maintien de la paix est l’affaire de tous.
ISSA MOUSSA