« A mon avis ces coups d’Etat traduisent simplement la victoire du terrorisme sur nos pays et les terroristes doivent se frotter les mains », déclare Sanoussi Tambari Jackou
Sanoussi Jackou (STJ), économiste et homme politique est président du parti PNA Al Oumma qui a comme credo l’autogestion. Dans cette interview fleuve, STJ se prononce sur le dialogue politique au Niger, l’union sacrée comme posture de la classe politique face au défi sécuritaire et les coups d’Etat dans l’espace CEDEAO.
Niger Inter Hebdo : Le Président Mohamed Bazoum en rencontrant récemment certains leaders de la société civile avait réaffirmé sa volonté de réactiver le dialogue politique au Niger à travers le Conseil national de dialogue politique (CNDP). En tant que leader politique quelle réaction a suscité en vous cette annonce du Chef de l’Etat.
Sanoussi Tambari Jackou : C’est un secret de polichinelle que l’opposition politique ne reconnait pas Mohamed Bazoum comme président de la République. Dans ces conditions le dialogue avec l’opposition n’est pas à l’ordre du jour. Il parait que tant que la Haute Cour de justice de la CEDEAO n’aura pas vidé le contentieux électoral une partie de l’opposition ne reconnaitrait pas le président Bazoum comme président de la République. Moi je constate de fait que la majorité écrasante des nigériens acceptent Bazoum comme président de la République.
Et il faut rappeler que l’opposition a boudé le Conseil national de dialogue politique (CNDP) avant que Bazoum ne soit président de la République. La position de l’opposition politique par rapport au dialogue politique ne dépend pas du président de la République et il ne faut pas la faire dépendre du président de la République actuellement puisqu’en fait la raison de la colère de l’opposition politique se trouve ailleurs et cet ailleurs c’est la mésentente entre les deux blocs de la classe politique notamment entre la majorité et l’opposition par rapport à certaines dispositions du code électoral. Si au niveau de cette classe politique on arrive pas à s’entendre sur 4 ou 5 articles du code électoral pour que l’opposition cesse de boycotter le CNDP, c’est une affaire qui regarde l’opposition et la majorité et c’est une affaire qui tourne autour du code électoral. Si toutefois on doit reparler du problème du code électoral ce n’est pas le président qui est le principal acteur du code électoral. Si on doit réactiver le CNDP c’est le Premier ministre qui est habilité à le faire en tant que président du Conseil national du dialogue politique. Si par ailleurs le président de la République en tant que Chef de l’Etat se trouvant au-dessus de la mêlée pourrait faciliter que les uns et les autres se retrouvent c’est tant mieux. Mais si la classe politique est disposée au dialogue alors elle n’a qu’à voir le Premier ministre. Mais il importe de préciser que le président Bazoum a fait cette annonce aux acteurs de la société civile en terme de position personnelle. Je vous fait remarquer d’ailleurs que le décret portant création du CNDP a stipulé qu’avant chaque session ordinaire de l’Assemblée nationale, le CNDP doit se réunir pour prendre connaissance des textes législatifs devant être soumis à cette session. Mais cette disposition du décret n’est pas du tout respectée car à plusieurs reprises il y a eu de sessions ordinaires de l’Assemblée sans que le CNDP ait été réunie préalablement. C’est là une violation d’un texte de la République même si ce n’est pas une loi qui a été ainsi violée, c’est quand même un décret très fort autour duquel tous les partis politiques se sont entendus, les partis de l’opposition et ceux de la majorité.
Niger Inter Hebdo : quelles les conditions de possibilité d’un dialogue politique inclusif au Niger ?
