La ville de Strasbourg abrite depuis le 7 novembre 2022, la 10ème édition du Forum mondial sur la démocratie. Cette rencontre à l’initiative du Conseil de l’Europe se tient cette année sous le thème « DEMOCRATIE : UN NOUVEL ESPOIR ? » et enregistre la participation du Premier vice-président de l’Assemblée Nationale du Niger, M. Kalla ANKOURAO.
Le Forum mondial de la Démocratie est une plateforme unique qui permet aux décideurs et aux militants de débattre de solutions aux défis qui se posent à nos démocraties. En identifiant et en analysant des initiatives et pratiques expérimentales, le Forum met en avant et encourage des innovations démocratiques provenant de la base et leur transfert à un niveau systémique afin de renforcer les fondations des sociétés démocratiques.
Le 10ème Forum mondial de la démocratie reviendra sur les résultats des éditions précédentes et évaluera l’impact des initiatives les plus prometteuses et les plus innovantes présentées au cours de la dernière décennie. Il rassemblera diverses voix provenant du monde entier pour discuter et débattre des visions pour l’avenir, qui pourraient réussir à enrayer le recul de la culture démocratique et motiver les défenseurs de la démocratie à résister à une polarisation dangereuse et inverser le déclin démocratique mondial.
Dans l’une des 3 sessions plénières autour desquelles est articulé le Forum, « la démocratie en détresse : Peut-on inverser la tendance ? » Mr ANKOURAO a livré une présentation qui offre une vue certes synthétique, mais holistique de la situation de la démocratie ainsi que les pistes de son enracinement dans nos pays.
L’expérience démocratique en Afrique de l’Ouest
Selon le député Kalla ANKOURAO : « au début des années 90, nombreux étaient ceux qui pensaient que l’expansion de la démocratie, en Afrique de l’Ouest notamment, était aussi inévitable que souhaitable, mais également que le processus de son implémentation était irréversible. Ainsi, l’Afrique de l’Ouest affichait jusqu’à fin 2020, une vitalité démocratique encourageante, mises à part quelques violences à l’occasion des élections. A titre illustratif, on a dénombré 120 coups d’État entre 1960 et 1970 et seulement 24 coups d’État au cours de la décennie 2010-2020 ».
Malheureusement, a fait observer l’honorable Kalla ANKOURAO : « les transitions et les premiers mandats passés, des résistances au processus de consolidation de la démocratie ont fait surface, notamment dans mon pays avec un premier coup d’État dès 1996, au Togo, en Côte d’Ivoire, en Guinée Bissau, au Mali, etc… »
Les causes des multiples interruptions du processus démocratique
Le Premier vice-président de l’Assemblée nationale du Niger a mis en évidence les causes qui ont favorisé les multiples interruptions du processus démocratique en Afrique de l’Ouest. Il s’agit selon lui de : « la faiblesse des États et des institutions ; l’incapacité des politiciens démocratiquement élus à répondre aux préoccupations des citoyens ; l’installation d’un climat d’insécurité et le déclenchement des guerres contre les rébellions et le terrorisme ainsi que le développement du trafic en tout genre ; des processus électoraux viciés à dessein ou la tentation de conserver indéfiniment le pouvoir ; l’aggravation des clivages socio-culturels, démocratiques et économiques ; et le comportement des dirigeants, tendant à reléguer au 2nd rang le citoyen », a martelé Kalla ANKOURAO. A ces multiples causes s’ajoutent souvent les ingérences des puissances étrangères motivées par le réflexe de défense des intérêts. « Les situations vécues en Afrique de l’Ouest en 2021/2022 répondent toutes à ces causes », soutient le conférencier.
Comment inverser la tendance ?
Pour inverser la tendance, selon Kalla ANKOURAO, cela ne dépend que de la volonté des acteurs à créer les conditions pour trouver des solutions à chacune des causes citées plus haut, à savoir : « renforcer les institutions démocratiques indépendantes et créer un Etat fort ; veiller à ce que les élections soient organisées régulièrement et qu’elles soient crédibles ; mettre fin à toute tentation de s’éterniser au pouvoir, en luttant notamment contre le 3ème mandat ; vaincre le terrorisme et mettre fin à l’insécurité sous toutes ses formes ; amorcer un développement économique, social et culturel ambitieux à la hauteur de l’attente des électeurs ; replacer le citoyen au centre du processus démocratique en Afrique ; procéder à une véritable conversion des consciences politiques et aussi une prise de conscience des populations elles-mêmes, qui doivent être les véritables détenteurs du pouvoir ; renforcer la lutte contre la corruption et préserver les vrais contre-pouvoirs ; et accroître l’efficacité et la crédibilité des organisations régionales et sous régionales », soutient Kalla ANKOURAO en véritable ambassadeur de la démocratie au Sahel.
Le Niger, une curiosité démocratique…
Parlant du cas spécifique du Niger, Kalla ANKOURAO a déclaré que : « le Niger est un pays où la démocratie a fait son retour après plusieurs coups d’Etat. C’est un pays, où la tendance a été inversée. C’est vrai, le Niger constitue une curiosité à l’heure actuelle : tous les leaders mondiaux qui visitent ce pays ne tarissent pas d’éloges en qualifiant ce pays de modèle de démocratie et d’exemple de pays qui réussit la lutte contre le terrorisme, malgré son étendue (1.267.000 km2 ) et malgré les menaces auxquelles il fait face à ses frontières (4 sur ses 7 frontières connaissent des conflits violents entretenus par les groupes armés terroristes GAT : Nigéria, Lybie ; Mali, Burkina Faso). »
Malgré ces conditions défavorables, en avril 2021, pour la première fois depuis 60 ans, un Président de la République démocratiquement élu a succédé à un autre démocratiquement élu, qui s’est retiré à la fin de ses deux mandats constitutionnels. « C’est un fait inédit au Niger depuis l’indépendance et assez rare en Afrique pour qu’on y insiste », a rappelé avec fierté le Premier vice-président du parlement nigérien au Forum de la démocratie à Strasbourg.
Mais, précise-t-il, « cela ne veut pas dire que la culture démocratique est suffisamment enracinée au point de ne plus se faire de souci. En effet, depuis 2011, le Niger a connu 4 tentatives de coup d’Etat qui ont, toutes, échoués ».
A la question de savoir, pourquoi malgré ces tentatives de déstabilisation, il n’y a pas eu interruption du processus démocratique, Kalla ANKOURAO voit quatre causes essentielles : 1) les forces politiques qui ont porté le président Issoufou Mahamadou au pouvoir en 2011 se sont beaucoup investies pour instaurer un Etat fort et pour élargir la base du pouvoir ; 2) le renforcement des droits et libertés ; 3) le respect des dispositions constitutionnelles et légales pour l’accession au pouvoir ; et 4) le développement axé sur la réduction de la pauvreté (de 56% à 46%) et la préparation de l’avenir à travers l’intensification des infrastructures et le développement des ressources humaines.
En véritable ambassadeur de la démocratie au Sahel et en homme politique chevronné, Kalla ANKOURAO a présenté une communication qui rend compte des hauts et des bas de la démocratie dans la sous-région ouest-africaine. Ce qui a donné matière à un débat intéressant.
Mourtala Issa