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Coup d’Etat du 31 mars 2021 : Les vérités crues des putschites !

Le jeudi 19 Janvier 2023, le tribunal militaire a repris, au camp de la gendarmerie nationale sis sur la route de Kouara Tégui, les auditions des prévenus du putsch manqué du 31 Mars 2021. Cette reprise du procès est intervenue après l’arrêt N°02 de la Cour Constitutionnelle du jeudi 12 Janvier 2023, à travers lequel la Cour a déclaré les articles visés par les avocats de la défense « non contraires à la Constitution ». Les prévenus commencent ainsi à livrer les secrets de leur entreprise de déstabilisation. Pour rappel, le procès était suspendu à la demande des avocats de la défense sur la non-constitutionnalité du tribunal militaire soulevée par la défense. Ils sont 58 prévenus qui attendent d’être fixés sur leur sort.

Lundi 23 Janvier : le Colonel-major Hamadou Djibo à la barre

Le lundi 22 Janvier 2023, le procès des 58 prévenus dans le cadre du coup d’Etat du 31 Mars 2021 s’est poursuivi avec l’audition du Colonel-major Hamadou Djibo dit Hangaila. Il continue de nier les faits de complot et d’attentat à la sureté de l’Etat pour lesquels il est poursuivi. Mais de prime abord, on peut dire que les différentes auditions de ses co-accusés donnent des indices sérieux sur le fait qu’il serait l’un des principaux commanditaires et cerveaux de la forfaiture du 31 Mars parmi les officiers supérieurs des forces armées nigériennes.

Du moins, le Capitaine Gourouza et le Lieutenant Abdrahamane Morou l’ont clairement enfoncé sur toute la ligne du projet de déstabilisation des institutions de la République. Il était régulièrement en contact avec les deux officiers précités et c’est ensemble qu’ils ont entamé le processus de recrutement des éléments qui devraient agir dans le cadre de cette opération. A preuve : le 27 Mars 2021, il y a eu une réunion au jardin du Colonel-major Hamadou Djibo, une réunion ayant regroupé plusieurs militaires (des officiers, des sous-officiers) dont la plupart étaient des pilotes, des conducteurs d’engins motorisés, des mécaniciens et des éléments spécialisés dans les tirs de canons.

Le Colonel-major Hamadou Djibo nie avoir invité ce monde mais tous les co-accusés ont dit avoir été contactés à son nom, par l’adjudant Boureima Boubacar dit Papa qui est venu de Maradi sans permission. Il importe de noter que la majorité des militaires qui ont participé à cette réunion n’étaient pas de Niamey, sauf quelques éléments de la Garde Nationale du Niger (GNN). A l’issue de cette réunion, il a été distribué des sommes d’argent, allant de 100 000 fcfa à 50 000 fcfa pour certains et de 25 000f, 20 000f et 15 000 fcfa pour d’autres soldats présents.

Et chaque participant a reçu du Colonel-major Hamadou Djibo un petit téléphone équipé d’une puce déjà enregistrée pour leur permettre de communiquer uniquement entre eux sur le projet de putsch. A l’occasion de la réunion, le Colonel-major Hamadou Djibo aurait fait un discours dans lequel il aurait dit en substance qu’il entend libérer l’armée et empêcher à un non nigérien d’accéder à la présidence de la République. Il fallait donc agir vite pour empêcher la prestation du serment d’un non-nigérien, comme l’a martelé le téméraire Lieutenant Abdrahamane Morou face aux juges du tribunal militaire.

Jeudi 19 Janvier : l’audition du Général Seydou Badjé

A la reprise du procès, le président du tribunal militaire a rappelé que c’était au moment de la notification des charges que le recours des avocats de la défense est intervenu. C’est pourquoi il a proposé de poursuivre les auditions si la défense et le ministère public n’ont pas d’autres propositions.

Au nom de ses confrères, le Bâtonnier a suggéré au tribunal qu’il aurait voulu qu’il ait préalablement un agenda établi pour la gestion des auditions au regard du nombre des personnes à être entendues. Les commissaires du gouvernement n’ont exprimé aucune objection sauf que le président du tribunal a fait observer que le dossier est un tout qui s’imbrique.