Sanoussi Tambari Jackou : Le dialogue politique inclusif ou exclusif n’est conditionné par quoi que ce soit de particulier ici au Niger. Il faut se rappeler que ce sont les leaders de la classe politique actuelle qui ont examiné la première mouture du code électoral actuel dans un comité tripartite (majorité, opposition et non affiliés). Et les trois groupes ont pu pratiquement s’entendre pour se mettre autour de la table. Le code électoral n’est que le fruit de leur cogitation. Par la suite, l’opposition a rejeté certaines dispositions de ce code électoral. Mais je dois préciser que même en ce qui concerne l’opposition et la majorité, leurs rapports ne sont pas conditionnés par un conseil de dialogue politique. C’est vrai que le CNDP a été institué en 2005 pour permettre à la classe politique de se retrouver, mais les trois groupes de la classe politique peuvent se retrouver ailleurs qu’au CNDP. Quand je dis ailleurs, c’est-à-dire que lorsqu’il y a un problème national à exposer ou à discuter, les uns et les autres peuvent se retrouver à travers un autre cadre national ou international, une conférence publique ou à travers une médiation. Il ne faut pas responsabiliser ceux qui ne doivent pas l’être par rapport à une situation donnée. Si le président de la République a une quelconque responsabilité, ce n’est pas celle de convoquer ou de faire vivre le CNDP. C’est au Premier ministre et aux supers leaders de la majorité et de l’opposition de faire vivre le CNDP. Pour être précis je voudrais dire les chefs de la majorité et de l’opposition au temps où le CNDP a été créé. Et en son temps c’est Mahamadou Issoufou et Hama Amadou qui étaient les chefs de file de la majorité et de l’opposition. Et ce sont eux les autorités morales de la majorité pour l’un et de l’opposition pour l’autre. Ils nous ont pratiquement forcer la main et ils nous ont convaincu de la nécessité de la création du CNDP. Et quels sacrifices ils ne pouvaient pas consentir en 2005 pour qu’on crée le CNDP ? Nous avons accepté leur invite et on avait procédé à la création du CNDP. C’est à eux que nous avons le plus fait plaisir en acceptant de créer le conseil national de dialogue politique et non pas au président de la République de l’époque Son Excellence Tandja Mamadou. Les deux supers leaders sont tellement respectés par leurs groupes qu’il leur suffit tout simplement de donner des conseils ou de faire des propositions tendant à réunir le CNDP pour qu’ils se réunisse. C’est leur victoire sur la mauvaise ambiance du temps où le CNDP a été créé.
Niger Inter Hebdo : Mais aujourd’hui qui est chef de file de l’opposition ?
Sanoussi Tambari Jackou : Le chef de file de l’opposition c’est le président du parti de l’opposition qui a le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale. Et actuellement c’est le président du parti Lumana. Ce n’est ni Mahamane Ousmane ni Hama Amadou. Mahamane Ousmane ne peut prétendre à ce privilège parce qu’il n’est pas le chef du parti de l’opposition majoritaire au parlement.
Niger Inter Hebdo : Etes-vous favorable pour une union sacrée comme nécessité pour faire face à la situation sécuritaire qui assaille notre pays ?
Sanoussi Tambari Jackou : Moi j’ai toujours été pour une union sacrée au sein de la classe politique nigérienne. Je n’ai pas la même position idéologique ou philosophique que beaucoup de nos collègues de la majorité et de l’opposition. Si vous me suivez par rapport à une question donnée, vous pouvez vous faire une idée de ma position en prétendant que c’est la position de Sanoussi Jackou. Pour moi le problème est très simple. Il faut essayer de revivre de temps en temps ce qui s’est passé à la conférence nationale. Quand on a discuté par exemple du sort du président Ali Saibou, certains pensaient qu’il fallait le démettre de ses fonctions, d’autres voulaient qu’on le laisse. Moi j’ai dit qu’il doit rester en tant que président inaugurant uniquement les chrysanthèmes. Et quand nous étions partis à la conférence nationale, après avoir fait des analyses, moi j’ai dit qu’il faut tourner la page sur tout ce qui s’est passé et envisager l’avenir ensemble sur des nouvelles bases. Mais c’était important de savoir quelles sont les causes des problèmes qu’on a vécus pour mieux envisager l’avenir. Pour moi il faut tourner la page sur la base de la connaissance des raisons de nos problèmes dans le passé. Pour moi encore il faut donc tourner la page et envisager l’avenir. Et je pense que même maintenant les gens de la majorité et de l’opposition doivent se retrouver un jour et décider de tourner la page de toute notre petite histoire de ces 10 ou 20 dernières années. On tourne la page et puis on avance, comme disent les gens du PNDS Tarayya, on avance et on consolide. Mais pourquoi s’attacher au passé et faire des récriminations comme des gens qui ont des rancunes les uns vis-à-vis des autres. Je pense qu’il ne faut pas faire de l’exclusion ni de la marginalisation. On doit pardonner ou on doit s’entendre, je pense que nous devons faire en sorte que ce soit comme ça. La majorité et l’opposition, si nous travaillons avec cet esprit actuellement, on n’oublie ce qui s’est passé et on avance. Je suis toujours fasciné dans la ville de Niamey quand il y a une cérémonie de baptême, mariage ou funérailles vous allez voir pratiquement tout le monde et les gens des trois frontières de la classe politique se retrouvent et ils ont du plaisir à se retrouver et on se tape les mains et on se chahute. Moi j’aime des ambiances comme ça. On célèbre les mêmes retrouvailles également à l’occasion des congrès ou anniversaires des partis politiques. Par exemple quand Hama Amadou était revenu de l’Europe à l’occasion du décès de sa mère, on s’était tous retrouver chez lui. Nous sommes majorité et opposition mais cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas entretenir des relations ou de bonnes relations entre nous, si on ne le faisait pas vraiment on se trompe. Il faut absolument s’entendre, si on parvient à le faire ce serait une très bonne chose. Il faudrait une ambiance qui puisse permettre de ne pas jeter ce pays dans une certaine haine.
