L’insécurité armée qui sévit depuis 7 ans dans plusieurs régions de notre pays, avec son corollaire de milliers de morts civils et militaires, est une véritable source de préoccupations pour les pouvoirs publics.
Certaines contrées de Dosso ont été aussi affectées par la crise, mais dans une proportion moindre. L’état des lieux
Même si la situation semble relativement calme dans celle de Dosso, cette insécurité affecte néanmoins certaines contrées de Dogon Doutchi comme la localité de Tabala, commune rurale de Dankassari, où la population a enregistré des enlèvements de personnes par des bandits armés qui réclament le versement de rançons contre leur libération.
Outre les enlèvements, l’on note aussi des attaques sporadiques contre des positions militaires, à l’instar de celle dirigée il y a de cela deux ans par deux individus armés à motos contre le poste de contrôle de gendarmerie de Bagagi (commune rurale de Matankari). Cette localité abrite chaque mercredi une grande foire qui draine des nombreux commerçants et clients en provenance, y compris de certains pays voisins comme le Nigéria et le Mali.
Les mécanismes de lutte
Face à ces attaques, les autorités administratives et coutumières ont initié actions visant la protection les populations de la région en général et celles des communes en particulier.
Entre autres initiatives, l’on peut notamment citer l’instauration d’une patrouille mixte départementale, le déploiement d’éléments des forces de défense et de sécurité (FDS) dans la zone et l’élargissement des réunions du Conseil départemental de Doutchi aux chefs traditionnels, maires et leaders d’opinions pour sensibiliser les populations à mieux collaborer avec les autorités locales et les FDS.
Laquelle collaboration a d’ailleurs porté ses fruits, car ayant permis un moment de recueillir des informations grâce auxquelles des bandits armés ont été neutralisés avant de passer à l’action. C’est dire toute l’importance des renseignements dans le cadre de la lutte contre l’insécurité armée. Chaque partie joue-t-elle convenablement sa partition ? Comment améliorer cette collaboration ? Les acteurs locaux de Dankassari donnent leurs avis sur le sujet. Pour Mallam Moussa, représentant du chef du village de Dankassari, ‘’la tenue régulière des réunions d’échanges entre les représentants de l’Etat, les FDS et les chefs traditionnels constitue une initiative louable car permettant de renforcer la cohésion et l’entente au sein de la commune’’.
La responsabilisation des populations
‘’Le chef-lieu de la commune de Dankassari compte dix (10) quartiers. Chaque chef de quartier a le devoir de veiller sur son entité, de s’informer sur l’identité d’éventuelles têtes étrangères qui viendraient à séjourner dans le quartier. J’ai l’habitude d’appeler la gendarmerie à une heure tardive de la nuit pour signaler un problème. Après vérifications, la personne est interpellée si elle est suspecte ; au cas contraire elle est laissée libre’’, déclare Moussa.
‘Malheureusement, certains habitants ont peur de collaborer avec les autorités et les FDS par crainte de mettre leur vie en danger, ne réalisant pas que le véritable danger est justement leur silence qui pourrait exposer toute la communauté au danger’’, ajoute-t-il, saluant les efforts des autorités pour la préservation de la paix dans le village.
Lesquels efforts doivent, selon lui, se poursuivre à travers le renforcement des capacités humaines et matérielles des FDS pour mieux combattre l’ennemi.
Cet avis est partagé par Oumarou Barazé, un chef de quartier de Dankassari, qui insiste, lui, sur la sensibilisation de la population quant à l’importance de sa collaboration avec les autorités et les FDS.
Pour ce faire, Barazé préconise ‘’la mise en place d’un mode de collaboration discrète pour ne pas exposer les populations à d’éventuelles représailles’’.
Selon Maman Toukour dit Gaoh, gérant d’un point de vente des produits électroniques à Dankassari, ce sont surtout les villages de Dongontabki, Kamaré et Meylou qui enregistrent des cas d’enlèvements avec paiement de rançons.
