Billet : La presse, parent pauvre de la démocratie

Dans la sous-région, il est question de développer le secteur de la presse en créant les conditions d’émergence de véritables entreprises de presse. Ce qui a permis aux confrères de ces pays de développer leur potentiel.

Dans cet ordre d’idée, au Sénégal, ils ont le Fonds d’appui et de développement de la presse (Fadp) avec comme mission « de contribuer au développement du secteur de la presse ». Ce nouvel organe est chargé de soutenir les investissements dans les entreprises de presse. Il s’agit notamment, précise le texte, de « financement de projets de développement ou de modernisation des entreprises de presse, de garantir des prêts bancaires, etc. »

En Côte d’Ivoire, il y a le Fonds de Soutien et de Développement de la Presse (FSDP). Ce Fonds en faveur des entreprises de presse privée au titre de l’année 2020 s’élève à « 1,016 milliard de FCFA », apprend-on.

Le Fonds d’aide à la presse est de plus de 700 millions de Fcfa au Sénégal et au Burkina Faso, 600 millions au Mali au moment où il est irrégulier et ne dépasse guère les 200 millions au Niger. Comment justement voir émerger des entreprises de presse dans un pays où l’économie de la presse, à savoir, la vente et la publicité sont on ne peut plus aléatoires ?

Pourtant, nul doute que les médias publics comme privés jouent un rôle de service public. La presse a joué un rôle de premier plan dans l’éclosion de notre processus démocratique mais le triste constat c’est qu’elle constitue le parent pauvre de la démocratie au Niger.

Dans ce sens, il y a lieu de déplorer le fait que la presse publique et privée ont des tares en terme de développement, notamment en ce qui concerne les conditions de vie et de travail. On peut affirmer sans risque de se tromper, au regard de l’échec des différents régimes dans ce secteur, qu’il faudrait une réelle volonté politique pour inverser la tendance.

C’est Albert Einstein qui a défini la folie comme le fait de faire la même chose encore et encore. En effet, s’il y a un domaine où la classe politique nigérienne a totalement échoué, c’est sans conteste dans la gestion des médias. Tous les opposants d’hier et d’aujourd’hui, les princes d’hier et d’aujourd’hui, sous notre ère démocratique, ont fait montre d’une seule prouesse dans ce domaine : la caporalisation et l’instrumentalisation des médias.

Tous se sont comportés comme si les médias publics appartenaient aux partis de la mouvance au pouvoir. Quant aux médias privés, gouvernants et opposants les tiennent en respect par des subsides. Une seule recette. Inopérante. Anachronique. Cette recette est pourtant perpétuée avec délectation par les gouvernants du jour et amertume et indignation par l’opposition du moment.  C’est ce que j’appelle l’échec de tous contre tous.

A quoi rime cette posture de la classe politique de se comporter avec une telle courte vue. Un manque de vision aussi criard, car en dernière analyse, et les faits le prouvent, aucun régime n’est éternel. En favorisant l’érection de véritables entreprises de presse, le gotha politique aurait agi en faveur de la liberté d’expression, la liberté d’opinion pour tous.

Très malheureusement, ce n’est pas que la classe politique qui tire la presse vers le bas. Les acteurs des médias, les professionnels de la corporation eux-mêmes ne sont plus en ordre de bataille pour imposer respect et considération pour le triomphe du 4ème pouvoir. Ailleurs (au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Mali), c’est de hautes luttes, dans l’unité d’action, que les professionnels des médias ont pu arracher et consolider les acquis.

Au Niger, ce n’est pourtant pas les défis qui manquent pour voir les uns et autres, main dans la main, s’unir pour rendre effectives la loi sur la publicité, la convention collective et obtenir une enveloppe conséquente dans le cadre du fonds d’aide à la presse. Au moment où ces sentiers battus ne sont plus un souci pour nos confrères de la sous-région, force est de constater que la tendance de notre presse est à la précarité. Qui a intérêt de voir se perpétuer ce statu quo ? A quand cette union sacrée entre confrères pour voir l’émergence de véritables entreprises de presse au Niger. That’s the question.

Elh. M. Souleymane

Niger Inter Hebdo N°91