Niger Inter Hebdo : On assiste à un nouveau cycle de coups d’Etat en Afrique malgré les injonctions de la CEDEAO, le Mali, la Guinée et le Burkina Faso sont aux commandes des juntes militaires. Comment expliquez-vous cette situation ?
Sanoussi Tambari Jackou : Je dois dire qu’il n’y a pas un phénomène unique qui expliquerait la survenance de ces trois coups d’Etat. Et les raisons de ces coups d’Etat ne sont pas les mêmes. A mon avis ces coups d’Etat traduisent simplement la victoire du terrorisme sur nos pays et les terroristes doivent se frotter les mains. Ils ont eu une demie victoire ou une victoire tout cout parce que de toutes les façons ce sont eux et leurs actes qui ont créés les conditions ayant permis à nos pays de se retrouver dans cette situation de division. Si vous analysez la situation au Mali, au Burkina Faso, vous verrez qu’au sein de ces deux pays le terrorisme ou l’insécurité créée par les terroristes sont à la base des mésententes profondes. Au Mali il y avait eu une élection en 2019 où Ibrahim Boubacar Keita a été réélu, mais bien qu’il ait été réélu démocratiquement, son victoire a été contestée par ses adversaires. Si on devait respecter la constitution à la lettre on devait le laisser parachever son mandat de cinq ans. Mais entretemps la situation s’est détériorée au Mali. Et si elle s’est détériorée c’est justement à cause de l’insécurité créée par les groupes terroristes. On se souvient que dans le cadre de règlement de ce problème de sécurité, la France était venue porter main forte au Mali en 2012 à la demande du gouvernement de la transition dirigée par Dioncounda Traoré pour empêcher aux terroristes d’arriver à Bamako. Tout le monde était finalement content que la France ait chassé ces terroristes, on a tous jubilé avec les maliens de la prouesse française. Mais par la suite il y a eu une certaine incompréhension entre français et maliens surtout en ce qui concerne la situation de Kidal. En son temps le président Issoufou a clairement dénoncé la situation créée à Kidal et ses conséquences sur la sécurité au Niger. Je me souviens que notre parti, le PNA Al Oumma nous avions même fait une déclaration à travers laquelle nous avons dénoncé toutes les manœuvres qui ont empêché au Mali d’accéder à Kidal et le reste de son territoire. Les gens ont finalement l’impression que la France était avec les gens de Kidal donc dans le camp des terroristes et que finalement c’est la France qui ne facilite pas la résolution de la crise au Mali. Cette situation a contribué à gâter le rapport des maliens et de certains africains avec la France. C’est ainsi que le gouvernement malien dont IBK était le président n’avait eu pas la chance de venir à bout du terrorisme bien qu’il ait été aidé par la France qui dispose des armes sophistiquées. Le président du Mali a été tenu pour responsable de la détérioration de la situation sécuritaire mais aussi du pourrissement de la situation interne du Mali et les mésententes entre les communautés maliennes. Et progressivement cette situation s’est aggravée et finalement IBK en a eu pour son compte puisque les maliens se sont révoltés contre son autorité. C’est ainsi qu’on a eu l’impression que la population rejetait le président qu’elle avait réélu il y a moins de deux ans auparavant. Les militaires maliens en ont profité pour perpétrer un coup d’Etat. C’est le prétexte qu’ils cherchaient et ils en ont eu avec le pourrissement de la situation sécuritaire et les contestations populaires. Mais en Guinée le prétexte n’est pas le même qu’au Mali. En Guinée, mon cher ami Alpha Condé a commis la faute que tous ceux qui l’ont connu en Europe ne pensaient pas qu’il puisse commettre. Ancien président de la FEANF (fédération des étudiants d’Afrique noire en France), Alpha Condé était apparu en France comme l’ennemi numéro 1 de Sékou Touré, le grand théoricien du monde estudiantin de son époque, le panafricaniste, le docte, le plus grand démocrate du monde. D’ailleurs personne ne pouvait penser qu’Alpha allait venir en Afrique se présenter à des