‘’Les bandits viennent discrètement en nombre dans le village pour se renseigner et ils ont l’habitude d’intimider ceux qui tentent de prévenir les autorités’’, souligne Gaoh.
‘’En cas de tentative de poursuite, ils menacent de tuer les otages. Ensuite, ils partent se cacher dans la brousse en se dispersant pour monter la garde’’, explique-t-il.
C’est la raison pour laquelle, selon lui, tout le monde se cache quand ils viennent dans les villages ; et personne ne sait à quel moment précis ils se retirent.
La collaboration discrète
Face à cette situation, il préconise une franche collaboration entre nos FDS et celles du Nigéria dans le cadre de la conduite des opérations. ‘’Cela permettra de les prendre en tenailles avant qu’ils ne traversent la frontière commune’’, dit-il.
‘’Comme les populations sont désormais disposées à fournir des renseignements au FDS, il est impératif de garantir leur sécurité et de préserver leur anonymat’’, recommande Gaoh. Pour lui, travailler en étroite collaboration avec les FDS permettra d’obtenir de bons résultats dans la lutte contre ces bandits. Et à propos des patrouilles motorisées nocturnes, Gaoh pense qu’elles doivent être plus discrètes pour être efficaces.
En clair, la collaboration entre les populations, les autorités et les FDS s’est nettement améliorée ces derniers temps, selon Yacouba Moussa, adjoint au maire de la commune rurale de Dankassari. A propos des enlèvements, les bandits ciblent surtout des membres de familles matériellement aisées, capables de leur verser des rançons.
‘’Ils ont l’habitude de réclamer près de 9 millions de francs CFA à Dongontabki. Le cumul des sommes versées jusqu’ici aux bandits se chiffre à plus de 30 millions, rien que dans la commune de Dankassari’’, estime Moussa.
‘’C’était à un moment où la collaboration n’était pas bonne. Mais aujourd’hui, grâce aux renseignements fournis par la population, les FDS ont de bons résultats. Récemment encore, elles ont arrêté quatre (4) bandits qui ont enlevé des femmes à Dongontabki’’, illustre l’adjoint du maire.
Mais il déplore toutefois les fausses informations qui découragent souvent les FDS et impactent négativement sur la promptitude dans leurs interventions. Pour Moussa, c’est d’abord le chef du village qui doit être touché pour les vérifications préalables, et c’est à lui d’alerter qui de droit.
Les caravanes de l’espoir
A Bagagi également, village du légendaire Baoura, à 13km du chef-lieu de la commune Matankari, la collaboration entre la population et FDS est au beau fixe.
‘’C’est ce que nous faisons depuis qu’on a compris qu’ils sont là pour nous protéger contre les bandits’’, déclare Bagagi Issoufou, fils et représentant de l’honorable Baoura.
Le seul problème, constate Issoufou, ‘’c’est que les FDS ne sont pas toujours joignables et quelques fois elles n’interviennent même pas, surtout dans la nuit. Et parfois, elles nous disent d’aller vérifier nous-mêmes, alors que n’avons pas d’armes pour nous défendre’’.
‘’Malgré cet état de fait, nous avons tout récemment mis la main sur un individu qui avait dans son sac une tenue militaire ; nous l’avons amené aussitôt à la gendarmerie’’, souligne-t-il, lançant un appel à l’endroit des FDS de bien vouloir venir vérifier les informations qui leur sont transmises, car souvent la menace est réelle.
Pour Issiakou, représentant de la société civile de Bagagi, ‘’les autorités doivent davantage renforcer la sécurité tous les mercredis, jour du marché hebdomadaire, de façon à identifier rapidement et facilement tous les bandits’’.
Pour sûr, les populations de Bagagi et de Karkara se disent capables d’identifier les étrangers et pensent qu’avec l’aide des autorités et des FDS, il est facile de dissuader les bandits à commettre des forfaits.
