Deux coups d’Etat en moins d’un an, c’est ce à quoi nous avons assisté au Burkina Faso quand, le vendredi 30 septembre dernier, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a été écarté du pouvoir par un jeune capitaine de 34 ans, Ibrahim Traoré. Une remise en cause d’un régime militaire par un autre qui ne fait pas, à notre humble avis, l’affaire d’un pays qui, de plus en plus, est malmené par la violence terroriste. Des spécialistes des questions sécuritaires indiquent qu’au Burkina Faso, plus de 40% du territoire échappent au contrôle de l’Etat.
Pendant les 8 mois que le lieutenant-colonel Damiba a duré à la tête de ce pays, la situation sécuritaire s’est beaucoup dégradée à tel point que certaines localités se sont retrouvées isolées du reste du pays.
L’exemple de la ville de Djibo dans le nord du pays illustre bien cette situation. Pendant des mois, cette ville demeure sous blocus des terroristes.
Elle ne se fait ravitailler que par convois qui ne parviennent à la rejoindre qu’après un parcours périlleux. La grande majorité de ses habitants est en proie depuis des mois à une grave pénurie alimentaire.
Le dernier convoi terrestre qui devrait s’y rendre a été stoppé par une embuscade tendue par des terroristes. Des dizaines de soldats et chauffeurs se sont fait descendre et de nombreux camions et petits véhicules ont été détruits ou endommagés à cette occasion.
Pourtant, la lutte contre le phénomène djihadiste a été l’alibi premier qui a fondé l’irruption du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba pour renverser le président élu Rock-Marc Christian Kaboré, alors que celui-ci était à la deuxième année de son second mandat.
La chute de Rock-Marc Christian Kaboré est significative de 7 ans d’exercice d’un pouvoir démocratique brutalement interrompu, précédé de 27 années de dictature de Blaise Compaoré, cet autre soldat qui a troqué son treillis militaire afin de se faire élire à travers des simulacres d’élections dont il était passé pour maître.
Pour rappel, Blaise Compaoré est arrivé au pouvoir grâce à un putsch qui a coûté la vie au président Thomas Sankara, lui aussi militaire. Il a été chassé en 2014 suite à une insurrection populaire orchestrée par la société civile burkinabé et depuis, il vit en exil en Côte d’Ivoire.
La succession de militaires qui usurpent le pouvoir, le Burkina Faso en a connu huit depuis son accession à l’indépendance en 1960.
Pourtant, rien n’a changé dans la qualité de vie de ses populations. Les problèmes sont toujours restés les mêmes. La subite euphorie qui succédait au changement de régime n’a jamais duré plus que quelques jours, voire quelques mois et les populations se sont toujours retrouvées brutalement en face de la dure réalité de leur quotidien.
Quand ils s’emparent du pouvoir, les putschistes promettent généralement monts et merveilles, se présentent comme les hommes qui ont la solution à tous les maux auxquels sont confrontés leurs pays respectifs.
Malheureusement, au lieu de tenir parole ou faire avancer leur pays par des réalisations structurantes, ils arrosent quotidiennement les citoyens de multiples idées populistes. Avec le temps, tout le monde découvre qu’ils ne sont que de simples marchands d’illusions.
En Guinée, au Mali, au Soudan, au Tchad, des militaires ont réalisé des putschs, se sont emparés du pouvoir mais personne ne voit encore de changement dans le quotidien de leurs peuples ou quelques avancées en termes de développement durable pour leurs pays.
Des putschistes usurpent régulièrement le pouvoir dans nos pays et cela fait des décennies que ça dure.
Toutes les fois qu’ils s’en emparent, ils n’ont d’alternatives crédibles à proposer au peuple que des révisions constitutionnelles, de réconciliation nationale, de forum national et d’autres blablas. Et ces blablas ont toujours été d’inutiles pertes d’argent et d’énergies pour nos Etats et nos populations.
Les putschs n’ont toujours été que synonymes d’un inadmissible retour à la case départ, une espèce de recul que cherchent ou chercheront à maquiller leurs instigateurs en véritable avancée pour la démocratie.
Bassirou Baki
Niger Inter Hebdo N°83 du mardi 11 octobre 2022