élections libérales et être concurrents à des gens pour occuper le fauteuil présidentiel. Nous on a pensé qu’Alpha Condé en tant que révolutionnaire ne pouvait chercher qu’à faire une révolution prolétarienne et prendre le pouvoir. Mais que Alpha Condé exagère pour qu’il veuille un 3ème mandat, c’est encore plus surprenant que tout. Il a cherché son 3ème mandat et la classe politique guinéenne lui a fait la guerre. Et finalement les militaires guinéens ont encore pris comme prétexte cette situation de 3ème mandat et ils ont perpétré le coup d’Etat en Guinée. Mais au Burkina ce n’est pas la même chose qu’en Guinée, ce n’est pas la même chose au Mali. Pour le Burkina Faso, je peux vous dire que c’était prévisible. Le jour où nous avons appris que le gouvernement de Kaboré a franchi le Rubicon jusqu’à laisser les soldats sans vivres, sans ravitaillements je me suis dit que c’est le comble de l’incurie, de l’irresponsabilité. Moi j’avais vécu comme détenu politique à Dao Timi, tous les mois on apportait des ravitaillements en vivres aux militaires et j’imagine que s’il y avait un retard de 3 ou 4 jours sans l’arrivée des ravitaillements, les militaires seraient très mécontents et même nous qui étions des détenus là-bas. Comment on amène des militaires en poste et on n’arrive pas à leur amener des vivres ? Si j’étais un responsable d’Etat au Burkina, non seulement je n’aurais pas supporter cela mais je trainerais devant les tribunaux militaires ceux qui sont responsables de cette situation. Et vous avez vu ce sont des mutineries organisées par des soldats exaspérés par la situation qui ont eu finalement raison du régime de Marc Christian Kaboré. C’est également un autre prétexte que des officiers burkinabés ont allégué pour transformer la mutinerie des soldats en coup d’Etat. Il y a lieu de se demander d’ailleurs est-ce que politiquement il peut y avoir une cohésion entre les militaires qui ont pris le pouvoir au Burkina : entre les frustrés du procès de Thomas Sankara et les partisans du régime de Blaise Compaoré les intérêts seraient difficilement conciliables. Il doit y avoir plusieurs groupes, ce n’est pas un groupe homogène qui a pris le pouvoir au Burkina. C’est vous dire que les prétextes qui ont amené les militaires à prendre le pouvoir au Mali, en Guinée et au Burkina Faso sont différents les uns des autres.
Niger Inter Hebdo : Ces coups d’Etat ont un semblant de soutien populaire, n’est-ce pas un discrédit pour les démocraties dans nos pays ?
Sanoussi Tambari Jackou : Moi j’ai écouté plusieurs sensibilités au Burkina, par exemple un représentant d’un collectif où se trouve le balaie citoyen. Je l’ai écouté, il a pris soin de ne pas parler du coup d’Etat de telle façon qu’il prenne position pour ou contre le coup d’Eta. Il a déclaré en l’occurrence ceci : ‘’nous voulons une courte transition’’. Ce n’est pas tous les citoyens ensemble qui sont en train de jubiler parce qu’il y a eu un coup d’Etat. D’ailleurs avant le putsch, il y en a qui ont publiquement appelé l’armée à prendre le pouvoir au Burkina Faso. Dans ce cas ne globaliser pas, pour les démocrates sincères ce n’est pas parce qu’on conteste un pouvoir qu’il faut souhaiter qu’il soit renversé par un coup de force. Il y a justement des citoyens burkinabés qui ont combattu le régime de Kaboré pour voir la situation du pays s’améliorer pas forcément en passant par une rupture du processus démocratique. Au Mali, les maliens ont considéré à un certain moment que IBK est inapte à gérer le pays. Il n’y a pas donc une certaine similitude et une entente générale qui aurait été discutée entre les peuples des trois pays pour qu’ils rejettent leurs dirigeants civils respectifs au profit des putschs militaires.
Niger Inter Hebdo : D’aucuns voient le deux poids deux mesures de la CEDEAO comme une défaillance de cette organisation en acceptant des coups d’Etat constitutionnels à savoir le 3ème mandat. N’est-ce pas un camouflet pour la CEDEAO qui donne l’impression de violer ses propres principes sur la démocratie et la bonne gouvernance ?
