Après presque un mois, les débats sur le putsch du 31 Mars 2021 sont clos ce jeudi 16 Février 2023 vers 14 heures au camp de la gendarmerie nationale sur la route de Kouaratégui. Le Président du tribunal militaire a également annoncé le délibéré pour le vendredi 24 Février 2023. Du mardi 14 au jeudi 16 Février, trois jours étaient consacrés aux avocats de la défense pour leurs plaidoiries. En substance, les défenseurs du Colonel Hamadou Djibo et co-accusés ont fait le procès du régime de la Renaissance et ses dirigeants, de la justice nigérienne elle-même avant de se prononcer sur les faits pour lesquels leurs clients sont poursuivis.
Rappelons que les commissaires du gouvernement ont fait leurs réquisitions le jeudi 9 Février dernier. Le lundi 13 Février l’audience a été reportée à cause de l’attaque terrorisme qui a fait des victimes parmi les éléments de l’opération spéciale Almahaou.
Le mardi selon l’ordre soumis au tribunal par la défense, les plaidoiries ont commencé par les avocats commis d’office puis les avocats professionnels du plus jeune au plus ancien au barreau. Les commis d’office qui sont essentiellement des gendarmes ont fait impression. Le doyen des avocats, Me Samna Soumana Ali dira qu’il était émerveillé par ces jeunes avocats. Il est également d’autant fier de ses jeunes confrères, commis d’office comme professionnels, qu’il se délecte du fait que la relève est assurée.
Les avocats commis d’office ont défendu une quarantaine de soldats et hommes du rang. Ils ont mis un accent particulier sur l’ordre militaire selon le règlement militaire où le soldat est censé observer une obéissance et une subordination totale sans murmure ni discussion sur l’ordre reçu de son supérieur. Au regard du code militaire, ‘’il est très difficile pour un homme du rang de résister à un ordre’’, a martelé Me Malloum Manga.
Me Abdoulaye Amadou oumarou a soutenu que ‘’mes clients sont victimes de leur subordination’’ en ce sens que, pour lui, ‘’dès que le subordonné commence à réfléchir les ordres sont en danger’’.
C’est cette subordination et obéissance totale qui font la discipline au sein des armées. Et cette question de discipline au sein de la grande muette a fait l’objet de cogitation de tous les avocats de la défense. Dans ce sens, ils se demandent sur la pertinence de la révision de la loi en 2022 pour introduire la notion de ‘’l’ordre manifestement illégal’’. Les uns et les autres ont rappelé au tribunal qu’il serait hors de question de juger leurs clients sur la base de la révision du règlement militaire intervenu en 2022 alors que les accusés étaient en prison. Comme pour mettre en garde les juges militaires, en critiquant la modification du règlement militaire intervenu en Juillet 2022, Me Mounkaila Yayé a déclaré que : « les premières victimes seront les officiers supérieurs ». Une façon pour les avocats de demander au tribunal de tenir compte des conséquences de leur décision sur notre armée en condamnant les soldats qui ont obéi aux ordres de leurs supérieurs.
Le procès du régime de la 7ème République
Nous disons que ce procès fut une belle occasion pour les avocats pour faire le procès du régime et la justice elle-même. La théorie du complot a été fortement soutenue par certains avocats qui voient à travers toutes les dénonciations des tentatives de coup d’Etat comme une ruse des tenants du régime de la 7ème République. A en croire les jurisconsultes, tous les putschs déclarés par le régime n’étaient que de la farce y compris celui du 31 Mars 2021. En effet, il n’y a pas eu coup d’Etat le 31 Mars mais il y a eu des actes de violence, selon certaines plaidoiries.
L’autre procès du régime par les avocats c’est aussi de considérer que la tentative de coup d’Etat incombe à la responsabilité du pouvoir qui se caractérise par la mal gouvernance, la concussion, la corruption, le déficit démocratique, pour ne citer que ces maux, selon entre autres : Me Salim Mohamed Hamani Maiga, Me Achirou Moumouni, Me Sidikou Jean Edouard, Me Niandou Karimoune, l’ex Batonnier Me Mounkaila Yayé, Me Nabara Yacouba Mahaman, Me Galy Adam.
