Fespaco 2021 :  Réaction de Sani Magori sur la participation du Niger

 

 

La 27e édition du Fespaco, le festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou s’est tenue du 16 au 23 octobre 2021. Le Niger a participé pour les prix spéciaux à la catégorie film documentaire. Notre compatriote Aicha Macky alias la ‘’briseuse de tabous’’ a honoré le Niger avec trois prix dont le prix de la meilleure réalisatrice de la CEDEAO, le prix de la femme ambassadrice de la paix de l’Agence française au développement (AFD) et une mention spéciale du Conseil de l’entente. Dans l’entretien qui suit, Sani Magori, Directeur général du Centre National de la Cinématographie du Niger (CNCN) répond aux questions de Niger Inter sur la participation du Niger au Fespaco 2021.  

Niger Inter : En tant que Directeur général du Centre National de la Cinématographie du Nige, quelle est votre impression sur la participation du Niger au Fespaco cette année ?

Sani Magori : Je peux dire que cette année comparativement aux années précédentes,  nous étions un peu plus organisés, même au niveau de notre stand qui est un peu plus grand cette année :  9m² l’an dernier contre 27m² cette année. Et puis la participation également des professionnels de différents métiers du cinéma est beaucoup plus effective cette année que l’année passée. Les médias sont aussi beaucoup plus présents cette année.

L’espoir est beaucoup plus présent, même si l’autre année nous avons également espérer avoir le prix. cette édition avec le film de Aïcha Macky, nous avons eu des excellents retours de part et d’autre vu la thématique, vu les conditions sociopolitique cette année, ce qui fait que de ce côté également, nous sommes beaucoup plus enthousiastes. Et puis par rapport même à l’accompagnement, à la présence des autorités, nous sommes très enthousiastes cette année. Le ministre de la culture était à la clôture. Il a visité notre stand et c’esst très motivant. Les partenaires qui sont également venus avec nous : le CCFN, CCOG, l’APEC étaient dans notre délégation, ils nous accompagnent. Cette année également, nous avons organisé des projections à l’endroit de nos parents, de nos frères, de nos sœurs, de nos compatriotes qui sont ici au Burkina Faso et qui n’ont pas l’opportunité d’aller dans les salles. Donc nous les trouvons dans les quartiers avec des films nigériens que nous choisissons avec eux, et puis on passe la soirée ensemble à regarder des films à discuter.

Niger Inter : Le Niger n’est pas représenté dans la catégorie fiction. Comment expliquez-vous cela?

 

Sani Magori : Par rapport à la sélection du Niger qui n’est pas dans la catégorie de la fiction. Vous savez le cinéma c’est une activité qui demande beaucoup d’argent, beaucoup d’organisation, qui demande une implication multinationale. Le problème c’est qu’au Niger nous n’avons pas accès de façon démocratique au fond. Parce que le fond existe mais il n’est pas alimenté par l’État, qui permettra à toute personne qui a un bon projet de pouvoir déposer son projet et d’avoir de l’argent. Si vous regardez tous les pays qui ont de long métrage, ils ont des fonds de cinéma dans leur pays, que généralement ils appellent le fond de dignité, parce qu’un cinéaste s’il n’arrive pas avoir le fond sur lui, il n’a pas de crédibilité internationale. C’est très très difficile. À moins que ce dernier ait une certaine notoriété qui lui permet de pouvoir s’affirmer même en dehors de son pays.

 Je crois que c’est le cas cette année de Aïcha Macky qui a pu réaliser son film, mais là aussi pas sans soutien du pays. Si on veut aller beaucoup plus loin, il faut un soutien beaucoup plus démocratique. Pour la fiction qui demande énormément d’argent, il est très difficile d’avoir un  film de fiction de très bonne facture qui puisse susciter l’espoir de remporter un prix dans cette catégorie.

