‘’Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », dit-on. C’est du moins ce qu’on pourrait reprocher aux officiers conspirateurs du putsch manqué du 31 mars dernier. L’on entend çà et là des supputations tendant à justifier la théorie du complot ourdi à l’encontre des militaires arrêtés dans le cadre des investigations en cours pour instruire le dossier. Mais des sources concordantes, il n’y a aucun doute que ces soldats sont victimes de leur propre turpitude dans leur tentative de déstabilisation des institutions de la République.
Ceux qui voudraient faire croire à la théorie du complot ont tendance à reprocher aux autorités de vouloir diviser pour mieux régner. Il y a des plus légers, à l’image d’un certain Kaocen Maiga qui tient un discours truffé d’antivaleurs dont lui seul a le secret. C’est indécent de rapporter ici ses propos, en ce sens que l’armée nigérienne est une institution républicaine. N’est-ce pas contreproductif que les plus hautes autorités de la République s’abaissent à traiter de façon discriminatoire les officiers, au regard de leur attachement aux valeurs républicaines ?
Dans le sens de la théorie du complot, on peut lire le Mondafrique qui publie le 19 mai dernier l’article ‘’Niger, le Président Bazoum décapite l’armée’’. De façon tendancieuse, comme toujours sur le Niger, il est écrit : « Alors que les menaces terroristes se multiplient, le président Bazoum, à peine élu, coupe les têtes au sein de l’armée nigérienne ». C’est pour parler des arrestations de certains officiers pris dans le cadre du coup d’Etat avorté du 31 mars 2021 que ledit article a été publié par ce média.
Pour parler des ‘’têtes coupées’’ au sein de la grande muette, Mondafrique a cru utile de citer des noms : « L’ancien chef d’état-major de l’armée de terre nigérienne, le général Seydou Badié, relevé récemment de ses fonctions, a été arrêté le week-end à Niamey dans le cadre de l’enquête sur la tentative de coup d’Etat du 31 mars dernier. Avant lui, le chef des opérations à l’état-major général des armées nigériennes, le colonel-Major Amadou Djibo qui avait été arrêté dans le même cadre, tout comme le Commandant de la zone de défense de Tillabéri, partie du territoire nigérien se trouvant dans la zone dite des trois frontières ».
Mais ce journal n’est pas à son premier coup d’essai en parlant de l’armée nigérienne. La Rédaction du Mondafrique a même eu le culot de suggérer que l’armée serait ‘’l’ultime arbitre des élections de 2021’’. Le journal de Nicolas Beau a dit des choses assez graves sur l’armée nigérienne. C’est inacceptable. Le droit d’informer n’autorise pas un média ou des journalistes à s’immiscer dans la gestion d’une armée, notamment en évoquant des questions sensibles comme le tribalisme ou le régionalisme. Mais le personnage est bien connu et l’opinion publique nigérienne a depuis belle lurette compris son petit jeu. Ils sont assez lucides (au Mondafrique) pour faire croire au monde que le contexte d’insécurité serait synonyme d’immunité à ceux qui ont tenté de déstabiliser l’Etat et ses institutions. Les auteurs ou conspirateurs du coup d’Etat avorté, n’en déplaise à la Rédaction du Mondafrique, seraient pris sur la base des faits qu’ils ne sauraient nier, ajoutés à la dénonciation faite par certains de leurs complices.
Les vraies raisons du coup d’Etat avorté
A l’annonce de ce putsch manqué du 31 mars dernier, d’aucuns ont cru à une machination du pouvoir. Malgré l’arrestation des officiers déserteurs de l’armée, il y en a encore des esprits sceptiques. Mais pour les esprits rationnels, l’on ne saurait nier les faits. Et les faits sont têtus notamment lorsque les auteurs du putsch eux-mêmes seraient passés aux aveux. Pourtant, qu’il s’agisse du général Seydou Badié, du colonel-Major Amadou Djibo ou du Comzone de Tillabéri, leurs arrestations ne souffrent d’aucune ambiguïté.
Ils seraient arrêtés sur la base des faits irréfutables, apprend-on. Ces officiers auraient cédé au chant des sirènes sur la nationalité d’origine du Président Mohamed Bazoum. Les raisons essentielles pour justifier ce putsch c’étaient de dire à l’opinion publique que Bazoum ne serait pas nigérien d’origine et qu’il ne serait pas également le Président élu. L’objectif du coup d’Etat, c’était également d’empêcher l’investiture programmée du nouveau Président de la République élu, le vendredi 2 avril 2021, dans l’optique d’une vaine tentative de remettre les pendules à zéro.
C’est dire que les menaces de Hama Amadou et du général Moumouni Boureima dit Tchanga, pendant la campagne électorale, ont eu des effets au sein de la grande muette. Certains chefs des opérations imprudents ont été manipulés pour détourner les hommes et les armes de leur objectif dans le seul but de remettre en cause l’ordre constitutionnel normal.
Le Chef des opérations Almahaou de Ouallam qui aurait refusé d’obtempérer à l’ordre du général Badié de descendre sur Niamey avec l’arsenal de guerre ne serait pas inquiété parce que les enquêteurs ont estimé qu’il n’a pas cautionné cette forfaiture de putsch.
C’est dire que l’affaire du coup d’Etat manqué du 31 mars 2021 est loin d’être une fiction. Il y a des faits et des actes posés par des hommes nommément identifiés. Ces derniers doivent assumer leur responsabilité. Ceux qui ne se reprochent rien sauront se défendre de façon contradictoire au tribunal militaire. Loin d’être une circonstance atténuante, le contexte d’insécurité qui prévaut actuellement au Niger pourrait être plutôt une circonstance aggravante pour ceux qui ont tenté lâchement de déstabiliser l’Etat et les institutions de la République.
EMS et Abdoul Aziz Moussa
Niger Inter Hebdo N°22