Hamza Hamy, alias Yanta, ancien prestataire de migrants reconverti à Agadez

Repenti de la migration à Agadez : ‹‹ Le caractère inhumain de cette activité m’a poussé à abandonner ››, confesse Hamza Hamy, alias Yanta,  ancien prestataire

Dans la ville d’Agadez, point de transit de nombreux candidats subsahariens en partance vers l’Europe, via le Maghreb et la Méditerranée, le convoiement des migrants vers les ports libyens est l’une des principales activités des camionneurs de la région, communément appelés « les passeurs ». Hamza Hamy, alias Yanta, la quarantaine passée, évoque aujourd’hui ‹‹ le caractère inhumain de cette activité ›› qui l’a poussé à se reconvertir pour gagner sa vie grâce à sa nouvelle activité de revendeur de bijoux touareg qu’il exerce à Agadez, après 13 bonnes années du métier de « passeur de migrants ». 

Assis sur un banc fait de bois et d’un regard posé, enturbanné d’une longue étoffe bleue autour de la tête, le quadragénaire Hamza Hamy, alias Yanta, ancien convoyeur de migrants, aujourd’hui reconverti, raconte d’un air décomplexé, son récit de convoyeur ou de passeur de migrants vers les ports libyens, où les candidats de cette aventure périlleuse de la migration clandestine, poursuivent la route jusqu’en Europe.

Ils sont généralement des jeunes, hommes comme femmes, âgés en moyenne de moins de 30 ans qui constituent la majorité des candidats à l’immigration vers l’Europe. Ceux-ci arrivent des pays côtiers d’Afrique et du Sahel, passent par Agadez pour rejoindre la Méditerranée et ensuite l’Eldorado européen tant rêvé. Un mythe ou une chimère ? Qui plus qu’un ancien convoyeur de migrants reconverti aujourd’hui pour en témoigner. Il est aussi sollicité par des ONGs dans la région avec comme objectif : conscientiser la jeunesse africaine à Agadez, sur les péripéties qui les guettent sur cette entreprise hasardeuse de la migration irrégulière.

‹‹ Nous, on a fait passer des milliers de personnes, mais le désert est très dangereux. Moi-même qui suis connaisseur du désert nigérien de Ténéré, une partie du sud algérien et une autre partie du Nord du Mali, je ne maîtrise pas tout, malgré plusieurs années d’expérience. À plus forte raison, quelqu’un qui vient des pays côtiers ››, raconte Hamza Hamy, visiblement au regret  après avoir été acteur de ce que d’aucuns qualifient de trafic de migrants.

A Agadez, point de transit des migrants subsahariens, deux flux se dégagent, comme l’explique Monsieur Abdoul Razak Mamane, chef service communal du développement communautaire et de l’aménagement du territoire d’Agadez que nous avons rencontré lors de notre séjour dans la région. Il s’agit du flux des migrants internationaux, candidats à l’immigration et celui des migrants saisonniers nationaux venant des régions de Zinder, Maradi et Tahoua. Comme l’on peut l’imaginer, ‹‹ la traversée de la Méditerranée s’avère l’aventure la plus difficile, même si celle du désert de Ténéré, zone désertique hostile et du Nord-est du Niger, n’en demeure pas moins ››, soupire Hamza Hamy.

Ce qui est marrant dans cette affaire, à en croire notre interlocuteur, également fin connaisseur de cette activité de transport clandestin de migrants qu’il qualifie de juteuse, ‹‹ les candidats à l’immigration irrégulière payent une somme faramineuse aux passeurs. Tu peux trouver un enfant apte à payer 300 000 FCFA pour l’amener d’Agadez à Sebha, alors que le tarif normal de ce trajet est de 20 000f à 35 000f. Mais comme ils sont dans l’illégalité, ces gens préfèrent payer une telle somme pour échapper au contrôle des forces de sécurité ››, se rappelle-t-il, avant de poursuivre que de Sebha jusqu’au bord de la Méditerranée, c’est entre 1000 et 1500 dollars US qui sont déboursés par les migrants. Et cela fait le jeu des passeurs qui profitent sur le dos de ces milliers d’aventuriers sans issue en plein milieu du désert de Ténéré.

À partir du port de Tripoli, réputé être le plus grand en matière de transport des migrants, et ceux de Missirata et de Homs, les migrants sont entassés comme des mouches, pour une traversée de la mer méditerranéenne au péril de leur vie. Les épisodes macabres de cette aventure sont nombreux. Le dernier en date remonte seulement au 24 juin 2022 où une vingtaine de migrants ont péri au moment où près de 2000 migrants irréguliers qui tentaient d’entrer dans l’entrave espagnole de Melilla, sont arrêtés et violentés.

Un drame qui vient s’ajouter au tableau déjà sombre de centaines de victimes de la migration irrégulière dans le désert ou sur la Méditerranée. ‹‹ Celui qui n’a pas conscience que cette activité n’est pas une bonne chose n’est pas un vrai humain ››. C’est au vu donc du caractère périlleux de la migration irrégulière que Hamza Hamy lance un appel pressant à la jeunesse africaine : ‹‹ Vous n’avez pas besoin de quitter le continent africain. Restez en Afrique pour développer ce continent dont le sous-sol est très riche ››.

Lui qui a passé des années dans ce trafic « inhumain et dégradant » à travers les dunes du désert de Ténéré, affrontant sable et tempête, s’est endossé maintenant le manteau de pédagogue pour conscientiser la jeunesse africaine. La raison de sa reconversion, il la tient d’ailleurs du ‹‹ caractère inhumain de cette activité de convoyeur de migrants ››, en plus de l’application de la loi N°036 de 2006 qui pénalise la pratique de la migration irrégulière. Car confesse-t-il, ‹‹ c’est surtout la sagesse africaine qui a pris le dessus, et puis la vie humaine est sacrée, donc il faut la protéger ››. Mieux, Yanta encourage la jeune génération à faire la promotion de l’agriculture et de l’entrepreneuriat privé pour contribuer au développement du continent. Aux éventuels jeunes candidats à la migration irrégulière, celui-ci ‹‹ les exhorte à se  raviser pour construire leur bonheur en terre africaine ››.

Koami Agbetiafa

Niger Inter Hebdo N°71 du mardi 12 juillet 2022