Dans l’histoire des procès et particulièrement ceux relevant de l’attentat contre la sûreté de l’Etat, c’est un fait rarissime que l’accusation demande la clémence pour les accusés. C’est ce qui est arrivé au procès des putschistes du 31 mars 2021. Le Ministère public n’a pas été très exigeant. On retient qu’il a requis la prison à vie pour les accusés en fuite, 30, 20, 10, 5, et 2 ans pour certains et la relaxe pour d’autres.
Très certainement, les commissaires du gouvernement ont tenu compte de certains facteurs avant de déterminer leurs réquisitions. Nombre d’observateurs reconnaissent qu’au regard du code de justice militaire, le Ministère public a été, on ne peut plus, clément.
En effet, l’article 259 de ce code dit : « Est puni de mort tout militaire, tout individu embarqué :1) qui provoque à la fuite ou empêche le ralliement en réserve de l’ennemi ou de bande armée ; 2) qui, sans ordre du commandant, provoque la cessation du combat ou amène le pavillon ; 3) qui, volontairement, occasionne la prise par l’ennemi de la formation, de l’aéronef ou du bâtiment placé sous ses ordres ou à bord duquel il se trouve ».
Et l’article 260 précise que : « Tout militaire coupable d’attentat ayant pour but de porter atteinte à l’autorité ou à la sûreté de l’Etat ou de détourner du respect de la Constitution sera puni d’un emprisonnement à vie. L’exécution ou la tentative constitueront seules l’attentat. Lorsque l’attentat aura été exécuté ou simplement tenté avec usage d’armes, la peine de mort peut être prononcée ».
A l’occasion des débats, deux accusés parmi les cerveaux du complot et de l’attentat contre la sûreté de l’Etat ont, sur toute la ligne, reconnu les faits pour lesquels ils sont poursuivis. Il s’agit du Capitaine Gourouza et du Lieutenant Abdrahamane Morou, pour ne pas les citer. Le Ministère public a aussi clairement identifié le Colonel-major Hamadou Djibo dit Hangaila comme étant le cerveau N°1 de ce projet de déstabilisation des institutions.
Comparaison n’est pas raison, dit-on. Remontons dans l’histoire. Au temps du régime militaire du Conseil Militaire Suprême, l’histoire retient que les auteurs de la tentative du coup d’Etat, initiée par les officiers Moussa Bayéré et Sidi Mohamed, pour ne citer que ceux-là, avaient été passés par les armes.
Pourtant, ils ne sont même pas passés à l’action comme l’ont fait les putschistes du 31 mars 2021 qui ont attaqué le Palais présidentiel au moyen des armes lourdes. Lorsque le président Kountché avait décidé d’exécuter les putschistes de mars 1976, il avait défié l’opinion en ces termes : « Ceux qui veulent les sauver n’ont qu’à faire car demain à l’aube il sera trop tard ».
Les temps ont changé. L’ère démocratique que nous vivons a sacralisé la vie humaine. Le Ministère public en a certainement tenu compte. C’est aussi pourquoi, il faut saluer les commissaires du gouvernement qui ont mis en avant des considérations positives pour réprimer à minima un crime dont les faits sont clairement constitués.
Aux juges du tribunal militaire d’en tenir compte. Le mérite, tout le mérite est à notre justice en cette ère des droits de l’Homme. Un vœu à exprimer : que la justice triomphe sur les passions des Hommes !
Elh.M. Souleymane
Niger Inter Hebdo N°101 du mardi 14 Janvier 2023