Mais l’un dans l’autre, les cinéastes nigériens, leur force et surtout leur idée, leur croyance, leur enthousiasme, leur solidarité à vouloir se donner les mains pour faire des films n’est pas étonnant bien sûr. On ne sera pas surpris si un jour, malgré les difficultés de moyens que nous avons, que nous ayons un film qui competisse en cette catégorie. Je suis optimiste. Même si nous n’avons pas l’argent, nous avons quelque chose que les autres pays n’ont pas, comme je le dis souvent. Le Niger c’est un pays souche où vous pouvez vraiment avoir beaucoup d’autres choses très très originales que vous pouvez juste développer et arriver à produire quelque chose qui va interresser le monde.

Niger Inter : Selon vous que doivent faire les acteurs ( État, cinéastes) pour booster notre cinéma ?

 

Sani Magori : je pense que pour avoir un cinéma compétitif, un cinéma de société, un cinéma qui défend nos valeurs, un cinéma qui protège notre patrimoine, un cinéma économique, un cinéma qui apporte de la richesse, il faut que chacun des maillons joue sa partition. Souvent je n’accuse pas l’État, j’accuse les cinéastes, parce que l’État c’est nous-même, c’est tout le monde. l’État ne peut pas bouger d’un iota si vraiment en face nous ne suscitons pas la confiance.

Je pense que nos cinéastes doivent mieux s’organiser, s’organiser au sens où il faut qu’ils se fédèrent de façon vraiment responsable. C’est en ce moment seulement que nous pouvons avoir une union sacrée que l’État aura en face des gens organisés et dignes de confiance. En ce moment seulement que l’État dira tient, voilà quelque chose et je crois à tout ce que vous dites et on va créer le fonds, parce que tous les textes d’une industrie cinématographique, le centre national de la cinématographie les a élaborés. Ce qui manque c’est le décret d’application. Nous avons même élaboré un plan stratégique qui nous permet de définir notre politique cinématographique dans les dix prochaines années. Ça c’est des bases fondamentales que d’autres pays n’ont pas.

On a une loi qui a créé le fond mais le fond n’est pas alimenté. On a élaboré des textes de l’industrie cinématographique pour définir tous les métiers du cinéma et les règles à adopter par chaque maillon du cinéma, et là le décret n’est pas encore  adopté par le gouvernement. Vous voyez également le centre national de cinématographie n’a pas encore de siège. Nous avons un siège qui est à côté de l’ORTN et que nous cherchons depuis des années à conquérir. Vous savez sans espace propre il est très difficile même pour la crédibilité du cinéma de pouvoir convaincre. Nous nous battons à côté, nous cherchons à ce que l’État mette le cinéma dans ses droits pour que nous puissions avoir ce lieu où nous pouvons investir, nous pouvons avoir des partenaires, nous pouvons vraiment développer l’activité cinématographique avec les cinéastes.

 Si on veut voir le bout du tunnel, il faut véritablement que les cinéastes comprennent leur rôle à savoir venir avec des propositions concrètes, avec une organisation responsable et demander qui de droit et vous allez voir qu’on ne peut pas sortir sans qu’il ne se passe rien.

Niger Inter : Quelle est votre réaction du succès d’Aïcha Macky à ce Fespaco ?

 

Sani Magori :  C’est un sentiment d’une grande satisfaction, d’une grande joie d’un travail abattu par Aïcha Macky et d’un mérite absolu, parce qu’elle a été très brave et puis elle a monté la barre très haute, je crois que c’est vraiment un succès national. Nous sommes très très satisfaits déjà et nous espérons que demain avec le palmarès officiel du Fespaco, nous allons espérer un autre prix. Nous sommes très satisfaits, toute la délégation du Niger, nous venons de rencontrer le ministre. Vraiment on lui a présenté le prix, il était très très content, très ému parce que c’est un triplé. Premier Prix de la meilleure réalisatrice de l’Afrique de l’ouest, Premier Prix de la meilleure réalisatrice qui fait la promotion de la  paix, décerné par l’agence française du développement et une mention spéciale du jury du Conseil de l’Entente. Ce qui est vraiment très bien.

Propos recueillis par Koami Agbétiafa