Le 14 mai dernier était la date limite du dépôt des dossiers auprès du Conseil supérieur de la communication (CSC) pour l’obtention du fonds d’aide à la presse au titre des années 2019-2020. Sauf que depuis la modification apportée à la loi sur le fonds d’aide à la presse, la majorité des responsables des médias boudent l’immixtion du CSC dans la gestion de cette subvention. Ils ne se bousculent plus pour l’obtention de cet appui. Faut-il revenir au statu quo ante ?
Institué par la loi N°2012-34 du 7 juin 2012, portant composition, attributions, organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la communication (CSC), le fonds d’aide à la presse est « destiné à soutenir les activités relatives à l’intérêt général des entreprises de presse et des journalistes. Il est alimenté annuellement par des contributions de l’Etat, de ses démembrements et de toute société de communication, de publicité et de distributions de presse, de dons et legs », selon l’article 10 de ladite loi. Cette même disposition stipule que « le soutien aux entreprises de presse est direct et/ou indirect et il ne peut, en aucun cas, concerner le fonctionnement courant de celles-ci ».
Mais depuis la modification apportée à cette loi, « le soutien aux entreprises de presse se fait de manière indirecte, contrairement à l’ancien système où les entreprises de presse bénéficiaires de cette aide recevaient de l’argent frais, donc de manière directe ».
D’ailleurs, c’est sur la base de cette loi modifiée que le fonds d’aide à la presse au titre de l’année 2018, d’une enveloppe de 185.017.531 francs CFA, dont 35% consacré à la formation des journalistes et 65% pour l’acquisition des équipements pour les entreprises de presse, a été attribuée par le Conseil supérieur de la communication aux organes bénéficiaires. L’examen de tous les dossiers déposés auprès du CSC par les entreprises de presse pour l’obtention de cette aide a été fait par un comité de travail mis en place à cet effet par le CSC.
Une enveloppe ainsi allouée en 2018 avait été jugée « insignifiante » par le Bureau du conseil d’administration de la Maison de la presse, dans un communiqué rendu public le 11 décembre 2019. Dans ce même communiqué, la faîtière des organisations des médias nigériens a demandé à l’Etat de « rehausser l’enveloppe allouée pour le soutien aux organes des médias et aux journalistes, de créer les conditions permettant l’émergence de véritables entreprises de presse, de réviser la loi sur le Conseil supérieur de la communication, notamment à son article 10 qui consacre désormais que le soutien aux entreprises de presse est indirect ».
Selon nos informations, entre autres raisons qui auraient conduit l’Etat à réviser les dispositions de l’article 10 de la loi sur le CSC pour que l’attribution de l’aide à la presse se fasse de manière indirecte, c’est de permettre aux journalistes de bénéficier directement de cette aide à travers des formations qualifiantes et aux entreprises de presse de pouvoir s’équiper résolument,
Cette modification à l’article 10 de la loi sur le Conseil supérieur de la communication n’a malheureusement pas requis l’assentiment de l’écrasante majorité des promoteurs des médias privés qui estiment que l’autorité de régulation ne doit pas s’ingérer dans la gestion des subventions accordées aux entreprises de presse du moment où la loi a déjà prévu un mécanisme de contrôle à travers la Cour des comptes.
Aujourd’hui encore, la question (Ndlr : l’attribution du fonds d’aide à la presse de manière indirecte) continue à faire grincer les dents au niveau des promoteurs des médias privés (Radio, télévision et presse écrite).
Cette situation expliquerait, selon toujours nos informations, le fait qu’il y a moins d’engouement au niveau des entreprises de presse à candidater pour l’obtention du fonds d’aide à la presse. A cela, s’ajoute pour certains promoteurs des médias et même la Maison de la presse, « la rigidité des conditions d’éligibilité et les critères d’attribution, appliqués pour l’obtention du fonds d’aide à la presse ».
Aussi, dans les vagues qu’a soulevées l’attribution du fonds d’aide à la presse au titre de l’année 2018 dans le rang de promoteurs des médias, « le caractère indirect de cette aide » et le manque de ‘’souplesse’’ des critères d’éligibilité et d’attribution de ce fonds, ont conduit certains responsables d’organes de presse à s’attaquer vertement au Conseil supérieur de la communication.
Dans le feu de l’action, ces promoteurs avaient annoncé « le dépôt d’une plainte contre le CSC devant le Conseil d’Etat ». Bon nombre de ces responsables des médias, a-t-on appris, se seraient abstenus à faire acte de candidature pour l’obtention du fonds d’aide à la presse au titre des années 2019-2020.
A l’allure où vont les choses avec cette formule de « l’octroi indirect du fonds d’aide à la presse », l’on risque de ne plus avoir des organes de presse candidats à ce fonds. Du coup, l’objectif recherché à travers l’attribution de ce fonds par l’Etat, celui d’aider les organes des médias privés à devenir des véritables entreprises de presse, ne sera jamais atteint.
Au gouvernement, à travers le CSC, les organes de médias et la Maison de la presse, de se pencher sérieusement sur la question, afin qu’une solution intermédiaire soit trouvée quant à l’attribution de cette aide aux médias. Sinon revenir au statu quo ante puisque lorsqu’une réforme s’avère inopérante, il savoir tirer toutes les conséquences.
Oumar Issoufa