Après ce protocole, c’est le Général Seydou Badjé, ex-chef d’état-major de l’Armée de terre qui a été auditionné le premier. A la question du président s’il reconnait les faits de complot et d’attentat contre la sureté de l’Etat qui lui sont reprochés, l’accusé a répondu : « Je ne sais rien, absolument rien de ces évènements ».

Entre-temps, Me Salifou a déposé un recours sur l’irrégularité de la composition du tribunal en ce sens que son client, le Colonel-major Djibo Hamadou, allait être jugé par un tribunal où figure un juge militaire moins gradé que lui. « Ce qui serait en porte-faux-à-faux avec la loi », a estimé la défense. Il s’en est suivi une véritable polémique sur l’interprétation des articles 9 et 11 de la loi portant code de justice militaire. Cette question a été tranchée par le tribunal après suspension des auditions. A la reprise, le président du tribunal a déclaré « irrecevable la requête » de la défense.

Le témoignage accablant de Maman Sani Kiao

C’est ainsi que le procès s’est poursuivi avec le témoignage du Colonel-major Maman Sani Kiao à l’époque, Commandant de la force spéciale Almahaou à Ouallam. En substance, contrairement aux allégations du Général Seydou Badjé qui a déclaré ne rien savoir sur cette conspiration, Maman Sani Kiao a déclaré que le Général l’a rencontré à Banibangou où il lui a parlé du « projet de déstabilisation » du régime. Puis, une seconde fois à Niamey, dans le bureau du Général. Toutefois, à la différence du Général Seydou Badjé, le Commandant Maman Sani Kiao a régulièrement renseigné le chef d’état-major des Armées. Dans son témoignage, il a dit que le Général aurait voulu que Mahamadou Issoufou soit destitué avant le 27 Octobre 2020, date de la validation des candidatures à l’élection présidentielle. Pour le Général S. Badjé, il faut que « l’Armée prenne ses responsabilités ». Mais en bon soldat, Maman Sani Kiao a cherché à dissuader le Général Badjé de cette aventure.

Dans sa déposition à l’occasion de l’enquête préliminaire, le Général Seydou Badjé a déclaré que dans l’affaire du ministère de la défense, des demandes ont été faites mais sans réponses appropriées. Selon lui, il faudrait donc la bonne personne qui puisse régler le problème soit élue. Et d’ajouter que « l’Armée n’est pas prête que l’anarchie s’installe dans le pays ».

Cependant, le Général Seydou Badjé et son avocat ont estimé qu’il y aurait plein de contre-vérités sur le rapport de la gendarmerie. « Nous avons dit qu’on renonce à ce qu’on a dit. C’est comme si on a rien dit », a précisé maladroitement l’avocat du Général.

Mais le président du tribunal a fait observer au prévenu qu’il ne peut renoncer en ce sens que ces propos sont ses propos recueillis par un officier assermenté. « Nous sommes ici pour comprendre ce qui s’est réellement passé. C’est à l’issue d’un débat public que vous allez apporter la preuve que ce qu’on vous reproche n’est pas fondé », a estimé le président du tribunal.

Le Commissaire du gouvernement, pour sa part, a fait remarquer au Général Seydou Badjé : « Comment quelqu’un qui a des hommes, qui a une terrible puissance de frappe que vous avez approché, pour quel intérêt va-t-il vous mentir en dépit du fait qu’il soit votre homme de confiance ? »

Après le témoignage de Maman Sani Kiao, c’est le Colonel Issa Na Allah qui a été auditionné. Il a été cité par le Général Seydou Badjé qui aurait confié à Maman Sani Kiao qu’il connait au sein de la Garde, deux valeureux soldats dont Issa Na Allah et un autre capitaine dont le nom n’a pas été précisé.

Le colonel Issa Na Allah a dit en substance : « Je ne suis pas dedans. Si je suis dedans, j’allais dire je suis dedans ». Il considère avoir été incidemment impliqué dans une affaire qui ne le concerne pas du tout.

