Sécurité au Sahel : Pour Issoufou Mahamadou, abandonner le Sahel serait une faute !

En marge du débat annuel de l’Assemblée générale lors d’un événement de haut niveau sur le Sahel, organisé sous les auspices des Nations unies, de la Commission de l’Union africaine (UA), de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le Groupe des Cinq pour le Sahel (G5 Sahel), le panel indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement a eu lieu samedi à New York. A cette occasion SEM Issoufou Mahamadou a tenu un important discours qui résonne comme une véritable plaidoirie pour le Sahel.

En substance, Issoufou Mahamadou interpella la Communauté internationale en ces termes : « N’abandonnons pas le Sahel car, plus qu’une erreur, abandonner le Sahel serait une faute. J’interprète la mission qui m’est confiée comme le signe que cette faute ne sera pas commise », a-t-il déclaré.

Désigné président du Panel indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement par Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU, Issoufou Mahamadou a plaidé pour une mobilisation générale de la Communauté internationale pour sauver le Sahel. Il a surtout appelé la « Communauté Internationale pour que le Sahel figure en bonne place parmi les priorités de son agenda car la violence qui y sévit est une menace directe à la sécurité internationale. »

En juillet dernier, à la suite de son succès comme médiateur au Burkina Faso, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo avait déclaré :  ‘’Issoufou Mahamadou n’a rien perdu de sa main magique quand il était chef d’Etat’’.

Pour Issoufou Mahamadou, la mission à lui confiée est aussi une mission grave, très complexe qui intervient dans un contexte international marqué par la guerre en Ukraine et ses conséquences, notamment la flambée des prix de l’énergie et des céréales,  les effets encore perceptibles de la COVID-19, les effets désastreux du changement climatique, la persistance de la crise Libyenne et ses conséquences, l’aggravation des menaces des organisations terroristes et criminels dans le sahel et le bassin du Lac Tchad ainsi que le recul démocratique dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, a-t-il rappelé.

En portant son choix sur Isssoufou Mahamadou pour présider le panel indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement, Antonio Guterres a choisi ’’ l’africain de la décennie’’, l’homme qu’il faut pour faire bouger les lignes au Sahel. Issoufou Mahamadou c’est assurément la sagesse et le sens de la diplomatie réunies pour le bien de l’humanité.

EMS

Ci-joint le Discours prononcé par Issoufou Mahamadou,  Président du panel indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement

Mesdames et Messieurs

Le Secrétaire général des Nations unies et le Président de la Commission de l’Union africaine, en rapport avec la CEDEAO et le G5 Sahel, m’ont sollicité pour constituer et présider un Panel de Haut Niveau dont la mission est de procéder à une évaluation stratégique sur la Sécurité et le Développement au Sahel.

Permettez-moi de les remercier de l’honneur qu’ils me font en me confiant une aussi noble et passionnante mission. C’est aussi une mission grave, très complexe qui intervient dans un contexte international marqué par la guerre en Ukraine et ses conséquences, notamment la flambée des prix de l’énergie et des céréales,  les effets encore perceptibles de la COVID-19, les effets désastreux du changement climatique, la persistance de la crise Libyenne et ses conséquences, l’aggravation des menaces des organisations terroristes et criminels dans le sahel et le bassin du Lac Tchad ainsi que le recul démocratique dans certains pays d’Afrique de l’Ouest.

En particulier, sur le plan sécuritaire, on assiste à une prolifération de groupes djihadistes ou criminels, d’entités politico-militaires, de mouvements indépendantistes ou autonomistes, de groupes locaux d’auto-défense, ainsi que de supplétifs opérant avec des forces de défense et de sécurité.

Plus de civils ont été tués dans le centre du sahel dans les 6 premiers mois de 2022 qu’au cours de toute l’année 2021. L’impact de la crise est dévastateur. A la fin de l’année 2021, plus de 11,000 écoles ont été fermées en raison de la crise et des millions d’enfants n’ont pas été scolarisés. On compte par ailleurs des millions de déplacés.

Le sahel n’a jamais connu un tel niveau de violence. La crise humanitaire qui en découle est sans précèdent, les Etats, affaiblis, ont perdu le « monopole de la violence légitime ». De vastes portions de leur territoire échappent à leur contrôle, leurs capacités à remplir le contrat social passé avec leurs populations est donc réduite. La marge de manœuvre budgétaire de plus en plus limitée risque de compromettre la mise en œuvre des agendas 2030 des Nations Unies et 2063 de l’Union Africaine. Par ailleurs la menace terroriste s’étend du Sahel au pays du Golfe de Guinée.

Mesdames et Messieurs

Le panel de haut niveau est désormais en place. Il est composé de :

Docteur Donald Kaberuka, ancien ministre des Finances du Rwanda, ancien Président de la Banque africaine de Développement (BAD).

