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Pénurie de gaz : Qui pour voler au secours du consommateur ?

 

Cela est connu de tous, le consommateur lambda qui cloue déjà sous le poids de l’inflation doit encore faire face à la pénurie de gaz qui prévaut depuis des semaines à Niamey et à l’intérieur du pays. Plusieurs dépôts de gaz à Niamey sont en défaut de stock GPL, communément appelé gaz domestique. Un état de fait qui pénalise du coup les ménages, désormais confrontés à la tentation de l’utilisation du bois ou du charbon de bois pour faire la cuisine et avec tout le risque encouru sur l’environnement. 

Le droit du consommateur semble-t-il bafoué ? Une question amplement pertinente et qui mérite d’être posée par tous, surtout dans un contexte de vie chère où le consommateur lambda observe impuissamment la flambée généralisée des prix des produits de consommation.

Le gaz domestique est devenu cette denrée rare dans les différents points de dépôt de la capitale. Même si l’on en trouve, le prix est renchéri au détriment du consommateur. Par endroits, la bouteille de 6kg de gaz, se charge à 2500f voire 3000f dans certains quartiers. Et la raison toute simple trouvée, est qu’il n’y a pas de gaz, donc le consommateur doit payer les frais.

‹‹ J’ai fait un long parcours hier nuit sans trouver du gaz et je suis venue ici voir, mais malheureusement, le monsieur me dit que la bouteille de 6kg est à 3000f ››, raconte Marie, venue charger sa bouteille de 6kg chez Abdourahamane, revendeur de bouteilles de gaz près du marché Habou Tegui.

Et Abdourahamane de  rebondir, ‹‹ la pénurie de gaz et la hausse du prix, c’est depuis là-bas ››, montrant la main vers une direction. Allusion peut-être faite aux distributeurs chez qui les revendeurs s’approvisionnent.

 

 Quel sort réservé au consommateur lambda ?

Selon M. Souleymane Assane, le chargé des négociations au SYNAREG, Syndicat National des Revendeurs de Gaz au Niger, cette pénurie de gaz n’est pas récente. ‹‹ Toute l’année 2022 a été perturbée. On n’a jamais eu deux mois de suite où on a la disponibilité ››, fait-il savoir.

Pour lui, avant que la SORAZ ne parte en maintenance, sa production ne permet pas de satisfaire les besoins locaux. Depuis lors, les gens ne font que jongler avec la panoplie de centres emplisseurs pour pouvoir fournir à  chacun à tour de rôle.

‹‹ Il est arrivé des fois de faire la commande au Bénin ou au Nigéria pour apaiser la situation, mais ça n’a pas suffi. Le problème de la pénurie, c’est la disponibilité. Avec la SORAZ, la production n’est pas suffisante et ce qui vient ici à Niamey ne satisfait pas la ville et quand on fait des commandes à l’extérieur, les véhicules viennent à compte-goutte et cela complique la situation ››, relate Souleymane Assane du SYNAREG.

S’agissant du prix de la bouteille de gaz imposé aux consommateurs par les revendeurs, le chargé des négociations au SYNAREG se défend.

‹‹ Tout le monde est conscient, que ce soit l’ARSE, ou le ministère du commerce, que les revendeurs ne peuvent pas aujourd’hui vendre ce gaz là au prix, tel que fixé par les autorités, ce n’est pas possible ››. Aujourd’hui, insiste-t-il, ‹‹ si vous prenez sur la bouteille de 6kg, les revendeurs que nous sommes, achetons la bouteille à 1 650f. En te demandant la bouteille à 1800f, c’est comme si c’est une marge de 150f qui t’a été concédée. Cette marge là ne couvre guère les charges des revendeurs, telles que le loyer, les impôts, les taxes de la mairie, sans oublier les pertes et les bouteilles vétustes. Donc, c’est quasiment impossible de vendre au prix officiel ››.

Aussi, fait-il savoir, en tenant compte du nombre de vente, ce n’est pas tout dépôt qui peut vendre 30 à 40 bouteilles la journée. Tout au plus 10 ou 15, au maximum 20 bouteilles pour les dépôts moyens. Les 150 francs multipliés par 20 font 3000 fcfa.

Les injonctions de l’ARSE non respectées par les revendeurs

Pour éclairer la lanterne de nos lecteurs, nous avons interrogé les responsables de l’Autorité de Régulation du Secteur de l’Energie (ARSE) qui ont donné aussi leur avis sur la pénurie et le renchérissement du prix de la bouteille de gaz.

Selon Madame Boureima Aïssata Billa Issa Karimou, Directrice de régulation du sous-secteur hydrocarbures Segment Aval de l’ARSE, concernant la pénurie, a-t-elle déclaré, ‹‹ la première des choses que nous avons faite a été d’appeler la SONIDEP pour nous renseigner quant à la disponibilité du produit. La SONIDEP nous a rassuré que la plupart des centres emplisseurs disposent du produit et mieux, le GPL (ndlr Gaz Pétrole Liquéfié) produit par la SORAZ a déjà commencé à être servi. Les centres emplisseurs qui n’ont pas été servis ce jour-là, ont été déjà programmés. Donc, normalement, tout le monde a été servi à ce jour ››.

De quelle pénurie parle-t-on alors et qui pénalise les consommateurs ? ‹‹ Peut-être celle orchestrée par les revendeurs ? ››, s’interroge la Directrice de régulation du sous-secteur hydrocarbures qui souligne que « c’est parce que certains points de vente qui ne respectent pas la réglementation ont été fermés pour non-respect des prix officiels, que les revendeurs créent ce semblant de pénurie pour pouvoir surenchérir ››. Aussi, a-t-elle attiré l’attention de ces contrevenants quant aux sanctions auxquelles ils s’exposent, tout en les appelant par conséquent, à observer la réglementation.

Par rapport au renchérissement du prix, Madame Boureima Aïssata Billa Issa Karimou explique qu’‹‹ après toute cette médiatisation autour de la question, je ne peux pas dire que le citoyen lambda ignore les prix officiels. La réponse serait qu’il se retrouve devant un fait accompli. Le mieux pour lui, c’est de dénoncer. Nous avons communiqué des numéros à cette fin et aussi nous avons sur le site une porte de saisine par laquelle l’ARSE peut être contactée. Alors, si le consommateur choisi lui-même de ne pas acheter au prix officiel, que pouvons-nous faire ? Il se rend lui aussi coupable qu’il le sache à travers cet acte ››.

Au demeurant, il s’est avéré que le consommateur est pris en sandwich dans une situation face à laquelle il est impuissant. Il importe que l’ARSE et le ministère du commerce s’activent davantage sur cette question de la pénurie du gaz, pour mettre enfin le consommateur dans ses droits. Dans un contexte où les associations des consommateurs ne donnent plus de la voix face aux revendeurs véreux, il importe de savoir qui pour voler au secours du consommateur ?

Koami Agbetiafa

Niger Inter Hebdo N°93 du mardi 20 Décembre 2022