Vendredi 20 Janvier : déballage du Capitaine Gourouza et le Lt Morou

Dans la matinée et l’après-midi du vendredi 20 janvier 2023, le Capitaine Gourouza Mamane Sani et le Lieutenant Abdrahamane Morou ont été auditionnés. Le président du tribunal dira à un moment qu’on est en face des principaux acteurs dont dépendra le sort de tous les prévenus.

Les deux officiers ont accepté les faits qu’on leur reproche. Mieux, même si c’était à refaire, ils n’hésiteraient pas. Entre autres raisons qu’ils ont avancées pour justifier leur entreprise, il y a la raison politique. En effet, selon eux, il fallait empêcher d’investir Mohamed Bazoum qui ne serait pas nigérien selon eux. La présence des militaires français gênait le Capitaine Gourouza à telle enseigne qu’il estime qu’il pourrait pactiser avec n’importe qui pour renverser le régime d’Issoufou. Dans cette optique, ils ont envisagé des réformes telles que : la nationalisation des sociétés comme ORANO, réduire le train de vie de l’Etat, un gouvernement de 15 membres, l’érection d’un forage dans chaque village et même un président civil à la personne de Cissé Ousmane pour assurer la transition au cas où la CEDEAO en ferait la demande.

S’agissant justement de l’inspecteur général de Police, Cissé Ousmane, c’est le Lt Abdrahamane Morou qui a décrit leur échange à Ndjamena, à l’occasion d’une de ses missions au Tchad.

En effet, dans leur échange, Cissé Ousmane dira au Lieutenant Morou qu’il connait le chef d’état-major des Armées. Ce qui a fait réagir le Lieutenant Morou en ces termes : « Si tu connais le CEMA, alors dit lui d’appeler ses différents chefs de missions d’opérations et aller faire une déclaration à la télé pour arrêter le processus ».

Toutefois, le Lt Morou a voulu nier ses propos rapportés par le magistrat instructeur. Heureusement, le président du tribunal l’a amené grâce à sa dextérité à reconnaitre sa version initiale, à savoir l’authenticité de sa conversation avec Cissé Ousmane à N’Djamena. Mais les auditions de Gourouza et Morou ont donné lieu à une sorte de diversion en s’accusant mutuellement de trahison.

Même s’ils ont reconnu les faits pour lesquels ils sont poursuivis, le Lt Morou a accusé le Capitaine Gourouza d’avoir pris deux milliards de Fcfa d’avance de l’ancien président Issoufou Mahamadou pour faire échouer le coup d’Etat. Après avoir nié cette grave accusation du Lt Morou, Gourouza a également chargé le Lieutenant de corruption en ce sens qu’il aurait pris 300 millions du pouvoir, via un membre de la DGSE. Cette partie surréaliste a fait dire un confrère : « ils jouent le tout pour le tout parce qu’ils savent qu’ils n’échapperaient pas à une condamnation ».

A l’occasion de l’audition du Lieutenant Abrahamane Morou, la question d’écouter le chef d’état-major des Armées (CEMA) et un Directeur de publication d’un journal de la place s’était posée. Le CEMA pour avoir été cité par certains accusés et le Directeur de publication d’un média pour avoir pris une avance de deux millions de Fcfa aux fins de publication d’informations à lui confiées.

Le procès s’est poursuivi  le lundi dans l’après midi par l’audition du Colonel-major Hamadou Djibo. Il faut dire que les interrogatoires du Capitaine Gourouza et le Lieutenant Morou, tout comme le Colonel-major Mamane Sani Kiao sont accablants pour les officiers supérieurs, notamment le Général Seydou Badjé, le Colonel-major Hamadou Djibo et Cissé Ousmane.

A la date du mercredi 25 janvier 2023, les auditions des acteurs principaux dans cette affaire ont déjà eu lieu à savoir : le capitaine Sani Gourouza, le Lieutenant Abdrahamane Morou, le Colonel-major Hamadou Djibou, le Général Seydou Badjé, l’Adjudant Amadou Boureima et les autres , le Commissaire Cissé Ousmane, Me Djibo, pour ne citer que ceux-là.

(Affaire à suivre).

Elh. M. Souleymane