La jeunesse en ligne de front
S’exprimant au nom la jeunesse de Bagagi, Moumouni, lui, souligne la nécessité d’œuvrer pour une prise de conscience collective pour la préservation de l’intérêt général.
‘’Les jeunes doivent prendre leurs responsabilités en main en dénonçant les auteurs de ces crimes’’, a-t-il exhorté.
En termes de bilan, la commune rurale de Matankari a connu une seule attaque survenue au marché de Bagagi, précisément contre le poste de contrôle de la gendarmerie. Depuis lors, un climat d’insécurité et de panique s’est installé au sein de cette population, selon Labaran Batouré, maire de la commune.
‘’Il y a eu aussi des prélèvements d’impôts dans la commune notamment à l’ouest, dans les villages de Karjintartan Koulda et Boukotchin Bouzou’’, reconnaît Batouré.
‘’Mais le climat d’insécurité n’est pas répandu dans toute la commune, les localités les plus concernées sont de la bande ouest, plus précisément les villages de Boukotchin Bouzou, de Pompo, de Karjintartan koulda’’, assure-t-il.
Comme mesures, indique-t-il, ‘’c’est d’abord la sensibilisation car les FDS ne peuvent pas accomplir convenablement leurs missions si la population ne collabore pas’’.
C’est poursuivant cet objectif qu’il a été initié des caravanes de sensibilisation sur toute l’étendue de la commune, principalement dans les zones les plus touchées par la crise.
‘’Ces caravanes de sensibilisation ont permis de faire comprendre que les FDS, à elles seules, ne peuvent rien faire pour assurer la protection des populations sans leur collaboration’’, soutient Batouré.
Le satisfécit des autorités
‘’En tant qu’autorité administrative, nous demandons à la population de nous informer à temps pour que des dispositions permettant de contrecarrer les actions des bandits soient prises’’, exhorte le maire de Matankari, saluant les efforts déployés par les FDS pour sécuriser les populations, en dépit de leurs moyens limités. Ce qui fait d’ailleurs qu’elles ne peuvent pas être partout et à tout moment.
Devant ce constat, Batouré appelle la population à une franche collaboration, sans contrainte aucune, afin de permettre aux FDS d’intervenir avec promptitude et efficacité contre les bandits armés.
Au total, l’on retient aujourd’hui la franchise de la collaboration entre les populations et les FDS dans le département de Dogon Doutchi, la collaboration souffrait auparavant d’un manque de confiance, avant notamment l’organisation des caravanes de sensibilisation sur l’insécurité dans la zone.
Une réalité que confirme le préfet de Doutchi, qui se réjouit de l’accalmie ainsi retrouvée au sein de son entité administrative. Cette accalmie, selon Moussa Idé, est liée à un certain nombre de choses :
– Premièrement, la tenue des réunions du Conseil départemental de sécurité élargies aux maires et chefs traditionnels. A l’issue de ces réunions, des recommandations sont formulées et sont immédiatement mises en œuvre sur le terrain.
– Deuxièmement, la bonne collaboration entre les populations, les autorités et les FDS grâce à l’organisation des caravanes de sensibilisation.
Désormais, la psychose des attaques s’est totalement dissipée dans l’esprit des populations, selon le préfet. Ainsi, l’on peut parler de satisfecit chez le Président du Conseil départemental de sécurité de Doutchi, qui salue au passage le professionnalisme des FDS dans l’accomplissement de leurs missions de sécurisation des populations et leurs biens.
La récente visite du président de la République dans la localité a contribué à renforcer cette prise de conscience des populations quant à l’impérieuse nécessité de collaborer avec les autorités administratives locales et les FDS.
Pour le préfet Idé, grâce aux différentes initiatives, ‘’la barrière existant entre les populations et les FDS est définitivement cassée’’, ‘’l’accalmie retrouvée doit inciter les partenaires à venir investir à Doutchi et contribuer ainsi au développement de son entité’’.
Issa Moussa & Ousseini Issa