Sanoussi Tambari Jackou : Non et non ! Dans le protocole additionnel de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance il y a des principes qui ont été retenus par rapport auxquels tous les pays membres de la CEDEAO doivent se soumettre. Il y a d’autres des principes qui n’ont pas été retenus par cette charte et que les gens voudraient qu’on applique parce qu’ils ignorent que ce n’est pas retenu. Plus précisément selon la charte de la CEDEAO l’accession au pouvoir par la force est rejetée et la démocratie est acceptée comme principe de gouvernance de tout le monde. Si dans un Etat de la CEDEAO les militaires remettent en cause les autorités légitimes et les institutions démocratiques, c’est tout à fait normal que la CEDEAO condamne et se donne les moyens de rétablir l’ordre constitutionnel dans un Etat membre. Je dis que bien que cette histoire du 3ème mandat soit une mauvaise chose mais nulle part il n’est écrit que si quelqu’un accède au pouvoir en s’octroyant un 3ème mandat doit être chassé du pouvoir ou ce n’est pas normal. D’ailleurs cette histoire de limitation de deux mandats est récente, c’est au fur et à mesure que les pays sont en train de modifier leurs constitutions pour l’instituer. Maintenant celui qui s’octroie un 3ème mandat et que son peuple se révolte, ça c’est une cuisine interne, personne n’y peut rien. Si on peut s’entendre pour qu’il n’y ait plus de 3ème mandat alors on doit l’inscrire dans les textes de la CEDEAO comme c’est écrit dans la constitution du Niger.
Niger Inter Hebdo : Est-ce que les coups d’Etat constituent une alternative crédible face au défi sécuritaire ?
Sanoussi Tambari Jackou : Le défi sécuritaire c’est le problème de base, c’est le problème principal. C’est pour cela que je vous ai dit en amont que c’est une victoire des terroristes puisqu’ils nous ont amené dans la situation où nous sommes actuellement. C’est eux qui ont agressé, menacé, terrorisé et qui nous amené dans cette situation où les militaires sont en train de perpétrer des coups d’Etat dans certains comme le Mali et le Burkina Faso.
Niger Inter Hebdo : Dans ce contexte sécuritaire les putschs peuvent paraitre comme des fuites en avant, des scénarios du pire. Comment justement prévenir ces coups de force pour laisser libre cours au processus démocratique dans nos pays ?
Sanoussi Tambari Jackou : Lisez les préambules de toutes nos constitutions nigériennes de la première République à celle du 25 novembre 2010 , vous verrez que tous ces textes condamnent et rejettent toute prise de pouvoir par la force ou d’une façon anti démocratique. Les coups d’Etat ont toujours constitué des reculs par rapport aux acquis conquis de haute lutte par certains peuples africains. Mais les gens ne sont pas à cheval sur les principes, il y en a qui n’ont jamais aimé la démocratie, il y a des charlatans qui font tout pour arriver au pouvoir. Mais la majorité est très attachée à la démocratie. Pour répondre précisément à votre question je pense qu’il faut absolument asseoir une bonne gouvernance dans nos pays et aussi mettre les forces de défense et sécurité dans les conditions qu’il faut pour qu’elles puissent accomplir leur devoir de la protection du territoire et du peuple. Il faut également respecter les dispositions de la constitution et les principales lois de la République, il ne faut pas opprimer les gens pour qu’ils ne puissent pas regretter la démocratie. Hier seulement dans ce salon (NDLR : le salon de Jackou qui constitue une véritable agora ou fada), mon interlocuteur me disait qu’avant les élections il n’aimait Bazoum mais qu’aujourd’hui en voyant Bazoum à l’œuvre, il a changé d’opinion. Pour lui l’image qu’il avait de Bazoum était imaginaire par rapport à la réalité. Il m’a finalement confié qu’il a trouvé le président Bazoum très courageux en allant dans les zones à haut risque terroriste. C’est exemple prouve à suffisance la nécessité de juger les dirigeants sur des bases objectives. Bref, pour prévenir les coup d’Etat, il faut bien gérer le pays, il faut respecter les lois et règlements de la République. Il faut respecter la justice, surtout la justice et que les juges rendent la justice selon le droit et non pas selon autre chose.
Interview réalisée par Elh. M. Souleymane et Abdoul Aziz Moussa
Niger Inter Hebdo N°53 du 01 Février 2022