Me Salim a évoqué ‘’des catégories de militaires ciblés’’ et »des fausses théories de complot clef à main par une main invisible’’. Dans ce sens, Me Galy Adam a déclaré que : « Le 31 Mars il n’y a pas eu de coup d’Etat, il y a eu une saute d’humeur de quelques officiers » sur fond de ‘’délit d’initié à la base’’, a martelé le jurisconsulte. Mieux, dira Me Galy Adam : « La DGDGSE avait des renseignements sur la tentative et avait rendu compte à qui de droit ». A en croire les avocats de la défense tout se passe comme si le régime est responsable de toutes les velléités putschistes et il aura voulu ce qui est arrivé le 31 Mars 2021. En dépit des aveux de certains cerveaux de ce coup d’Etat, les avocats défenseurs sont dubitatifs et certains accusent le régime d’être responsable de ce qui s’est passé. « Le Palais présidentiel c’est le lieu de la corruption, de la transmission du pouvoir à un clan. C’est plus la ruse du pouvoir qu’un vrai complot », a soutenu Me Niandou karimoune.
Le procès de la justice…
Les avocats ont fait observer au tribunal des irrégularités graves en terme de présomption d’innocence. Ils ont considéré que l’instruction a été faite uniquement à charge même par le magistrat instructeur. Les griefs à l’encontre du juge d’instruction ont amené Me Samna a recommandé la supression du juge d’instruction dans la procédure. Ce qui en dit long sur l’indignation des avocats sur le traitement qui a été fait à leurs clients tant à la gendarmerie que par le juge d’instruction.
« La justice va mal, elle va de mal en pis », a déclaré Me Nabara. Et selon lui cette situation s’explique depuis la démocratisation où ‘’elle (NDLR : la justice) est utilisée contre les opposants’’. « Le politique fait tout pour contrôler l’instruction de sorte que les instructions sont volontairement bâclées », a dit Me Nabara.
Pour le ‘’dinosaure’’ du barreau nigérien Me Samna : « Notre justice de droit commun est malade et elle est victime des juges d’instruction. Les juges d’instruction sont ceux qui violent le plus la constitution du Niger. Les juges d’instruction ont transformé la présomption d’innocence en droit d’inculper », a asséné le doyen des avocats.
Après les arguments puisés du code pénal, du code de justice militaire, de la constitution et des instruments juridiques internationaux, tour à tour, les avocats de la défense ont presque tous demander l’acquittement de leurs clients en mettant en avant la définition du complot et l’attentat, le bénéfice du doute, l’obéissance et la subordination des soldats à l’ordre militaire, la présomption d’innocence, etc.
Chose curieuse, aucun avocat n’a jugé utile de faire cas dans sa plaidoirie de la chimère de deux milliards qu’Issoufou Mahamadou aurait payé au Capitaine Gourouza pour faire échouer le coup d’Etat. Autant dire que la diversion et la manipulation sont loin d’être des moyens de défense. Du moins, même le plus frondeur des avocats n’a osé franchir le Rubicon.
En réaction aux plaidoiries des avocats, le substitut du commissaire du gouvernement n’a pas jugé utile de répliquer. Il s’est plutôt réjoui de la bonne tenue de ce procès. « Mon inquiétude c’est que les avocats ne boycottent ce procès ». Et l’ex bâtonnier Me Mounkaila Yayé de répondre au ministère public qu’ils n’ont en aucune manière envisagé la défense de la rupture pour laisser leurs clients dans la gueule du loup, comme qui dirait.
Le président du tribunal militaire dont la sagesse et la rigueur dans le déroulement de ce procès ont été salués par tous, a appelé un an à un les accusés pour demander s’ils ont quelque chose à ajouter. L’écrasante majorité a déclaré n’avoir rien à redire. Ceux qui ont parlé comme le Général Bagué Seydou, le Colonel-major Hamadou Djibo, le Capitaine Gourouza, le Lieutenant Abdrahamane ont soit remercié le tribunal soit dire ce qui leur tient à cœur comme Hamadou Djibo qui avait beaucoup de choses à dire à l’endroit du commissaire du gouvernement du Général Abou Tarka. C’est aussi le cas du Lt Abdrahamane Morou Idrissa qui a dit avoir beaucoup de choses à dire mais que son avocat l’a dissuadé.
Après avoir rappelé l’instruction sur la loi aux jurés, le Président du tribunal militaire a déclaré clos les débats sur la tentative du coup d’Etat du 31 Mars 2021 en annonçant que les accusés seront fixés sur leur sort le vendredi 24 Février 2023.
Elh. M. Souleymane