Ambassadeur Leila Zerrougui, ancienne Représentante spéciale du Secrétaire général et ancienne cheffe de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO).

Maitre Sohoyata Maiga, avocate, ancienne Présidente de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP).

Docteur Mohamed Ibn Chambas, ancien secrétaire exécutif de la commission de la CEDEAO, ancien représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel qui remplace le Professeur Abdoulaye Bathily, désigné comme envoyé spécial du SG des Nations Unies pour la Lybie.

Permettez-moi de remercier Abdoulaye Bathily pour sa précieuse contribution. Je lui souhaite bonne chance dans l’exécution de sa nouvelle mission.

Mesdames et Messieurs,

La définition des termes de références de la mission qui nous est confiée, celle des profils des experts et leur recrutement ont été les tâches essentielles du Panel de Haut Niveau depuis sa mise en place.

Les termes de références mettent un accent particulier sur le champ de l’évaluation stratégique : il s’agit non seulement des pays du G5 Sahel mais aussi de certains pays du Sahara, du bassin du Lac Tchad, et des pays du Golfe de Guinée. Ces termes de références déclinent aussi les domaines thématiques sur lesquels portera l’évaluation : Gouvernance, sécurité, climat, démographie, développement, coopération régionale, partenariat et mobilisation des ressources. Ils établissent comme on le voit une liaison étroite entre gouvernance, sécurité et développement. Ils prévoient une évaluation de la multitude des initiatives pour le Sahel et posent beaucoup de questions auxquelles l’évaluation doit répondre. Ils ont aussi permis de définir les profils des experts dont une équipe pluridisciplinaire a été mise en place.

Cette équipe examinera l’espace du champ d’évaluation stratégique comme cadre politique avec notamment ses frontières, ses centres, ses routes, ses mobilités, puis comme enjeu pour des acteurs alliés ou rivaux, et enfin comme théâtre sur lequel des Etats faibles ou affaiblis qui n’ont achevé ni leur transition démocratique ni leur transition démographique sont en guerre contre le terrorisme, l’irrédentisme, le crime organisé et doivent faire face à des conflits intercommunautaires.

L’instabilité institutionnelle, le climat, « la bombe P » avec « P » pour population, la compétition pour le contrôle des ressources agro-pastorales, hydriques, minières, énergétiques, la manipulation des questions identitaires, culturelles notamment religieuses sont autant d’autres éléments de la grille de lecture de ces espaces.

Cela nous permettra d’identifier les causes profondes de l’instabilité au Sahel et ses effets induits afin de formuler des propositions concrètes et immédiatement applicables pour que la gestion de la vie publique puisse apporter des réponses urgentes aux défis rencontrés par les populations de la région.

Mesdames et Messieurs,

Avec le Panel de Haut niveau constitué de tous ses membres, avec l’adoption des termes de référence, la définition des profils des experts et leur recrutement, on peut considérer que la phase préparatoire de la mission qui nous est confiée est terminée. C’est donc maintenant que le processus d’évaluation proprement dit va commencer. Je considère que la présente réunion en est la tribune de lancement.

Du haut de cette tribune, je lance un appel à tous les Etats des pays concernés et à tous leurs partenaires à se mobiliser afin que les consultations politiques et techniques que nous allons engager permettent un processus d’évaluation inclusif et participatif. Ces consultations ont déjà commencé en marge de la présente session de l’Assemblée Générale. Tous les Etats et institutions déjà consultés nous promettent leur soutien à travers une participation active à l’évaluation et surtout à travers la mise en œuvre des recommandations qui en seront issues. Du reste, la présente réunion est une excellente occasion pour enregistrer des contributions qui peuvent enrichir le travail du panel et de l’équipe des experts. Notre objectif est de proposer des solutions réalistes, au plus près des préoccupations des populations. Les conclusions auxquelles aboutira cette évaluation, ainsi que les recommandations qui seront formulées devront permettre d’améliorer la gouvernance, de mutualiser de manière plus efficace et plus rationnelle les capacités de riposte face aux menaces, d’accélérer l’intégration régionale et de mobiliser davantage les partenariats internationaux.

Mesdames et Messieurs,

Il existe un risque réel d’implosion du Sahel, la situation, est donc grave.

C’est pourquoi j’en appelle à une mobilisation collective, à tous les niveaux, en faveur du Sahel : national, régional et international. Cette mobilisation doit se manifester à toutes les étapes : du processus d’évaluation à la mise en œuvre de ses propositions et recommandations.

J’en appelle à la Communauté Internationale pour que le Sahel figure en bonne place parmi les priorités de son agenda car la violence qui y sévit est une menace directe à la sécurité internationale

N’abandonnons pas le Sahel car, plus qu’une erreur, abandonner le Sahel serait une faute. J’interprète la mission qui m’est confiée comme le signe que cette faute ne sera pas commise.

Je vous remercie